Le monodrame, structure de base pour l étude de Nicolas Evreinov - article ; n°1 ; vol.53, pg 15-26
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Le monodrame, structure de base pour l'étude de Nicolas Evreinov - article ; n°1 ; vol.53, pg 15-26

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Description

Revue des études slaves - Année 1981 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 15-26
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Spencer Golub
R. Parsons
Monsieur Gérard Abensour
Le monodrame, structure de base pour l'étude de Nicolas
Evreinov
In: Revue des études slaves, Tome 53, fascicule 1, 1981. Nicolas Evreinov : l'apôtre russe de la thêâtralité. pp. 15-
26.
Citer ce document / Cite this document :
Golub Spencer, Parsons R., Abensour Gérard. Le monodrame, structure de base pour l'étude de Nicolas Evreinov. In: Revue
des études slaves, Tome 53, fascicule 1, 1981. Nicolas Evreinov : l'apôtre russe de la thêâtralité. pp. 15-26.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1981_num_53_1_5119LE MONODRAME, STRUCTURE DE BASE
POUR L'ETUDE DE NICOLAS EVREINOV
PAR
SPENCER GOLUB
Parmi tous les obstacles que les chercheurs occidentaux doivent surmonter
quand ils tentent d'évaluer la vie et l'œuvre de Nicolas Evreinov (1879-1953),
l'incapacité de construire un cadre à sa mesure est peut-être le plus grand. Si
nous saisissons Evreinov par un de ses aspects ou par un autre — metteur en scène,
dramaturge, historien, théoricien du théâtre — nous risquons de ne capter qu'un
aspect de son œuvre protéiforme et de laisser échapper l'essentiel. L'ironie du sort
veut que ce soit sa propre théorie du monodrame qui nous fournisse la clef qui nous
permettra de pénétrer quelque peu son secret.
Deux mots d'abord, en guise d'introduction, sur la manière dont cette théorie
s'est développée en même temps que se façonnait le personnage d'Evreinov.
Evreinov participe de la tradition artistique selon laquelle c'est la vie qui est
l'œuvre fondamentale. L'artiste qui maîtrise les éléments de sa vie et en détermine
la structure peut prétendre avoir fait une œuvre d'art. Même en tenant compte du
caractère foncièrement subjectif de l'art, une telle attitude n'est guère, pour beau
coup d'observateurs, que de l'affectation de la part d'individus ayant plus de
penchant pour l'auto-encensement que de talents artistiques. C'est une attitude
qui occupe, dans le domaine de l'art, une place analogue à celle de l'astrologie
ou de la parapsychologie pour les scientifiques : théorie séduisante mais invérifiable.
Il faut dire cependant que la simple persistance à travers l'histoire de l'idée que
l'existence humaine doit être considérée comme une œuvre d'art, l'ardeur et la
force de persuasion des partisans de cette idée, justifient jusqu'à un certain point
qu'on la prenne au sérieux, quitte à établir un code approprié pour son étude.
Il s'agit d'une idée que Nicolas Evreinov, plus que tout autre (à l'exception peut-
être d'Oscar Wilde, à qui on l'a souvent comparé), a poursuivie avec une ingéniosité
et un acharnement presque maladifs.
Evreinov est assez typique de son époque. Saint-Pétersbourg palpitait au rythme
des mascarades, inspirées de la commedia dell'arte, redécouverte par les artistes
russes de la période d'entre les deux révolutions (1905-1917). Le plus populaire
de ces masques était Arlequin, le fourbe, le caméléon, capable de se transformer
Nota : Toute citation dont la source n'est pas précisée renvoie à N.N. Evreinov, Введение в
монодраму, S.-Pb., Современное искусство, 1909.
Rev. Étud. slaves, Paris, LIII/1, 1981, p. 15-26. 16 S. GOLUB
lui-même, de transformer le monde autour de lui et de survivre en toutes circon
stances. L'illusion du pouvoir que suggèrent ses coups de batte, avait beaucoup
d'attrait pour une société qui allait à la dérive, ayant largué ses amarres philo
sophiques et politiques.
La renaissance culturelle de la Russie avait été préparée pendant la décennie
précédente. Le mouvement du Monde de l'art s'inspirait du fort courant indivi
dualiste manifesté par le symbolisme et le romantisme allemand et par les décadents
français, qui se trouvait ainsi canalisé vers la culture russe. Les artistes russes s'eni
vraient aux vapeurs de l'athéisme, de l'amoralisme, du nietzschéisme et de l'idée
selon laquelle l'art est un phénomène grand et mystérieux, d'une aura royale, qui
trouve son inspiration suprême dans l'Homme, son créateur1 . A partir de cette
idée selon laquelle l'homme est ce qu'il y a de mieux dans l'art et dans la vie, s'est
développé ce qu'on a appelé « la théorie de l'égoïsme »2. Les poètes symbolistes
en ont été les promoteurs en vantant la suprématie du subjectivisme. Il était donc
logique de conclure que, si le monde tournait autour du « moi » créateur de l'artiste,
l'importance de l'artiste en faisait un objet digne de contemplation esthétique.
Sa vie pouvait être une œuvre d'art3 .
Personne n'a pris plus au sérieux cette idée-là, personne ne ľa développée aussi
systématiquement qu'Evreinov. Les jugements qui ont salué son apparition sur la
scène culturelle pétersbourgeoise témoignent du mal que les gens ont déjà eu,
à l'époque, à le ranger dans une catégorie appropriée. On a collé sur Evreinov
les étiquettes les plus diverses : original au talent sui generis ; personnage préten
tieux ; dilettante ; décadent ; dandy ; excentrique ; illusionniste ; Arlequin ; Xlesta-
kov ; « esthète réactionnaire et antidémocratique » ; charmeur ; homme de goût ;
homme d'esprit ; être courageux, persuasif, vague, banal, paradoxal, excentrique,
trompeur, emporté, vaniteux, hautain, plein de coquetterie, hypocrite, égotique,
théâtral, frivole, grandiloquent, individualiste, fanatique, très russe et très européen.
Et s'il est vrai qu'Evreinov s'identifiait avec obstination au rôle d'Arlequin, il n'en
a pas moins été comparé au Docteur de Bologne, le fameux bavard impénitent qui
prétend à une science qu'en réalité il ne possède pas4. Evreinov, bien entendu,
n'était pas d'accord, mais en fin de compte il était plus avide de publicité que de
vérité.
Evreinov a façonné son personnage avec tant de soin que l'homme ne peut être
aperçu derrière le masque qu'un bref instant au moment où il prend la fuite. Le
masque d'Arlequin le ravissait ; il y voyait le symbole du théâtre en même temps
qu'un moyen de libération personnelle qui lui permettait de choisir le rôle qu'il
voulait, l'artiste, ou bien le savant, toujours ironique, paradoxal et provoquant,
pour les critiques comme pour les spectateurs.
Evreinov s'est façonné le rôle du Christ -Arlequin, sauveur de l'humanité souf
frante par le pouvoir transformateur du théâtre dans la vie. Chaque nouvelle œuvre
d'Evreinov a marqué une nouvelle étape dans le développement de son personnage,
et cette « auto-création » marque l'apothéose du principe du subjectivisme dans
l'art.
1. Natalija Sokolova, « Мир искусства », L.-M., 1934, p. 13 et p. 17.
2. A.R. Kugeľ (Homo Novus), Листья с дерева. Воспоминания, L., Время, 1926,
152.
3. N. Sokolova, op. cit., p. 79 et p. 110.
4. A. E. Red'ko, «Откровения о жизни и театре», Русские записки, mais, 1916,
294. Illustration non autorisée à la diffusion
Evreinov et Anne Kasina -Evreinova. Photographie, Petrogr ad, 1921 Nicolas
Cliché J.-L. Charmet Illustration non autorisée à la diffusion
Samoe glavnoe ( La Comédie du bonheur)
Affiche réalisée par Serge Sudejkin, New York, 1927 LE MONODRAME 17
La mise en ordre originale des perceptions qui est à l'origine de tout monodrame,
sert à Evreinov de structure de base pour la création du monde par le moyen de
son « moi » créateur. Il n'est pas préoccupé par son autobiographie, mais cherche
plutôt à créer une biographie de remplacement pour son propre personnage. Il est
donc inutile d'examiner les monodrames d'Evreinov dans l'espoir d'y trouver un
reflet de sa vie privée. Il faut plutôt voir dans le monodrame un concept qui reflète
ses principales préoccupations et qui permet, mieux que toute autre structure,
de saisir l'essence du phénomène Evreinov, — son désir de faire de lui-même sa
plus grande œuvre.
Le monodrame tel qu'il était conçu au XIXe siècle ne laissait guère prévoir les
implications riches en pouvoir évocateur dont Evreinov doterait c

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