Les nouveaux entrepreneurs et les directeurs d entreprises en Russie .. - article ; n°4 ; vol.25, pg 65-78
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Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1994 - Volume 25 - Numéro 4 - Pages 65-78
Russia's new entrepreneurs and enterprise directors.
The functional diversification of the Russia economy can be studied by following the reforms and changes introduced by the leadership since Gorbachev's time. The present article recapitulates these changes, and then approaches the question from another angle. Starting from field studies carried out partly with new entrepreneurs and partly with directors of industrial enterprises, the author shows how the first group drift off into attitudes where any ethical consideration, or dedication to the « vocation » of entrepreneur, is lost sight of, while the second group, contrary to an accepted view, tend less to see things as a matter of opposing « state » or « private » constraints, and are inclined to view themselves as socially-motivated operators, endeavouring to structure the development of their enterprises, and to encourage awareness of the overriding interests of society and the country.
La differentiation fonctionnelle de l'économie, en Russie, peut être lue en suivant les réformes et les changements introduits par le pouvoir politique depuis Gorbatchev. L'article, après avoir rappelé ces transformations, procède d'une autre perspective. A partir de travaux de terrain menés, d'une part, avec des nouveaux entrepreneurs et, d'autre part, avec des directeurs d'entreprises industrielles, il montre comment les premiers dérivent vers des logiques où s'affaiblit toute éthique, toute « Beruf » d'entrepreneur, tandis que les seconds, contrairement à une idée reçue, plutôt que d'opposer logique d'État et logique privée, tendent à se constituer en acteurs sociaux en s'effor- çant d'articuler le développement de leurs entreprises et la prise en compte des intérêts supérieurs de la société et de la nation.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Wieviorka
Les nouveaux entrepreneurs et les directeurs d'entreprises en
Russie ..
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 25, 1994, N°4. pp. 65-78.
Abstract
Russia's new entrepreneurs and enterprise directors.
The functional diversification of the Russia economy can be studied by following the reforms and changes introduced by the
leadership since Gorbachev's time. The present article recapitulates these changes, and then approaches the question from
another angle. Starting from field studies carried out partly with new entrepreneurs and partly with directors of industrial
enterprises, the author shows how the first group drift off into attitudes where any ethical consideration, or dedication to the «
vocation » of entrepreneur, is lost sight of, while the second group, contrary to an accepted view, tend less to see things as a
matter of opposing « state » or « private » constraints, and are inclined to view themselves as socially-motivated operators,
endeavouring to structure the development of their enterprises, and to encourage awareness of the overriding interests of society
and the country.
Résumé
La differentiation fonctionnelle de l'économie, en Russie, peut être lue en suivant les réformes et les changements introduits par
le pouvoir politique depuis Gorbatchev. L'article, après avoir rappelé ces transformations, procède d'une autre perspective. A
partir de travaux de terrain menés, d'une part, avec des nouveaux entrepreneurs et, d'autre part, avec des directeurs
d'entreprises industrielles, il montre comment les premiers dérivent vers des logiques où s'affaiblit toute éthique, toute « Beruf »
d'entrepreneur, tandis que les seconds, contrairement à une idée reçue, plutôt que d'opposer logique d'État et logique privée,
tendent à se constituer en acteurs sociaux en s'effor- çant d'articuler le développement de leurs entreprises et la prise en compte
des intérêts supérieurs de la société et de la nation.
Citer ce document / Cite this document :
Wieviorka Michel. Les nouveaux entrepreneurs et les directeurs d'entreprises en Russie .. In: Revue d’études comparatives Est-
Ouest. Volume 25, 1994, N°4. pp. 65-78.
doi : 10.3406/receo.1994.2697
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1994_num_25_4_2697Revue d'études comparatives Est-Ouest, 1994, 4 (décembre)
pp. 65-78 - Michel WIEVIORKA
Les nouveaux entrepreneurs
et les directeurs d'entreprises en Russie
Michel WIEVIORKA*
Les nouveaux entrepreneurs, récemment apparus en Russie, sont-ils les
agents d'un choc libéral ou des acteurs contribuant à construire une société
moderne et participant à son développement ? Les directeurs et managers des
entreprises industrielles de Russie, en place généralement depuis plus long
temps, sont-ils un frein aux transformations par lesquelles s'opère dans ce pays
la différenciation fonctionnelle de l'économie ou sont-ils, eux aussi, des
acteurs jouant un rôle dans la modernisation et le développement de la société ?
Nous n'aurons de réponse historique à de telles questions que lorsque l'expérience
de la Russie post-communiste aura acquis beaucoup plus d'épaisseur et que nous
disposerons d'un recul nous évitant les erreurs de perspective de ceux qui ont le nez
collé aux événements. Mais les nouveaux entrepreneurs sont une réalité contempor
aine, qu'il est possible d'étudier, tout comme les directeurs d'entreprises publiques ou
privatisées. Et si nous prenons la peine de constituer leur pratique en objet socio
logique, et eux-mêmes en sujets d'une recherche où ils réfléchissent avec des cher
cheurs sur les orientations et les limites de leur action, nous parvenons à des conclu
sions qui apportent un éclairage utile aux questions qui viennent d'être évoquées.
C'est précisément ce que nous avons fait, dans le cadre d'un programme de
recherche du CADIS qui porte sur plusieurs pays de l'ancien empire soviétique
et qui, en Russie même, a été piloté par Léonid Gordon et Edouard Klopov
côté russe et par Alexis Berelowitch et nous-même côté français. Ce pr
ogramme repose pour l'essentiel sur la méthode de l'intervention sociologique
et s'est intéressé, en Russie, à huit figures de l'action, parmi lesquelles les nou
veaux entrepreneurs et les directeurs d'entreprises industrielles1. L'idée géné-
* Directeur du Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (CADIS), laboratoire
de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, associé au CNRS.
1. Le programme de recherches du CADIS, lancé par Alain Touraine en 1991, a
bénéficié de l'aide financière du Ministère de la recherche et de l'espace, du Ministère
des affaires étrangères et du de l'éducation nationale, puis en 1993, sous la
responsabilité de Michel Wieviorka, de la Communauté européenne. Il porte sur la Russ
ie, mais aussi la Pologne, la Roumanie et l' ex-Tchécoslovaquie. La méthode de l'inte
rvention sociologique, inaugurée en 1977, est présentée dans Alain Touraine, La voix et
le regard, Paris, Seuil, 1978. Elle a été utilisée, notamment, pour l'étude de Solidarnosc
en Pologne en 1980-1981 ; cf. Alain Touraine, François Dubet, Michel Wieviorka,
Jan Strzelecki, Solidarité, Paris, Fayard, 1982.
65 Michel Wieviorka
rale de la recherche consiste à proposer aux acteurs concernés, en l'occurrence
d'une part de nouveaux entrepreneurs et, d'autre part, des directeurs d'entre
prises industrielles, de participer à une recherche au cours de laquelle ils débat
tent avec divers interlocuteurs de leur propre action, puis réfléchissent, à la
demande des chercheurs, aux conditions qui feraient d'eux des acteurs sociaux,
capables de prendre en charge non seulement leurs intérêts particuliers, mais
aussi ceux, plus larges, du pays, de la collectivité nationale ou de la population.
Le rôle des chercheurs est, dans cette méthode, de réunir les acteurs concer
nés, c'est-à-dire de faire émerger une demande de recherche, de monter le ou
les groupes d'intervention (une dizaine de personnes par groupe en principe,
choisies de façon à représenter le mieux possible la diversité des orientations
de l'action), puis d'organiser les débats. Ceux-ci passent par deux moments
principaux. Dans une première phase, le groupe reçoit successivement divers
interlocuteurs, face auxquels il témoigne et argumente pour faire prévaloir ses
points de vue, ce qui apporte une histoire commune aux participants, une
mémoire ; dans un deuxième temps, le groupe est mis en demeure de s'auto-
analyser par les chercheurs, qui lui proposent un ensemble intégré d'hypo
thèses sur les significations de son action et sur les conditions qui lui
permettraient de se constituer davantage ou plus nettement en acteur social. La
manière dont un groupe accepte ou rejette les hypothèses des chercheurs, dont
il s'en saisit pour réfléchir éventuellement à sa pratique ou lire son expérience
historique apporte des informations capitales qui valident, affaiblissent ou
infirment ces hypothèses.
I. LA DIFFERENTIATION FONCTIONNELLE DE L'ÉCONOMIE
Le système soviétique, vraisemblablement déjà sous Staline, et en tous cas
depuis Khrouchtchev et a fortiori à l'époque de Brejnev, n'a jamais fonc
tionné en conformité parfaite avec son concept. Au contraire, l'économie
administrée comportait toute sorte de procédures informelles, plus ou moins
connues et tolérées, indispensables à la marche des entreprises et faisant, en
même temps, courir des risques considérables à ceux qui s'y livraient : le
directeur d'entreprise qui trouvait des arrangements directs avec ses homol
ogues, en dehors des prescriptions du Plan et des organes centraux de
contrôle, était toujours susceptible d'être sanctionné2. Ajoutons à ces pratiques
informelles, celles d'une économie clandestine, souvent proche du marché
2. Cf., par exemple, Bernard Chavance, « Les formes actuelles de crise dans les éco
n° 26-27 ', 1984 ; Jacques nomies de type soviétique », Critique de l'économie politique,
Sapir, L'économie mobilisée, Paris, La Découverte, 1990 et Feu le système soviétique ?,
Paris, La Découverte, 1992 ; Gérard Roland, Economie politique du système
soviétique, Paris, L'Harmattan, 1989.
66 En

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