Léon Ollé-Laprune (suite) - article ; n°19 ; vol.5, pg 237-261
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Revue néo-scolastique - Année 1898 - Volume 5 - Numéro 19 - Pages 237-261
25 pages

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Publié le 01 janvier 1898
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Langue Français
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Extrait

Clément Besse
Léon Ollé-Laprune (suite)
In: Revue néo-scolastique. 5° année, N°19, 1898. pp. 237-261.
Citer ce document / Cite this document :
Besse Clément. Léon Ollé-Laprune (suite). In: Revue néo-scolastique. 5° année, N°19, 1898. pp. 237-261.
doi : 10.3406/phlou.1898.1608
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1898_num_5_19_1608XI.
Léon Ollé-Laprune.
(Suite *.)
III.
* Dans un temps où tous les appuis artificiels sont ruinés,
où toute liberté, toute propriété, toute existence sont absolu
ment livrées au bon plaisir des masses, où le pouvoir tombe
aux mains des déshérités, qui, trompés par un mirage, pensent
trouver dans la destruction de l'ordre social la satisfaction de
leurs besoins ; dans un temps où les freins moraux subsistent
seuls, où tout dépend plus manifestement que jamais de la
volonté des individus, redresser cette volonté, préciser l'idée
du devoir, en le mettant à sa place, au centre de la vie
et de la pensée, telle est la question véritable x). « Ces paroles
sont de Charles Secrétan, mais on pourrait les croire de
M. Ollé-Laprune, car elles rendent bien le son de la pensée,
et elles nous révèlent assez exactement le but de sa philo
sophie.
Ces deux sages n'ont pas pu voir les dangers que court la
société, sans en être inquiétés et comme hantés. Ils n'avaient
pas ce don d'ironie tranquille qui permet à tant de beaux
esprits d'aider au renversement des idées, des principes ou des
mœurs, en se jouant et par manière d'originalité. Ils mépri-
*) V. Bévue Néo-Scolastique, livraison de mai 1898, p. loi.
1) Charles Secrétan. Civilisation et Croyance, p, 125.
REVUE NÉO-SCOLASÏIQUE. lu 238 C. BÉSSE.
saient et ils maudissaient ouvertement cette élégance du
rire qu'affectent les jeunes hommes au milieu de nos pires
détresses.
C'est ce qui explique que, si différents sous beaucoup de
rapports, ils se soient rencontrés sur un point : travailler au
redressement de l'énergie morale.
Depuis plus de cinquante ans que les volontés s'énervent
à tenter toutes les chances successives que leur offrent les
systèmes, elles sont devenues ataxiques et veules. C'est au
philosophe à les remettre en santé, et à les préserver des
rechutes possibles. A ce devoir tous les autres sont subor
donnés ; dans cet essai de restauration, entrepris par des
hommes si divers, l'union des pensées doit se faire, leurs
différences doivent disparaître. M. Ollé-Laprune, qui cite
souvent les œuvres de Charles Secrétan, considère ce philo
sophe comme un compagnon de lutte, et il est vraiment
lui-même le frère catholique du grand protestant. *)
L'illusion flatteuse qui a longtemps retenu tant de bons
esprits hors de cette voie, c'est que les grands systèmes con
temporains n'ont pas encore été suffisamment mis à l'épreuve.
Là .où M. Ollé-Laprune et Charles Secrétan dénoncent des
idées perfidement destructrices, ce sont des idées de progrès
que les philosophes ont professées, et c'est un édifice nouveau
qu'ils élèvent. Et avec quel air de confiance et de naïve bonne
foi ! L'échafaudage grandiose des nouvelles théories nous
prend aux yeux de telle sorte qu'on se laisse tout de suite
séduire, et, comme on fait des vœux pour la réalisation de
J) Il va sans dire que M. Ollé-Laprune n'a pas été le seul, parmi les catho
liques, à conduire cette belle campagne. Nous parlerons quelque jour — et
avec l'estime qui convient — de l'œuvre parallèle de M. l'abbé Piat et de
celle de M. Fonsegrive. Ici nous voulons seulement noter le rapprochement
de deux pensées et de deux philosophies, qui ont, toutes deux, comme trait
significatif, d'être une " opposition,, et une " réaction „ contre le dilettan
tisme. LÉON OLLÉ-LAPRUNE. 239
choses qui paraissent impossibles, ainsi quelques-uns sou
haitent encore secrètement la réalisation de cette chimérique
instauratio magna. C'est là peut-être l'explication, ou du
moins c'est là une explication de la vogue déterministe et
kantienne.
Dans le camp déterministe, on s'est surtout vanté de refaire
les âmes à moins de frais et beaucoup mieux que ne pouvait
le faire l'ancienne morale. De cela on donne une curieuse
démonstration. Si l'intérêt de l'ancienne morale, dit- on, plai
dait pour la liberté, de la science plaide aujourd'hui
pour la nécessité ; et la question n'est plus que de savoir ce
qu'il importe le plus à l'humanité, de la réalisation de l'idéal
moral ou de l'achèvement de la science. Si l'on croit à la pr
imauté de la raison pratique, qu'on vote librement en faveur
de la liberté, mais qu'on laisse aux déterministes le droit de
voter en faveur de la science. La science ! voilà le dieu nou
veau qui s'est révélé aux âmes modernes, comme étant
« coéternel à l'humanité » et qui « s'incarne vraiment en elle *
et qui doit à la fin des temps « ne faire qu'un avec elle » .
Inutile de conserver en même temps les croyances morales et
religieuses, puisqu'en définitive elles ne sont que des illusions;
elles se surajoutent à la science par des procédés irréguliers.
Les procédés scientifiques réguliers ne donnent rien de cet
ordre. C'est parce qu'il est toujours loisible aux hommes de
dépasser par le sophisme les prémisses d'un raisonnement
qu'ils ont pu se fier à une logique aussi vicieuse. Mais en soi
la morale et la religion sont les fruits de ces inductions fau
tives qu'une science mieux informée ne considère que comme
non avenues.
Telle est la déclaration de principes, que nous empruntons
aux déterministes les plus autorisés. On s'attend peut-être,
après cela, à un exposé rigoureux de ce que sera l'humanité
régénérée par la science ; la morale et la religion étant pro
scrites comme irrégulières, si l'on s'avise de « prévoir » l'ave
nir, il faut que ce soit par des « procédés réguliers » . — La 240 G. BESSB.
vérité pourtant, c'est qu'il n'y a rien de plus hasardé, de
moins appuyé et de moins démontré que les déductions déter
ministes sur l'avenir de l'humanité. Cela rappelle les plus
hardies conceptions de la fantaisie poétique, et jamais con
struction ne fut dessinée et circonscrite avec une méthode
moins sévère.
La morale, dont on a supprimé les bases, doit un jour se
soutenir en l'air par sa propre vertu. Et c'est merveille de
voir les plans de cette future cité. Du seul jeu des forces
naturelles, des prodiges s'accompliront que l'on ne peut soup
çonner, et, comme ce n'est qu'en se laissant vivre, et en
« s'adaptant à l'univers » que les hommes doivent attraper ce
beau sort, rien de tout ce qui se passe ne peut les inquiéter.
Une morale qui n'a pas de fondement ne saurait être ni
détruite, ni même ébranlée. Et voilà l'étrange contradiction :
la connaissance et le savoir expirent au seuil de ce domaine
de la science ; c'est le merveilleux qui commence . l)
Avec le Kantisme, on est un pea mieux renseigné sur la
réalisation possible du Bien, et l'aspect des théories qu'on
nous propose est plus sévère, plus noble, et déjà plus rel
igieux. Kant, qui a parlé aussi bien que personne de la
Science, a encore mieux parlé du Devoir. C'est de lui que
part ce courant moitié rationaliste et moitié mystique qui
s'est opposé, pendant cinquante ans, au courant positiviste
dont nous venons de parler. Le but avoué de toute sa philo
sophie, c'est précisément de donner aux volontés un « motif
de vivre » , une « raison d'agir » . Il déclare la volonté auto
nome, il fait du devoir un absolu, et de la légalité morale un
dogme; et avec les débris des vieilles croyances, qu'il a ratio
nalisées, il essaye de reconstituer la catégorie de la moralité.
Et l'on ne peut nier que ces idées hardies aient eu un
1) Tout le monde a remarqué cette contradiction, et M. Burdeau, par
exemple, le fidèl

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