Les médecins laïques contre l exorcisme sous les Ming : la disparition de l enseignement de la thérapeutique rituelle dans le cursus de l Institut impérial de médecine - article ; n°24 ; vol.24, pg 31-45
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Les médecins laïques contre l'exorcisme sous les Ming : la disparition de l'enseignement de la thérapeutique rituelle dans le cursus de l'Institut impérial de médecine - article ; n°24 ; vol.24, pg 31-45

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Extrême-Orient, Extrême-Occident - Année 2002 - Volume 24 - Numéro 24 - Pages 31-45
Secular physicians against ritualistic medicine (exorcism) under the Ming. The disappearance of therapeutic rituals from the curriculum of the Imperial Institute of Medicine
Therapeutic ritual has long since formed an integral part of traditional Chinese medicine. Elevated to the level of a medical specialisation under the Sui (581-618), it was included as such in the courses offered by the Imperial Institute of Medicine. Its existence in the institute's curriculum is cited in the official histories up to the Ming Dynasty (1368-1644). Its disappearance occurred no later than 1570. The treatises of the secular Ming physicians shed light on the reasons that subtend not only its disappearance but also the discrete, almost stealthy, procedure of its suppression. Since this medico-religious tradition is acknowledged by the classic Huangdi neijing, secular physicians have never been able to contest openly its nominal presence as a form of official medicine, but remain in general hostile to its practice. The physicians' attitude towards exorcists can be interpreted as anticlerical since it is based on ideological rather than doctrinal reasons. It furthermore invokes a fundamentalist ideal (the imagined decay of the exorcists' authority) and implied conflicts about actual social power.
La thérapeutique rituelle a pendant longtemps fait partie intégrante de la médecine chinoise traditionnelle. Sous les Sui (581-618), elle est érigée en spécialité et incluse dans l'enseignement de l'Institut impérial de médecine où son existence est attestée dans les histoires officielles jusqu'aux Ming (1368-1644). Sa disparition se situe dans les années 1570 au plus tard. Le discours des médecins laïques des Ming éclaire les raisons qui sous-tendent à la fois la disparition elle-même et la procédure discrète, voire furtive, de la suppression. Comme cette tradition médicale religieuse est reconnue par le grand classique Huangdi neijing, pour des raisons d'orthodoxie, les médecins laïques n'ont jamais pu contester ouvertement sa présence nominale en tant que forme de la médecine officielle, mais ils sont en général très hostiles à sa pratique réelle dans la société. L'attitude de la classe des médecins face aux guérisseurs peut être assimilée à de l'anticléricalisme en ceci qu'elle se fonde plus sur des raisons idéologiques que doctrinales, qu'elle fait appel à un idéal fondamentaliste (la dégénérescence imaginée des guérisseurs) et qu'elle fait intervenir des enjeux de pouvoir.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fang Ling
Les médecins laïques contre l'exorcisme sous les Ming : la
disparition de l'enseignement de la thérapeutique rituelle dans le
cursus de l'Institut impérial de médecine
In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 2002, N°24, pp. 31-45.
Citer ce document / Cite this document :
Ling Fang. Les médecins laïques contre l'exorcisme sous les Ming : la disparition de l'enseignement de la thérapeutique rituelle
dans le cursus de l'Institut impérial de médecine. In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 2002, N°24, pp. 31-45.
doi : 10.3406/oroc.2002.1148
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_2002_num_24_24_1148Abstract
Secular physicians against ritualistic medicine (exorcism) under the Ming. The disappearance of
therapeutic rituals from the curriculum of the Imperial Institute of Medicine
Therapeutic ritual has long since formed an integral part of traditional Chinese medicine. Elevated to the
level of a medical specialisation under the Sui (581-618), it was included as such in the courses offered
by the Imperial Institute of Medicine. Its existence in the institute's curriculum is cited in the official
histories up to the Ming Dynasty (1368-1644). Its disappearance occurred no later than 1570. The
treatises of the secular Ming physicians shed light on the reasons that subtend not only its
disappearance but also the discrete, almost stealthy, procedure of its suppression. Since this medico-
religious tradition is acknowledged by the classic Huangdi neijing, secular physicians have never been
able to contest openly its nominal presence as a form of official medicine, but remain in general hostile
to its practice. The physicians' attitude towards exorcists can be interpreted as anticlerical since it is
based on ideological rather than doctrinal reasons. It furthermore invokes a fundamentalist ideal (the
imagined decay of the exorcists' authority) and implied conflicts about actual social power.
Résumé
La thérapeutique rituelle a pendant longtemps fait partie intégrante de la médecine chinoise
traditionnelle. Sous les Sui (581-618), elle est érigée en spécialité et incluse dans l'enseignement de
l'Institut impérial de médecine où son existence est attestée dans les histoires officielles jusqu'aux Ming
(1368-1644). Sa disparition se situe dans les années 1570 au plus tard. Le discours des médecins
laïques des Ming éclaire les raisons qui sous-tendent à la fois la disparition elle-même et la procédure
discrète, voire furtive, de la suppression. Comme cette tradition médicale religieuse est reconnue par le
grand classique Huangdi neijing, pour des raisons d'orthodoxie, les médecins laïques n'ont jamais pu
contester ouvertement sa présence nominale en tant que forme de la médecine officielle, mais ils sont
en général très hostiles à sa pratique réelle dans la société. L'attitude de la classe des médecins face
aux guérisseurs peut être assimilée à de l'anticléricalisme en ceci qu'elle se fonde plus sur des raisons
idéologiques que doctrinales, qu'elle fait appel à un idéal fondamentaliste (la dégénérescence imaginée
des guérisseurs) et qu'elle fait intervenir des enjeux de pouvoir.V
Extrême-Orient, Extrême-Occident 24 - 2002
Les médecins laïques contre l'exorcisme1 sous les Ming
La disparition de l'enseignement de la thérapeutique rituelle
dans le cursus de l'Institut impérial de médecine
Fang Ling
Dans le cadre d'un volume consacré à l'anticléricalisme chinois, une étude
de la disparition de l'enseignement officiel des exorcismes sous la période des
Ming, l'un des aspects de sécularisation de la médecine chinoise, me paraît
particulièrement significatif. Car en Chine comme en Occident, le contrôle
des institutions médicales a constitué un enjeu crucial des processus de
sécularisation et des débats anticléricaux. Bien entendu, ces se
déroulèrent dans des cadres théoriques très différents en Occident et en Chine.
En Occident, la sécularisation de la médecine fut une conséquence de la
réforme grégorienne commencée au XIe siècle, qui cherchait à imposer une
distinction plus radicale des statuts et des activités des clercs et des laïcs. Des
moines et des prêtres, qui étaient le plus souvent aussi des praticiens de la
médecine, se virent refuser le droit à l'étude et à l'exercice des métiers qui
impliquent un contact avec le corps humain. La médecine devint donc une
affaire de laïcs, les clercs étant spécialistes des soins de l'âme. Ceci conduisit
d'abord les médecins à rejeter les pratiques de guérison relevant de la religion,
puis à nier toute conception ou pratique religieuse thérapeutique à partir du
XVIIe siècle. Cette opposition fut radicalisée au xixe siècle, quoique de façon
fort variable d'un pays chrétien à l'autre, impliquant ou non une dimension
anticléricale2.
Par contraste, il n'existe pas en Chine de fonction séparée du corps et de
l'âme, ni dans le domaine religieux ni dans la médecine. La santé est conçue
comme l'harmonie de l'être humain pris dans sa totalité. L'enseignement de
l'exorcisme a fait très longtemps partie de la médecine officielle, et sa
suppression n'était pas une entreprise facile. Les médecins laïques, qui
uvrèrent pour cette suppression et la justifièrent à mots couverts dans leurs
écrits, nous offrent un exemple de polémique qui mêle des enjeux de
pouvoirs, des convictions et une hostilité entre groupes et classes sociales.
C'est en effet davantage un conflit entre médecins lettrés et guérisseurs Fang Ling
qu'une opposition entre théories médicales qui s'exprime dans les décisions
politiques et les textes convoqués ici. C'est en ce sens, même si les
guérisseurs ne constituent pas un clergé organisé, que la notion d'anti
cléricalisme permet d'éclairer la question de l'orthodoxie médicale en Chine.
L'exorcisme dans l'enseignement officiel de la médecine chinoise
L'histoire de officiel de la médecine en Chine débute sous
les Jin (265-420), époque à laquelle la cour accueille les disciples des
médecins de renom et ordonne aux assistants d'enseignement de l'École
nationale (Guoxue) de les former. En 443, Qin Chengzu, supérieur des
médecins impériaux, demanda à l'empereur Wendi des Song d'établir un
enseignement de la médecine3. Cette démarche marque donc les débuts d'une
transmission institutionnelle et officielle du savoir médical. Après la mort de
l'empereur, cet enseignement s'interrompt, mais il reprend sous les Qi du Sud
(479-502) et les Wei du Nord (386-534), tout en restant toujours un
enseignement général.
Ce n'est qu'à l'époque des Sui (581-618), avec l'Office médical impérial
(Taiyi shu), que l'enseignement de la pratique médicale connaît un
développement important: le nombre des enseignants et des étudiants
augmentent et commence à se spécialiser. Il est réparti en trois
disciplines: médecine générale (yi), «massages» (anmo) et exorcisme
(zhujin). Sous les Tang, le système est réparti en quatre disciplines en
comptant l'acupuncture. La discipline yi, avec quarante étudiants, est la plus
courue. Les étudiants reçoivent d'abord un enseignement général sur les
classiques fondamentaux, comme les Bencao (matières médicales), le Jiayi
jing (éléments [d'acupuncture et de moxibustion]) et le Maijing (Classique de
sphygmologie)4. Ensuite ils se répartissent entre cinq spécialités : pathologies
internes ; maladies cutanées ; pédiatrie ; affections des oreilles, des yeux, de la
bouche et des dents; application de ventouses (jiaofa)5. La deuxième
discipline est l'acupuncture, qui admet vingt étudiants. La troisième est le
«massage» qui en compte trente : il s'agit d'apprendre à soigner les maladies
avec des procédés du souffle (xiaoxi), des mouvements gymniques (daoyin),
des massages et des techniques visant à remettre un os fracturé ou démis. La
dernière discipline est l'exorcisme, qui compte dix étudiants. Cette spécialité
consiste à bannir à l'aide de rituels les démons qui sont les causes des
maladies. À la tête de chaque discipline, on désigne un professeur, secondé
par des aide

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