Le savant et le politique : Paul Rivet (1876-1958) - article ; n°3 ; vol.1, pg 277-294
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Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1989 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 277-294
PAUL RIVET (1876-1958) AS AN ANTHROPOLOGIST-POLITICIAN. Summary. — Where does natural science end and cultural science begin ? Can ethnological categories be determined by political watchwords ? These questions are considered in this survey of the academic and political Rivet's career : founding father of the musée de l'Homme in Paris (1937) and socialist politician, founding member of the Institut d'ethnologie de l'Université de Paris (1925) and antiracist and antifascist militant. It shows that French anthropology, in early times of its institutionalization, set out to be enlightening. By setting itself the goal of understanding and explaining the mores of others, French anthropology at the same time took on the mission of reforming mores at home. It relied for support, as Max Weber would have said, on a morality of conviction and responsability. The mechanism set in place was designed to be progressive and was situated in a political movement clearly marked as left-wing.
Résumé. — Fondateur du musée de l'Homme en 1937, secrétaire général de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Paris depuis 1925, Paul Rivet a été également un homme politique ainsi qu'un militant antiraciste et antifasciste. Tout en retraçant la carrière académique et politique de ce médecin militaire, qui a été l'un des principaux artisans de l'institutionnalisation de l'anthropologie française pendant l'Entre-deux-guerres, cet article s'interroge sur le degré de détermination des catégories et des démarches de l'anthropologie par des problèmes sociaux et politiques (racisme, colonialisme). A peine édifiée, il apparaît que l'anthropologie française se voulut édifiante. En se donnant pour but de comprendre et d'expliquer les mœurs des autres, elle se donna en même temps la mission de réformer les mœurs d'ici. Elle s'appuyait, comme eût dit Max Weber, sur une morale de la conviction et de la responsabilité. Sous l'impulsion de Rivet, le dispositif ainsi mis en place se veut progressiste et se situe dans un courant politique nettement marqué à gauche.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 72
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Jamin
Le savant et le politique : Paul Rivet (1876-1958)
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, tome 1 fascicule 3-4, 1989. pp.
277-294.
Abstract
PAUL RIVET (1876-1958) AS AN ANTHROPOLOGIST-POLITICIAN. Summary. — Where does natural science end and cultural
science begin ? Can ethnological categories be determined by political watchwords ? These questions are considered in this
survey of the academic and political Rivet's career : founding father of the musée de l'Homme in Paris (1937) and socialist
politician, founding member of the Institut d'ethnologie de l'Université de Paris (1925) and antiracist and antifascist militant. It
shows that French anthropology, in early times of its institutionalization, set out to be enlightening. By setting itself the goal of
understanding and explaining the mores of others, French anthropology at the same time took on the mission of reforming mores
at home. It relied for support, as Max Weber would have said, on a morality of conviction and responsability. The mechanism set
in place was designed to be progressive and was situated in a political movement clearly marked as left-wing.
Résumé
Résumé. — Fondateur du musée de l'Homme en 1937, secrétaire général de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Paris depuis
1925, Paul Rivet a été également un homme politique ainsi qu'un militant antiraciste et antifasciste. Tout en retraçant la carrière
académique et politique de ce médecin militaire, qui a été l'un des principaux artisans de l'institutionnalisation de l'anthropologie
française pendant l'Entre-deux-guerres, cet article s'interroge sur le degré de détermination des catégories et des démarches de
l'anthropologie par des problèmes sociaux et politiques (racisme, colonialisme). A peine édifiée, il apparaît que
française se voulut édifiante. En se donnant pour but de comprendre et d'expliquer les mœurs des autres, elle se donna en
même temps la mission de réformer les mœurs d'ici. Elle s'appuyait, comme eût dit Max Weber, sur une morale de la conviction
et de la responsabilité. Sous l'impulsion de Rivet, le dispositif ainsi mis en place se veut progressiste et se situe dans un courant
politique nettement marqué à gauche.
Citer ce document / Cite this document :
Jamin Jean. Le savant et le politique : Paul Rivet (1876-1958). In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris,
Nouvelle Série, tome 1 fascicule 3-4, 1989. pp. 277-294.
doi : 10.3406/bmsap.1989.2584
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1989_num_1_3_2584Bull, et Mém. de la Soc. d'Anthrop. de Paris, n.s., t. 1, nos 3-4, 1989, pp. 277-294
LE SAVANT ET LE POLITIQUE : PAUL RIVET (1876-1958) (1)
Jean Jamin (*)
« Ethnologie, n. : Science qui traite des différentes races
humaines, telles que celles des gredins, des filous, des ignar
es, des andouilles et des ethnologues. »
Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable.
Résumé. — Fondateur du musée de l'Homme en 1937, secrétaire général de l'Institut
d'ethnologie de l'Université de Paris depuis 1925, Paul Rivet a été également un homme
politique ainsi qu'un militant antiraciste et antifasciste. Tout en retraçant la carrière aca
démique et politique de ce médecin militaire, qui a été l'un des principaux artisans de l'in
stitutionnalisation de l'anthropologie française pendant l'Entre-deux-guerres, cet article s'inte
rroge sur le degré de détermination des catégories et des démarches de l'anthropologie par
des problèmes sociaux et politiques (racisme, colonialisme). A peine édifiée, il apparaît que
l'anthropologie française se voulut édifiante. En se donnant pour but de comprendre et
d'expliquer les mœurs des autres, elle se donna en même temps la mission de réformer
les mœurs d'ici. Elle s'appuyait, comme eût dit Max Weber, sur une morale de la convic
tion et de la responsabilité. Sous l'impulsion de Rivet, le dispositif ainsi mis en place se
veut progressiste et se situe dans un courant politique nettement marqué à gauche.
PAUL RIVET (1876-1958) AS AN ANTHROPOLOGIST-POLITICIAN.
Summary. — Where does natural science end and cultural science begin ? Can ethnol
ogical categories be determined by political watchwords ? These questions are considered
in this survey of the academic and Rivet's career : founding father of the musée
de l'Homme in Paris (1937) and socialist politician, founding member of the Institut d'eth
nologie de l'Université de Paris (1925) and antiracist and antifascist militant. It shows that
French anthropology, in early times of its institutionalization, set out to be enlightening.
By setting itself the goal of understanding and explaining the mores of others, French anth
ropology at the same time took on the mission of reforming at home. It relied for
support, as Max Weber would have said, on a morality of conviction and responsability.
The mechanism set in place was designed to be progressive and was situated in a political
movement clearly marked as left-wing.
(*) Groupement de recherche n° 847 du Centre national de recherche scientifique, « Recherches
en epistemologie et histoire du savoir ethnographique », Musée de l'Homme, place du Trocadéro,
75016 Paris.
(1) Ce texte reprend la communication que j'ai présentée le 17 juin 1989 au colloque organisé par
la Société d'Anthropologie de Paris. Les problèmes ici abordés s'inscrivant dans une recherche en cours,
pour l'heure faite de propositions et d'hypothèses, j'ai préféré lui conserver, à quelques passages près,
par trop elliptiques, sa forme initiale d'exposé oral. SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE DE PARIS 278
I. — DU SENS DU MOT ANTHROPOLOGIE
A la différence de Max Weber à qui j'emprunte délibérément le titre donné
en français à la réunion de deux de ses plus célèbres conférences (2), Paul Rivet
a été un homme de science et un homme politique, un homme d'action et un
homme de réflexion (Harcourt, 1958 : 10), — bien plus encore, un spécialiste d'une
science qui se voulait « dure » (ce qu'en 1930 il qualifiait dans une graphie qu'on
ne peut manquer, après coup, de juger malheureuse, même si elle paraît prémonit
oire, d'« anthropologie s. s. », soit l'anthropologie stricto sensu ou anthropolog
ie physique) et l'un des fondateurs, au moins institutionnels, d'une science que
l'on dit « molle » : l'ethnologie.
A sa façon, Rivet n'a pas manqué de s'interroger, non sans pertinence, sur
la validité de cette opposition, aujourd'hui plus ou moins remise en cause, pres
que ironique, entre sciences « dures » et sciences « molles », ne serait-ce d'ailleurs
qu'en se penchant sur ce qu'il appelait « le degré de netteté des faits » que des
disciplines comme l'anthropologie s. s. et l'ethnologie ont chacune à examiner.
N'hésitant pas, pour sa part, à bousculer quelques idées reçues — mais qui seraient
bientôt réactivées avec la barbarie que l'on connaît — , Rivet alla même jusqu'à
inverser le sens de cette opposition et à considérer que les faits de culture et de
langue, qui, respectivement, relèvent de l'ethnologie et de la linguistique, peuvent
présenter plus de consistance et de visibilité — en un mot, de positivitě — que
n'en présentent, à cause du métissage et de la variabilité physique, les faits
anatomiques.
En 1930, dans un article rédigé pour le Nouveau traité de Psychologie de Geor
ges Dumas, Rivet déclarait « que les faits anthropologiques s.s. ont nécessair
ement moins de netteté que les faits ethnographiques, et ceux-ci sont eux-mêmes
moins nets que les faits linguistiques » (Rivet, 1930 : 58 ; également Rivet, 1936 :
7.06.4.). En d'autres termes, et contre toute évidence, contre celle en tout cas que
les anthropologues français de la fin du XIXe siècle et du début du xxe avaient
semblé partager et que Rivet s'employa à stigmatiser, les faits anthropologiques
5.5. n'ont pas cette transparence et cette densité qu'on leur a accordées : ils se
doivent d'être encore et toujours construits, en raison de leur évolution et tran
sformation causées par les brassages successifs de populations, qui excluent qu'ils
soient ce qu'ils ont été. En anthropologie s.s., soulignait Rivet (1936 : 7.06.5),
« il y a métissage, c'est-à-dire formation d'un pe

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