Les accusations sociales et les risques du sida : à propos de l adoption de produits antihémophiliques concentrés (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.11, pg 83-97
16 pages
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Les accusations sociales et les risques du sida : à propos de l'adoption de produits antihémophiliques concentrés (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.11, pg 83-97

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Description

Sciences sociales et santé - Année 1993 - Volume 11 - Numéro 3 - Pages 83-97
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marcel Calvez
Les accusations sociales et les risques du sida : à propos de
l'adoption de produits antihémophiliques concentrés
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 11, n°3-4, 1993. pp. 83-97.
Citer ce document / Cite this document :
Calvez Marcel. Les accusations sociales et les risques du sida : à propos de l'adoption de produits antihémophiliques
concentrés (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 11, n°3-4, 1993. pp. 83-97.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1993_num_11_3_1273Sociales et Santé, Vol. XI, nos 3-4, octobre 1993 Sciences
Commentaire
Les accusations sociales et les risques
du sida : à propos de l'adoption de
produits antihémophiliques concentrés
Marcel Calvez *
L'article de Danièle Carricaburu et ce commentaire ont été écrits au
moment où s'achevait le procès en appel de «l'affaire du sang contaminé».
Certes l'article traite de situations et de décisions antérieures et extérieures
aux faits jugés. Néanmoins, la mise en perspective est possible car il rend
compte des débats préalables à l'abandon par le CNTS du dogme de
l' autosuffisance nationale dans V approvisionnement des produits sanguins.
Cet abandon d'un dogme et les pratiques qui en résultent n'expliquent pas
une contamination de personnes hémophiles déjà effective (1 ). Cependant, il
y a une conviction fortement ancrée que l'ouverture des frontières pour
l'obtention des produits sanguins et le passage à une échelle industrielle,
avec les pratiques et les enjeux correspondants, ont favorisé l'extension de
* Maître de conférences en sociologie, Unnersité de Rennes 2-Haute Bretagne, 6,
menue Gaston Bercer, F- 35043 Rennes Cedex.
(1 ) A titre ci exemple, la première contamination ci une personne hémophile
domiciliée à Rennes a heu en 1979. Les médecins l'expliquent par le fait que la
personne, en \acances en dehors de la région, a eu recours à des produits prenenant
ci un pool important de donneurs. 84 MARCEL CALVEZ
la contamination. Les débats dont l'article rend compte sont imbriqués avec
ces choix ; ils ont été utilisés pour fonder la légitimité des options
technologiques choisies, en les présentant comme la réponse aux besoins des
personnes hémophiles. C'est pourquoi la dissociation entre le contexte des
faits examinés au procès et les stratégies analysées dans cet article n'est pas
si aisée. Cette correspondance fournit une occasion pour mettre en
perspective une production d'énoncés sociologiques sur la contamination
d'hémophiles par le VIH et une interprétation des faits ayant pour objectif la
détermination de responsabilités individuelles dans cette contamination. La
mise en perspective ne concernera pas les faits eux-mêmes, mais les
procédures sociales par lesquelles des significations sont élaborées. Cela
permettra de situer le propos de l'article par rapport à ce qui, pour les
personnes contaminées, est tout d' abord et essentiellement un drame
humain.
Dans les débats concernant le choix des techniques et des produits
transfusionnels, les différents groupes et intérêts coalisés se positionnent
relativement les uns aux autres en utilisant l'argument du risque : pour les
uns il s'agit du risque transfusionne l, pour les autres du social de
stigmatisation ou de dépendance prolongée. On peut regarder le champ du
traitement de l' hémophilie comme un prétoire dans lequel, par le langage du
risque, les différents groupes s'accusent mutuellement de mettre en danger
les hémophiles auxquels ils font référence et au service desquels ils
acquièrent leur légitimité. En s' inscrivant dans les perspectives développées
par Mary Douglas sur le risque comme argument culturel (Douglas,
Wildavsky, 1982 ; Douglas, 1992), le propos reprendra les arguments du
débat pour comprendre en quoi la construction sociale des risques liés à la
transfusion a conduit à une cécité institutionnelle à l'égard d' incertitudes
sur la qualité des produits sanguins. Il s'agira de rendre compte des
logiques et des contenus des différentes accusations, et de la manière dont
elles construisent une vérité acceptée dans le champ de V hémophilie qui fait
que les incertitudes et les craintes sur la qualité des produits sanguins ne
peuvent pas être considérées.
Un texte dans un contexte d'accusation sociale
L'article de Danièle Carricaburu montre que V Association Française
des Hémophiles (AFH) et ses médecins experts, tout autant que les
responsables du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) sont ACCUSATIONS SOCIALES ET RISQUE DU SIDA 85
partie prenante d'une négociation et de V élaboration d'une solution qui
aboutit à V adoption de produits concentrés pour le traitement de
l'hémophilie. Les incertitudes, voire même les présomptions, concernant la
contamination du sang et des dérivés sanguins ne sont pas entendues. A
priori, les deux phénomènes sont dissociés. Pourtant, les conditions
techniques et les orientations économiques dans lesquels ces choix sont faits
en rendent les conséquences dramatiques, puisque cela aboutit à développer
les sources d' obtention des produits sanguins et par là, à accroître les
possibilités de diffusion de l'infection. Les causalités ne sont pas limpides.
On peut imputer les effets de ces choix sur un éventuel accroissement de la
contamination aux délais apportés à la généralisation de la technique du
chauffage. H n'en demeure pas moins que tous ces événements s'inscrivent
dans un contexte dans lequel les incertitudes sur la contamination des
produits sanguins sont présentes. Elles sont ignorées ou elles ne sont pas
prises en compte.
L'analyse porte sur ce délaissement. Elle vise à rendre compte des
enchaînements qui ont conduit l'AFH à adopter une attitude rassurante à
l'égard des incertitudes de la contamination. Une telle représentation a des
conséquences sociales importantes. En effet, toute personne qui met en avant
des incertitudes en ce qui concerne la transfusion remet de fait en cause
l'opinion de V association en la matière. Dans la mesure où l'AFH est
réputée défendre les intérêts des hémophiles, et dans la mesure où son
opinion est fondée sur l'avis d'experts, un doute ou un désaccord contestent
la gestion de l'intérêt collectif ou l'avis des experts. Ainsi, une fois la
représentation établie, l ' énonciation d'opinions divergentes est prise dans
un tissu de déterminations qui la rend malaisée, car elle engage des
affiliations sociales, la légitimité de la connaissance des experts ou la
défense des personnes hémophiles. On peut percevoir cette voie étroite
lorsque l'AFH met en cause en 1983 le monopole du système transfusionnel,
V accusant implicitement de s' opposer à une qualité de vie pour les
personnes hémophiles ; l'allusion du Pr Soulier à de mystérieuses affections
ne peut pas être entendue dans ce contexte. A plus forte raison, on peut
imaginer la difficulté d'une personne hémophile à émettre un doute lorsque,
à supposer qu'elle ait eu des informations sur les incertitudes de la
transfusion, elle est dans des relations de confiance avec un médecin
prescripteur ou un centre, et que, de surcroît, l'association, investie d'une
légitimité et d'une compétence, demeure sereine face à ces mêmes
informations ; le coût social et symbolique d'une prise en compte des
incertitudes dans sa pratique est tel que la personne a de très fortes 86 MARCEL CALVEZ
probabilités de renoncer à utiliser ces informations. L'adoption de cette
représentation conduit à un système de contraintes et de censures dans
lequel les personnes se trouvent enserrées.
L'analyse de la genèse sociale de cette représentation est faite à un
moment où des personnes sont jugées pour des faits qui procèdent des
mêmes cadres que ceux que l'article examine. De façon plus générale, on se
trouve dans un contexte dans lequel des accusations sont formulées pour
donner des raisons tangibles à une extension d'une épidémie contre laquelle
les réponses sont limitées. Cela ne vaut pas simplement pour la

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