Les chemins de l authenticité. Les anthropologues et la Renaissance mélanésienne - article ; n°151 ; vol.39, pg 181-205
28 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les chemins de l'authenticité. Les anthropologues et la Renaissance mélanésienne - article ; n°151 ; vol.39, pg 181-205

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
28 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 151 - Pages 181-205
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Éric Wittersheim
Les chemins de l'authenticité. Les anthropologues et la
Renaissance mélanésienne
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°151. pp. 181-205.
Citer ce document / Cite this document :
Wittersheim Éric. Les chemins de l'authenticité. Les anthropologues et la Renaissance mélanésienne. In: L'Homme, 1999, tome
39 n°151. pp. 181-205.
doi : 10.3406/hom.1999.453625
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_151_453625Les chemins de l'authenticité
Les anthropologues et la Renaissance mélanésienne
Éric Wittersheim
On parle toujours de la culture traditionnelle. Mais qu'est-ce que le
traditionnel ? Ce que les autres vivaient avant. Mais dans cent ans, c'est ce
que nous vivons aujourd'hui qui sera traditionnel, et dans mille ans, ce
que vous vivez aujourd'hui, ça va peut-être valoir de l'or !
Jean-Marie Tjibaou (La présence kanak)
l_ ES SOCIÉTÉS de Mélanésie 1 ont longtemps constitué pour l'anthropologie un
réservoir inépuisable de rites et de mythes. Perçue comme un univers isolé et
« hors du temps » (Thomas 1998), cette région du monde qui a inspiré à la dis
cipline un grand nombre de ses concepts heuristiques continue par ailleurs à figu
rer l'idéal d'un certain romantisme ethnologique en quête du « vrai » sauvage,
alors même que la mondialisation s'est depuis des années étendue à tout le
Pacifique (Chesneaux 1990). L'irruption de mouvements indépendantistes
durant les années 60-70 prit donc les chercheurs d'autant plus de court — et, bien
souvent, les puissances coloniales elles-mêmes — que ces « fossiles-vivants »,
comme on a parfois nommé les Mélanésiens, étaient encore, peu auparavant,
considérés en voie d'extinction. Pourtant déjà, les cargo cuits, apparus en Océanie
juste avant la Seconde Guerre mondiale, avaient commencé à installer le doute
par leur formidable capacité à se réapproprier des symboles et des références
d'origine occidentale. Puis, des mouvements de renaissance culturelle et des idéo
logies nationalistes se sont progressivement constitués, contribuant largement à
la naissance de nouveaux États. Dans ces archipels où l'ethnologue a été, au
propre comme au figuré, rattrapé par son objet, il est donc devenu difficile
d'ignorer des changements historiques aussi importants.
Comment l'anthropologie a-t-elle appréhendé ces bouleversements ? Depuis
quelques années a paru une abondante production sur le sujet. Les nombreuses
interprétations du surgissement de la modernité politique, dans des sociétés mêla-
nésiennes caractérisées par leur éparpillement et leur diversité, nous éclairent tout Í?
autant sur les différents discours à propos de la culture que sur les difficultés à pen- r^
ser le changement social dans les sociétés dites traditionnelles. À travers un passage (/)
1 . Par Mélanésie, on entend moins une entité culturelle abstraite dont la construction, en opposition à *^¡
la Polynésie, s'appuie sur d'autres mythes anthropologiques, que sur l'ensemble politique que recouvrent ^^
aujourd'hui la Papouasie Nouvelle-Guinée, Fidji, les îles Salomon, le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie. 2
Pour une introduction générale sur l'Océanie, voir Bensa & Rivierre 1999. UJ
L'HOMME 151 / 1999, pp. 181 à 206 revue non exhaustif de ces travaux, je me propose de revenir sur des concepts en
ou idées forces centraux dans ces débats, pour montrer comment ces transforma-
1 82 tions contemporaines ont été prises en compte dans la pratique ethnologique.
Lorsque, après la Seconde Guerre mondiale, se sont intensifiés les mouve
ments de décolonisation dans le tiers-monde, seuls quelques anthropologues ont
véritablement tenté de les intégrer dans une réflexion plus globale sur les mutat
ions des sociétés traditionnelles. Certains travaux de Georges Balandier (1955)
illustrent bien cette démarche, mais ils ont finalement fait peu d'émulés hors de
l'Afrique noire. C'est en outre le plus souvent sous l'angle du contexte local, vi
llageois ou « tribal », que ces mutations brusques et rapides ont été observées par
les anthropologues ; le changement social, la « modernité » n'apparaissaient ainsi,
au mieux, que comme une sorte d'épilogue malheureux, constituant à la fois le
« début » et la « fin » de l'histoire de ces sociétés. Pourtant ces bouleversements se
sont faits de plus en plus visibles et la parole des colonisés en est devenue d'au
tant plus difficile à ignorer.
En Océanie comme ailleurs, les transformations sociales et politiques, part
iculièrement au moment où commencent à émerger des organisations politiques
de type occidental, ont été appuyées par d'abondants discours autochtones visant
à légitimer la volonté d'émancipation des populations. Ces discours sont mar
qués par deux grandes tendances : la réappropriation de valeurs et de dogmes occ
identaux (Droits de l'homme, marxisme, christianisme) accompagnée de leur
retournement contre le colonisateur, et la revitalisation de valeurs selon des
modalités diverses (traditionalisme, syncrétisme, etc.) propres à ces sociétés. Ces
deux tendances ne sont évidemment pas exclusives, et c'est même dans leur
étroite imbrication que sont nés la plupart des discours fondateurs de la « renais
sance culturelle » du Pacifique 2.
La Mélanésie s'est distinguée par son arrivée tardive dans ces débats, consé
quence de sa colonisation également tardive — au plus tôt au cours de la seconde
moitié du XIXe siècle — comme de l'exclusion à peu près totale des populations
autochtones de la vie politique, sociale et économique de ces îles. La résistance
des Mélanésiens face aux missionnaires et aux administrations coloniales a cepen
dant été longue et souvent acharnée ; elle a connu des fortunes diverses selon les
endroits. Mais, si quelques très rares groupes sont parvenus à échapper à l'évan-
gélisation, tous ont dû se résoudre à accepter une certaine forme d'emprise colo
niale. Celle-ci a revêtu des formes variées à travers la Mélanésie, selon les buts que
les puissances occidentales s'étaient fixés, et en fonction de l'intérêt propre que
pouvait présenter chacune des îles (Firth 1989). Il en est de même pour les socié
tés missionnaires, dont le nombre n'a d'égal que la pluralité de leurs méthodes
d' evangelisation. Toujours est-il que, malgré des histoires coloniales spécifiques,
et en dépit de la grande diversité politique et linguistique qui caractérise la
Mélanésie en particulier et l'Océanie en général, c'est à peu près à la même
époque que sont nés ici et là les premiers mouvements indépendantistes.
2. Voir à ce sujet un numéro spécial de la revue Ethnies (1989).
Éric Wittersheim la fin des années 60, une première génération d'« élites » mélanésiennes a À
commencé à contester de plus en plus vivement la présence coloniale (française
comme britannique) en se fondant cette fois, à l'image des leaders africains, sur 1 83
des concepts et des méthodes empruntés aux Occidentaux : développement des
partis politiques et du militantisme, exigence de démocratie, revendication du
droit à l'autodétermination, etc. Les premiers mouvements politiques autoch
tones ont par ailleurs tous mis en avant une certaine vision des sociétés océa
niennes. Sous des formes diversement structurées, une idéologie exaltant l'unité
culturelle et la spécificité du monde océanien s'est développée simultanément en
de nombreux endroits du Pacifique ; les expressions Pacific Way, Melanesian Way
ou Melanesian Socialism vont désigner cette sorte de culture générique englobant
tantôt l'ensemble de la région Pacifique, tantôt la seule Mélanésie ou encore une
communauté nationale en formation. Au début des années 70, le renouveau de
la « coutume », renouveau politique et culturel, amorce véritablement le mouve
ment de décolonisation du Pacifique insulaire.
Les succès de l'invention de la tradition

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents