Les Bijoux indiscrets : variation secrète sur un thème libertin - article ; n°1 ; vol.24, pg 27-37
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1998 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 27-37
Odile Richard : Les Bijoux indiscrets : variation secrète sur un thème libertin.
Cette étude part d'une observation : la persistance de la réputation sulfureuse d'une œuvre de jeunesse de Diderot, œuvre dont la force subversive, que ce soit dans le domaine politique, philosophique ou érotique, s'est nécessairement estompée avec l'évolution des critères de référence. On a voulu montrer que cette réputation pouvait néanmoins se justifier au vu de traits littéraires dont le pouvoir de suggestion fantasmatique fonctionne toujours pour un lecteur moderne : d'abord, dans la régénération d'un motif (les bijoux parlants) qui permet de donner, au sens propre, la parole au sexe de la femme, chose nouvelle dans la rhétorique pornographique traditionnellement masculine ; puis dans l'assimilation du voyeurisme du héros Mangogul à une démarche globale, dans laquelle plaisir d'apprendre, plaisir du conte et plaisir tout court sont confondus ; enfin, dans le mode oral de transmission du savoir (par le bouche à oreille), qui relève à la fois de la démarche expérimentale (recueillir l'information sur le « terrain ») et d'une attitude elle-même érotique (par la proximité qu'elle entraîne entre les personnages, le conteur et l'auditeur).
Odile Richard, Les Bijoux Indiscrets : Hidden Variation on a libertine Theme.
The starting point of the present study is the observation that this early work by Diderot still retains its sulphurous reputation, although its subversive impact — which is political and philosophical as well as erotic — as naturally faded with time. This article aims to show that the work's reputation is nevertheless justified by literary features which are still capable of stimulating the modem reader's imagination due to their suggestive power. Firstly, through the regeneration of the conceit of the speaking jewels, the woman's sex is literally allowed to speak, a device unknown to the traditionally masculine rhetoric of pornography. Secondly, the hero Mangogul's voyeurism is part of an all-encompassing process combining the pleasure of learning, the pleasure of the tale and pure pleasure. Finally, the oral transmission of knowledge, by word of mouth, belongs both to the experimental approach (collecting information in the field) and to a narrative stance which is in itself erotic, as it implies physical closeness between the characters, the story-teller and the listener.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 65
Langue Français

Extrait

Odile Richard
Les Bijoux indiscrets : variation secrète sur un thème libertin
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 24, 1998. pp. 27-37.
Citer ce document / Cite this document :
Richard Odile. Les Bijoux indiscrets : variation secrète sur un thème libertin. In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie,
numéro 24, 1998. pp. 27-37.
doi : 10.3406/rde.1998.1413
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1998_num_24_1_1413Résumé
Odile Richard : Les Bijoux indiscrets : variation secrète sur un thème libertin.
Cette étude part d'une observation : la persistance de la réputation sulfureuse d'une œuvre de jeunesse
de Diderot, œuvre dont la force subversive, que ce soit dans le domaine politique, philosophique ou
érotique, s'est nécessairement estompée avec l'évolution des critères de référence. On a voulu montrer
que cette réputation pouvait néanmoins se justifier au vu de traits littéraires dont le pouvoir de
suggestion fantasmatique fonctionne toujours pour un lecteur moderne : d'abord, dans la régénération
d'un motif (les bijoux parlants) qui permet de donner, au sens propre, la parole au sexe de la femme,
chose nouvelle dans la rhétorique pornographique traditionnellement masculine ; puis dans
l'assimilation du voyeurisme du héros Mangogul à une démarche globale, dans laquelle plaisir
d'apprendre, plaisir du conte et plaisir tout court sont confondus ; enfin, dans le mode oral de
transmission du savoir (par le bouche à oreille), qui relève à la fois de la démarche expérimentale
(recueillir l'information sur le « terrain ») et d'une attitude elle-même érotique (par la proximité qu'elle
entraîne entre les personnages, le conteur et l'auditeur).
Abstract
Odile Richard, Les Bijoux Indiscrets : Hidden Variation on a libertine Theme.
The starting point of the present study is the observation that this early work by Diderot still retains its
sulphurous reputation, although its subversive impact — which is political and philosophical as well as
erotic — as naturally faded with time. This article aims to show that the work's reputation is nevertheless
justified by literary features which are still capable of stimulating the modem reader's imagination due to
their suggestive power. Firstly, through the regeneration of the conceit of the speaking jewels, the
woman's sex is literally allowed to speak, a device unknown to the traditionally masculine rhetoric of
pornography. Secondly, the hero Mangogul's voyeurism is part of an all-encompassing process
combining the pleasure of learning, the pleasure of the tale and pure pleasure. Finally, the oral
transmission of knowledge, by word of mouth, belongs both to the experimental approach (collecting
information in the field) and to a narrative stance which is in itself erotic, as it implies physical closeness
between the characters, the story-teller and the listener.ut-
Odile RICHARD
Les Bijoux indiscrets :
Variation secrète sur un thème libertin
Les Bijoux indiscrets, on le sait, ont longtemps pâti, sur le plan
littéraire, de leur double réputation à la fois « alimentaire » et sulfureuse.
Paradoxalement « l'ouvrage le plus publié de Diderot » selon Arthur
M. Wilson1, et ce, y compris à l'époque moderne (il y a eu dix éditions en
France depuis 1920), est aussi celui qui a souffert de la plus mauvaise
réputation, réputation à laquelle la fille de Diderot, Madame de Vandeul2,
n'a pas peu contribué en soulignant les circonstances de la rédaction de ce
roman : le désignant comme le fruit à la fois d'une liaison extra-conjugale,
d'un pari et d'un pressant besoin d'argent, celle-ci construisait
innocemment (?) les éléments d'une légende dont l'œuvre ne s'est pas
encore tout à fait remise. Sachant que ces indications proviennent sans
doute d'une « tradition soigneusement entretenue par Diderot lui-même
pour faire excuser cette polissonnerie »3, il faut croire que le remède fut
pire que le mal.
A l'inverse, parmi les jugements qui se veulent moins prudes, on
entendait encore récemment sur les ondes une historienne, Madeleine
Rébérioux, dans une émission consacrée à Diderot {Le Panorama de Jacques
Duchâteau, France-Culture, mai 1995) confier à quel point elle trouvait ce
roman « ennuyeux », confirmant ainsi l'existence de cette autre école de
critiques qui, selon A. M. Wilson, « lorsqu'ils se trouvent dans l'obligation
de dire quelque chose sur un livre obscène, tendent à prendre l'attitude du :
« Ce n'est pas amusant, c'est seulement ennuyeux » {op. cit.).
Mais puisqu'on ne peut décidément pas l'occulter, c'est précisément
sur cette « mauvaise réputation » que nous aimerions prendre appui pour
apporter à l'œuvre un éclairage qui, sans avoir la prétention de redorer un
1. Diderot, Sa vie et son œuvre, 1957 ; trad. française, Paris, Laffont/Ramsay, coll.
Bouquins, p. 72.
2. Mémoires pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de M. Diderot, DPV, I, p. 20.
3. Les Bijoux indiscrets, Introduction de Laurent Versini, dans Œuvres, Robert
Laffont, coll. Bouquins, t. II, p. 19.
Recherches sur Diderot et sur Y Encyclopédie, 24, avril 1998 ODILE RICHARD 28
blason auquel elle n'a probablement jamais prétendu, puisse du moins
permettre de donner à cette aura sulfureuse une justification littéraire. Nous
souhaitons revenir en effet, à partir de différentes observations, sur le choix
de la forme — celle, rebattue et compilée, du roman libertin des années
1740 — et insister à nouveau sur le fait que la fiction erotique y est parfa
itement assumée, et à des fins qui ont déjà été analysées avec profondeur par
Jacques Proust4. Nous souscrivons également pleinement au jugement de
Aram Vartaniam qui, dans une des premières études décisives portant sur Les
Bijoux indiscrets, notait « que ce premier roman fut profondément révélateur
de certains traits intellectuels qui restèrent constants chez Diderot »5.
L'irréductible originalité de Diderot tend en effet déjà à se manifester
dans ce roman, et ce, même si l'invention licencieuse des « bijoux
parlants » n'est pas de lui. Nous aimerions donc nous pencher sur les
aspects du roman qui touchent de près la tradition libertine tout en
manifestant un choix personnel qui ne peut être que significatif dans
l'économie générale de l'ouvrage, ainsi que dans sa réception. En d'autres
termes, nous aimerions élucider les raisons pour lesquelles ce roman nous
trouble toujours autant. Il faut voir en effet dans ce trouble la véritable
preuve de son efficacité subversive actuelle, sachant que la partie polit
iquement et philosophiquement codée de l'œuvre s'est nécessairement
affaiblie auprès de la majorité des lecteurs d'aujourd'hui.
Nous avons, afin de répondre à cette question, retenu trois aspects liés
directement à cet érotisme subversif toujours visiblement opératoire, à
savoir la régénération d'un motif libertin déjà rebattu (l'enquête sur la vertu
des femmes à l'aide d'un objet magique et le choix des bijoux parlants), la
curiosité équivoque qui semble motiver Mangogul dans sa quête de
nouveaux récits, enfin le développement et la fortune du thème de
l'indiscrétion (le « Bouche à Oreille ») que l'on retrouve dans Jacques le
Fataliste.
Régénération d'un Motif
À l'époque des Bijoux indiscrets, Diderot ne peut pas nier que l'idée
de départ, sur laquelle il décide de bâtir le roman (même si elle nous paraît
insolite et plaisante aujourd'hui), repose sur un lieu commun du roman
licencieux ; c'est même une technique qu'il revendique et utilise
sciemment : « Les romans de Crébillon étaient à la mode. Mon père causait
avec Madame de Puisieux sur la facilité de composer ces ouvrages libres ;
4. Voir sa postface à l'édition des Bijoux indiscrets, Paris, le Livre de Poche, 1972,
pp. 341-364.
5. A. Vartaniam, « Érotisme et philosophie chez Diderot », Cahiers de l'Association
Internationale des Etudes Françaises, n° 13, 1961, pp. 367-390. LES BIJOUX INDISCRETS 29
il prétendait qu'il ne s'agissait que de trouver une idée plaisante, cheville
de tout le reste, où le libertinage de l'esprit remplacerait le goût ; elle le
défia d'en produire un de ce genre ; au

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