Le sens de la musicalité chez les Peul Jelgooɓe du Burkina Faso : la catégorie de puissance vocale - article ; n°2 ; vol.69, pg 67-86
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Le sens de la musicalité chez les Peul Jelgooɓe du Burkina Faso : la catégorie de puissance vocale - article ; n°2 ; vol.69, pg 67-86

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Description

Journal des africanistes - Année 1999 - Volume 69 - Numéro 2 - Pages 67-86
À partir de l'exemple d'un répertoire de musique vocale peul, cet article illustre la façon dont les catégories musicales vernaculaires qui caractérisent une réalisation canonique du genre, permettent à l'ethnomusicologue d'appréhender la forme musicale, non seulement en restituant l'intentionnalité esthétique de ses dépositaires, mais également en rendant compte des conceptions culturelles qui la sous-tendent et la motivent.
By drawing on a repertory of Peul vocal music, this article shows how an account of the vernacular musical categories used to characterize a genre's canonical production allows for a grasp of musical form, not only in terms of the performers' aesthetic intentions, but also in terms of the cultural conceptions that underlie and motivate it.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sandrine Loncke
Le sens de la musicalité chez les Peul Jelgooe du Burkina Faso
: la catégorie de puissance vocale
In: Journal des africanistes. 1999, tome 69 fascicule 2. pp. 67-86.
Résumé
À partir de l'exemple d'un répertoire de musique vocale peul, cet article illustre la façon dont les catégories musicales
vernaculaires qui caractérisent une réalisation canonique du genre, permettent à l'ethnomusicologue d'appréhender la forme
musicale, non seulement en restituant l'intentionnalité esthétique de ses dépositaires, mais également en rendant compte des
conceptions culturelles qui la sous-tendent et la motivent.
Abstract
By drawing on a repertory of Peul vocal music, this article shows how an account of the vernacular musical categories used to
characterize a genre's canonical production allows for a grasp of musical form, not only in terms of the performers' aesthetic
intentions, but also in terms of the cultural conceptions that underlie and motivate it.
Citer ce document / Cite this document :
Loncke Sandrine. Le sens de la musicalité chez les Peul Jelgooe du Burkina Faso : la catégorie de puissance vocale. In:
Journal des africanistes. 1999, tome 69 fascicule 2. pp. 67-86.
doi : 10.3406/jafr.1999.1209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1999_num_69_2_1209LONCKE * Sandrine
Le sens de la musicalité
chez les Peul Jelgoo6e du Burkina Faso
La catégorie de puissance vocale
Résumé
À partir de l'exemple d'un répertoire de musique vocale peul, cet article illustre la
façon dont les catégories musicales vernaculaires qui caractérisent une réalisation cano
nique du genre, permettent à l'ethnomusicologue d'appréhender la forme musicale, non
seulement en restituant l'intentionnalité esthétique de ses dépositaires, mais également en
rendant compte des conceptions culturelles qui la sous-tendent et la motivent.
Mots-clefs
Peul, musique vocale, catégories vernaculaires, esthétique, conceptions culturelles.
Abstract
By drawing on a repertory of Peul vocal music, this article shows how an account of
the vernacular musical categories used to characterize a genre's canonical production
performers' aesthetic allows for a grasp of musical form, not only in terms of the
intentions, but also in terms of the cultural conceptions that underlie and motivate it.
Keywords
Peul, vocal music, vernacular categories, aesthetic, cultural conceptions
О Voir les plages musicales 10 et IL
* INALCO, UMR 8574 du CNRS.
Journal des Africanistes 69 (2) 1999 : 67-85 68 Sandrine Loncke
« Le doohi des jeunes du village de Soboullé ne vaut pas celui des jeunes
du village de Kouyé, parce qu'à Soboullé, leurs voix manquent de puis
sance » l : c'est en ces termes qu'un informateur du Jelgooji 2 (Nord Burkina
Faso) apprécie et compare les jeux vocaux appelés doohi auxquels s'adon
nent les jeunes bergers peul de cette région. Il ne s'agit pas là d'un comment
aire isolé.
Les Peul Jelgoo6e sont unanimes à affirmer qu'une réalisation de doohi
réussie se caractérise par la « puissance vocale » (semmbe daade) . Autre
ment dit, celle-ci constitue le critère essentiel de conformité aux règles
canoniques d'exécution de ce genre musical. Et c'est toujours sur la base de
ce critère que les Jelgoo6e évaluent l'aptitude et la qualité de prestation des
différents groupes déjeunes pratiquant le doohi. Mais que recouvre au juste
ce concept ? Peut-on en cerner les contours d'un point de vue strictement
musicologique, ou sommes-nous en présence d'une catégorie purement
qualitative, relevant de l'ordre de l'interprétation musicale, de l'ordre de
l'expressivité ? En d'autres termes, et si l'on peut se permettre cette compar
aison, la « puissance du doohi » tient-elle du simple procédé vocal ou
participerait-elle d'un effet tout aussi saturé en matière de critères musico-
logiques et à la fois aussi indéfinissable que peut l'être par exemple le fameux
« swing » du jazzman ? Si les catégories endogènes permettent de rendre
compte d'un style musical en restituant la perception interne qu'en ont ses
dépositaires, encore faut-il dans un premier temps parvenir à cerner toutes
les implications sémantiques et symboliques de la terminologie recueillie. Ce
sera donc le propos de cet article.
PRESENTATION GENERALE
Un jeu musical collectif
Précisons d'abord que le doohi est considéré comme un « jeu » musical
(fijo), dépourvu de toute implication rituelle ou religieuse. Il est exclusiv
ement pratiqué par les jeunes bergers. Même s'il arrive que les femmes
joignent leur chant au chœur des hommes, les deux répertoires demeurent
21 Doohi La région Sobulle traditionnelle hewtataa doohi du Jelgooji, Kuye, sabo du nom daade de sukaaôe ses habitants Sobulle les ngalaa VeuljelgooBe, semmbe. correspond
approximativement à l'actuelle province du Soum. Elle est limitée par les provinces du Séno et
de rOudalan à l'est, et par le royaume mossi du Yatenga au sud-ouest.
Journal des Africanistes 69 (2) 1999 : 67-85 Le sens de la musicalité chez les Peul Jelgoo6e 69
nettement distincts du point de vue de la typologie musicale peul 3. Par
ailleurs, une formation de doohi ne peut réunir que les membres d'un même
groupe d'âge. Et la règle de relais générationnel est stricte : tout individu
ayant des enfants en âge d'entrer dans le doohi cesse définitivement de
chanter.
Les jeunes gens forment une ligne et se mettent à proférer, de façon
alternée et sur un tempo vif, des sons gutturaux dépourvus de toute signif
ication linguistique. Au milieu de la chaîne, l'un des participants tient à
hauteur de poitrine une calebasse qu'il martèle de ses doigts bagués. Suivant
la cadence des voix, la ligne de danse se déplace d'avant en arrière, en
balançant le buste à l'unisson. Du bras droit, chacun enserre la taille ou
l'épaule de son voisin tandis que, de la main gauche, il maintient fermement
son bâton de berger appuyé contre l'épaule. De temps à autre, les danseurs
s'agenouillent et chantent face contre le sable. Le son devient alors plus
étouffé.
Ils chantent volontiers ainsi de la tombée de la nuit jusqu'à l'aube,
chaque fois que l'occasion est donnée de se réunir : à la saison oisive
d'hivernage, mais aussi lors des regroupements autour des points d'eau
pendant les transhumances, à l'occasion des fêtes religieuses (fin du Rama
dan et Tabaski), des cérémonies de mariage ou d'imposition du nom aux
nouveaux-nés.
Mais c'est lors d'une fête annuelle appelée sofoodu que le doohi trouve
sa place d'honneur. Après la première récolte de mil, les femmes ont
coutume de se rassembler durant sept jours autour d'une mare pour la
cueillette d'une herbe avec laquelle elles fabriquent les vans. Chaque soir, les
jeunes gens les rejoignent pour chanter et danser avec elles. Une vingtaine de
villages participent à ces réjouissances. Les Jelgoo6e évoquent ce moment de
rassemblement comme une fête des campements, qui précède la longue
saison de dispersion des communautés pour la recherche de l'eau. Elle est
l'occasion d'une véritable compétition entre les groupes de doohi qui rivali
sent tant dans la maîtrise du chant que dans l'art de la séduction.
Les « voix » du doohi
Les Jelgoo6e expliquent en premier lieu que la puissance du doohi ne
peut s'obtenir sur tous les sons du répertoire. Pour comprendre ce qu'ils
entendent par là, il nous faut d'abord considérer la structure générale du
doohi.
3 Cet article ne porte donc que sur le répertoire chanté par les hommes, c'est-à-dire le doohi à
proprement parler.
Journal des Africanistes 69 (2) 1999 : 67-85 Sandrine Loncke 70
Le doohi est un genre musical fondé sur l'émission d'un répertoire défini
de sons articulés, que les Jelgoo6e dénomment de façon générique « les voix
du doohi » (daade doohi). Chacune de ces « voix » est désignée par une
appellation unique : son « nom » (innde daade) sera par exemple [humo],
[hije] ou [hsmma] 4.
Les Jelgoo6e distinguent, au sein de ces « voix », deux catégories de
sons : ceux qu'ils appellent les caldi (littéralement embranchements, four
ches, bifurcations), à savoir le [hs], le [humo], le [hije], ou le [hsmma] à
proprement parler, et les

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