Les différenciations régionales de l espace linguistique en Ukraine - article ; n°1 ; vol.33, pg 49-76
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 2002 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 49-76
Sur le plan linguistique, l'Ukraine se trouve dans une situation très particulière : la langue d'Etat (l'ukrainien) n'est pas la langue qui, actuellement, est majoritairement utilisée par la population puisque c'est le russe qui prime. La répartition des langues russe et ukrainienne, héritée de la longue durée et de la russification linguistique et ethnique de l'Ukraine à l'époque soviétique, a abouti à une polarisation linguistique Est-Ouest qui n'a pu être surmontée jusqu'ici. Le jeune État ukrainien s'est fixé pour objectif la création d'une nation ukrainienne dans laquelle la langue devient un symbole eminent en raison de l'absence d'autres signes caractéristiques d'une nation. Les débats provoqués par les dispositions législatives adoptées et par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 illustrent l'enjeu politique capital de ce dossier. Mais pour être stable, un État doit-il nécessairement être un État- nation ?
The linguistic situation in Ukraine is peculiar: the official language (Ukrainian) is not the language now used by the majority of the population, who speak Russian. The distribution of Russian and Ukrainian is a heritage from the far past and from the linguistic and ethnic Russification of Ukraine during the Soviet era. It has led to linguistic polarization along the still current East/West axis. The young Ukrainian state has set the objective of forming a Ukrainian nation where language will become a major symbol given the absence of other signs typical of a nation. The debate spawned by the adoption of laws and by the European Charter for Regional or Minority Languages (5 November 1992) sheds light on the political issues in this question. But does a state, to be stable, have to be a nation-state?
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Juliane Besters-Dilger
Les différenciations régionales de l'espace linguistique en
Ukraine
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 33, 2002, N°1. Dossier: Points de vue sur le Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires. pp. 49-76.
Résumé
Sur le plan linguistique, l'Ukraine se trouve dans une situation très particulière : la langue d'Etat (l'ukrainien) n'est pas la langue
qui, actuellement, est majoritairement utilisée par la population puisque c'est le russe qui prime. La répartition des langues russe
et ukrainienne, héritée de la longue durée et de la russification linguistique et ethnique de l'Ukraine à l'époque soviétique, a
abouti à une polarisation linguistique Est-Ouest qui n'a pu être surmontée jusqu'ici. Le jeune État ukrainien s'est fixé pour objectif
la création d'une nation ukrainienne dans laquelle la langue devient un symbole eminent en raison de l'absence d'autres signes
caractéristiques d'une nation. Les débats provoqués par les dispositions législatives adoptées et par la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 illustrent l'enjeu politique capital de ce dossier. Mais pour être stable, un
État doit-il nécessairement être un État- nation ?
Abstract
The linguistic situation in Ukraine is peculiar: the official language (Ukrainian) is not the language now used by the majority of the
population, who speak Russian. The distribution of Russian and Ukrainian is a heritage from the far past and from the linguistic
and ethnic "Russification" of Ukraine during the Soviet era. It has led to linguistic polarization along the still current East/West
axis. The young Ukrainian state has set the objective of forming a Ukrainian nation where language will become a major symbol
given the absence of other signs typical of a nation. The debate spawned by the adoption of laws and by the European Charter
for Regional or Minority Languages (5 November 1992) sheds light on the political issues in this question. But does a state, to be
stable, have to be a nation-state?
Citer ce document / Cite this document :
Besters-Dilger Juliane. Les différenciations régionales de l'espace linguistique en Ukraine. In: Revue d’études comparatives
Est-Ouest. Volume 33, 2002, N°1. Dossier: Points de vue sur le Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. pp.
49-76.
doi : 10.3406/receo.2002.3132
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_2002_num_33_1_3132Revue d'études comparatives Est-Ouest, 2002, vol. 33, n° 1, pp. 49-76
Les différenciations régionales
de l'espace linguistique en ukraine
Juliane BESTERS-DILGER *
résumé : Sur le plan linguistique, l'Ukraine se trouve dans une situation très particul
ière : la langue d'Etat (l'ukrainien) n'est pas la langue qui, actuellement, est majoritai
rement utilisée par la population puisque c'est le russe qui prime. La répartition des
langues russe et ukrainienne, héritée de la longue durée et de la russification linguistique
et ethnique de l'Ukraine à l'époque soviétique, a abouti à une polarisation
Est-Ouest qui n'a pu être surmontée jusqu'ici. Le jeune État ukrainien s'est fixé pour
objectif la création d'une nation ukrainienne dans laquelle la langue devient un symbole
eminent en raison de l'absence d'autres signes caractéristiques d'une nation. Les débats
provoqués par les dispositions législatives adoptées et par la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 illustrent l'enjeu politique capit
al de ce dossier. Mais pour être stable, un État doit-il nécessairement être un État-
nation ?
abstract : The linguistic situation in Ukraine is peculiar: the official language
(Ukrainian) is not the language now used by the majority of the population, who speak
Russian. The distribution of Russian and Ukrainian is a heritage from the far past and
from the linguistic and ethnic "Russification" of Ukraine during the Soviet era. It has led
to linguistic polarization along the still current East/West axis. The young Ukrainian
state has set the objective of forming a Ukrainian nation where language will become a
major symbol given the absence of other signs typical of a nation. The debate spawned
by the adoption of laws and by the European Charter for Regional or Minority
Languages (5 November 1992) sheds light on the political issues in this question. But
does a state, to be stable, have to be a nation-state?
INTRODUCTION
Au mois de mai 2000, une nouvelle en provenance d'Ukraine suscita un émoi
dont même le Spiegel, dans la lointaine Allemagne, se fit l'écho : à Lviv (Lvov),
capitale de l'Ukraine de l'Ouest, des Ukrainiens de langue russe (parmi eux le
fils du procureur général) avaient assassiné Ihor Bilozir, musicien ukrainien et
compositeur apprécié, parce qu'il avait entonné des chants ukrainiens dans un
café. À la suite de cet événement, une manifestation antirusse fut organisée à
laquelle participèrent entre 3 000 et 10 000 personnes qui portaient, entre autres,
des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Pas de langue, pas de nation. Pas
de nation, pas d'État ». Le conseil municipal envisagea de proscrire la langue
russe dans la région de Lviv, mais se limita finalement à interdire de chanter
* Linguiste, Département d'études slaves, Université de Vienne (e-mail : Juliane.Besters-
Dilger@univie.ac.at). 50 JULIANE BESTERS-DlLGER
« des chants russes de qualité esthétique moindre ». L'amende fut fixée à 50
Hryvni.
L'origine de cette action violente, où les personnes impliquées étaient toutes
sous l'effet de l'alcool, a donné lieu à différentes interprétations. La plupart des
médias de langue ukrainienne présentèrent Bilozir comme un martyr ayant
perdu la vie pour avoir parlé sa langue. La presse de langue russe (ukrainienne
et russe), dont l'audience est de loin la plus large, conclut pour sa part que les
Russes devaient désormais fuir l'Ukraine de l'Ouest, qu'ils n'y étaient plus en
sécurité et que des pogroms étaient à redouter.
Quiconque séjourne aujourd'hui en Ukraine occidentale constate que le russe
est, comme auparavant, très utilisé à Lviv et que les journaux et livres en langue
russe dominent le marché. On ne saurait, par conséquent, considérer que des
mesures discriminatoires ont été décidées à rencontre des Russes et des russo-
phones. L'assassinat commis à Lviv et ses conséquences fournissent cependant
l'occasion d'éclairer la situation des langues en Ukraine et notamment les diff
érenciations régionales de l'espace linguistique national.
1. LA SITUATION DÉMOGRAPHIQUE ET LINGUISTIQUE A LA FIN DE
LA PÉRIODE SOVIÉTIQUE
L'Ukraine se caractérise par la diversité de sa population, tant sur le plan des
nationalités que sur celui des langues. En témoignent les données fournies par
le dernier recensement de 1989 effectué dans toute l'Union soviétique, des
chiffres plus récents n'existant malheureusement pas pour l'ensemble de
l'Ukraine '. Selon ce recensement pratiqué avant l'indépendance de l'Ukraine2,
72,7 % de la population (soit 37,4 millions d'individus) se déclarent de natio
nalité ukrainienne, 22,1 % (11,4 de nationalité russe et
5,2 % d'autres nationalités. Par ordre d'importance numérique décroissant, il
s'agit des nationalités juive, biélorusse, moldave, bulgare, polonaise, hongroise,
roumaine, tatare/tatare de Crimée (la délimitation est floue). Chacune de ces
nationalités compte entre 500 000 et 100 000 représentants. Il convient d'ajou-
1. Les données plus récentes sont incomplètes et ne couvrent pas toutes les régions ou tranches
d'âge. Un sondage réalisé avant les élections présidentielles (31.10.1999) a « accessoirement »
révélé que 45 % des personnes interrogées répondaient en russe, 39-40 % en ukrainien et 15-16 %
dans une langue entre le russe et l'ukrainien (le suriyk) ; cité d'après Masenko, 1999, p. 40. Un
autre sondage, peu représentatif, réalisé à domicile auprès de 1 000 personnes en mars 2000,
montre que 46 % des personnes interrogées parlent ukrainien chez elles et 52 % russe ; compte non
tenu de celles qui ne travaillent pas, 41 % sur leur lieu de travail et 58 % utilisent
le russe (Interfax Ukraine, 21.04.2000, p. 4).
2. Un

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