Les racines du nationalisme bulgare - article ; n°1 ; vol.46, pg 127-138
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Description

Revue des études slaves - Année 1967 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 127-138
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Marin Pundeff
Les racines du nationalisme bulgare
In: Revue des études slaves, Tome 46, fascicule 1-4, 1967. pp. 127-138.
Citer ce document / Cite this document :
Pundeff Marin. Les racines du nationalisme bulgare. In: Revue des études slaves, Tome 46, fascicule 1-4, 1967. pp. 127-138.
doi : 10.3406/slave.1967.1938
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1967_num_46_1_1938RACINES LES
DU NATIONALISME BULGARE
PAR
MARIN PUNDEFF
II est peu de tableaux, dans l'imagerie de l'histoire bulgare, aussi saisissants
et pittoresques dans leur facture que celui qui représente le manteau de ténè
bres profondes enveloppant les pays bulgares au xviii6 siècle, et une popula
tion écrasée et hagarde, victime des seigneurs ottomans et du clergé grec,
cherchant à tâtons sa voie sans les secours que donnent l'instruction et la
conscience nationale. Dans cette nuit profonde, en 1762, un moine patriote
appartenant à l'un des monastères du mont Athos, le père Paisij, alluma la
flamme d'un patriotisme passionné avec sa Slavjanobolgarska istorija, dissipa
les ténèbres, donna à ses compatriotes bulgares le sentiment qu'ils possédaient
une personnalité nationale et un but commun, il leur inspira le désir de su
rmonter les obstacles qui empêchaient la nation de se réaffirmer et de s'émancip
er. Ce fut un thème biblique dans une variante locale ; par-dessus le chaos
sans fin le Verbe avait été prononcé et le chaos céda au dessein et à l'ordre.
Ce fut aussi un écho local de l'idée occidentale évoquant la longue nuit du
Moyen Age, et qui s'est étendue depuis le crépuscule de l'antiquité classique
jusqu'à l'aube de la Renaissance. Cette image fut d'abord évoquée par Marin
Drinov qui, dans une étude sur Paisij et son influence (publiée en 1871), dépei
gnit le spectacle dantesque d'une « multitude opprimée, étouffée et brisée »,
qui avait perdu sa personnalité et abandonné tout espoir, jusqu'au jour où
Paisij eut fait renaître l'histoire de cette multitude et l'eut amené à « reprendre
forme en tant que peuple » ^.
En raison de la grande autorité de Drinov comme premier historien bulgare
académique et professeur à l'Université de Char'kov, cette frappante interpré
tation était partout acceptée. Dans les années qui précédèrent et dans celles
í1' M. Drinov, « Otec Paisij, negovoto vřeme, negovota istorija í učenicite mu », Perio-
dicesko spisanie na Bälgarskoto knižovno družestvo, n° 4, 1871, p. 3-26. 12В MARIN PUNDEÏT
qui suivirent la libération du pays, en 1878, journalistes, poètes, professeurs,
peintres et politiciens se servirent si souvent de cette interprétation que l'on
pouvait être sûr de son pouvoir sur l'imagination et les sentiments patriotiques
de tout Bulgare. Elle devint un élément indispensable des discours prononcés
pour la Fête de la Libération (3 mars) et une place de choix lui fut réservée
parmi les sujets de l'enseignement public et de l'instruction civique. Les his
toriens, bulgares et étrangers, s'en emparèrent et s'étendirent sur son contenu
sans se rendre compte à quel point Drinov avait subi l'influence de l'imagerie
et de la propagande dont Paisij lui-même s'était servi.
Quand la science historique bulgare eut progressé dans l'accumulation des
données et dans l'art d'en solliciter le sens, la justesse de ce point de vue fut
mise en doute. L'un des premiers à exprimer son scepticisme quant à l'inte
rprétation de Drinov et à proposer des corrections fut Ivan S. Šišmanov,
professeur d'histoire comparée de la littérature à l'Université de Sofia depuis
1889, date de sa fondation, jusqu'en 1928, et qui suscita une suite remarquable
de disciples. L'œuvre de Šišmanov relative à l'histoire littéraire de la Renais
sance italienne lui a fourni à la fois des perspectives, et une base pour des
comparaisons touchant à l'époque de la « Renaissance bulgare » que les savants
avaient jusqu'alors délaissées. Dans une étude publiée en 1914, il souligna la
nécessité d'étudier les conditions sociales, économiques et culturelles préexis
tantes à l'apparition de Paisij et signala que, si « des personnages ont joué
un rôle notable dans le processus de la Renaissance en annonçant et en accélé
rant le mouvement de masse, il convient toutefois de ne pas exagérer leur
importance non plus que d'amoindrir celle du peuple» ^. Šišmanov signale
l'activité rebelle des hajduti, l'importante collection d'épopées populaires
inspirées par ces Robin des Bois, les soulèvements sporadiques, ainsi que la
littérature en bulgare parlé née dans les deux siècles précédant 1762, comme
autant de phénomènes attestant l'état d'esprit des Bulgares avant que Paisij
ne se fut exprimé, l'existence d'une personnalité commune aux pays bulgares
ainsi qu'une structure de pensée largement répandue.
Dans les trois décennies suivantes, la cohorte des historiens formés ou
influencés par Šišmanov et ses collègues Bojan Penev et Vasil N. Zlatarski,
explora en profondeur les aspects méconnus de la Renaissance bulgare aux
XVIIIe et xixe siècles et mit en lumière maints aspects de sa préhistoire. Les
études faites par le professeur Ivan Dujčev <2) sur l'activité catholique dans cer
taines régions de la Bulgarie au xvne siècle furent particulièrement fructueuses.
Formé par les universités de Sofia et de Rome, Dujčev put rechercher dans les
(*■' I. D. Šišmanov, « Paisij i negovota epoha. Misii värhu genezisa na novobälgarskoto väzraž-
danie », Spisanie na Bälgarskata akademija na naukite, VIII (1914), p. 1-18. On pourra
trouver les bibliographies de Šišmanov et des autres historiens universitaires dans Almanah
па Sofiiskija Université t Sv. Kliment Ohridski (Sofia, 1940).
(2) Ivan Dujcev, II Cattolicesismo in Bułgaria nel sec. \yii seconde і processi informativi
sulla nomina dei vescovi Cattolici (Rome, 1937). La propagande catholique a également été
étudiée par le professeur Nikola Milev : Katoličeskata propaganda v Bälgarija prez xvii vek
(Sofia, 1914). Le principal recueil de sources est constitué par les Acta Bulgariae ecclesiastica
ab a. 1565 usque ad a. 1799, édités par le Père Eusebius Fermendžiu (Zagreb, 1887). LES RACINES DU NATIONALISME BULGARE 129
archives du Vatican les rapports d'enquêtes préalables à la nomination d'évê-
ques catholiques romains dans les diocèses bulgares et apporta un riche com
plément aux connaissances déjà acquises sur la vie bulgare de cette époque.
Dans un article de» 1942, Dujčev fit le point des connaissances acquises sur
« les manifestations de la conscience nationale » au xvne siècle, contesta les
mythes et les dogmes enracinés et tira quelques conclusions intéressantes W.
Les activités de l'Église catholique romaine en Bulgarie au cours des années
1600 avaient derrière elles un long passé historique dont les points saillants
avaient été le rôle joué par le pape Nicolas Ier dans la conversion des Bulgares
en 865-866, les querelles avec le patriarche de Constantinople à propos de la
juridiction territoriale qui contribuèrent au schisme de 1054, l'union de la
Bulgarie avec Rome sous le pape Innocent III en 1204, les projets catholiques
de croisades et les efforts déployés au nom des chrétiens de la Turquie
d'Europe. Les solides liens commerciaux et culturels avec la Péninsule, qui
dataient de l'époque romaine, avaient bien fait sentir aux Italiens — notam
ment ceux des centres et culturels du Nord et ceux de la
côte dalmate, comme Venise, Gênes, Raguse (Dubrovnik) — l'existence de
nationalités à l'intérieur de la Péninsule et les eiîorts qu'elles faisaient pour
se libérer des Turcs. Un exemple littéraire de cette prise de conscience nous
est donné par le Roland furieux de l'Arioste (1474-1533), l'un des plus
beaux poèmes héroïques de tous les temps, qui introduisit les Balkans dans
la grande épopée de la chevalerie médiévale construite autour de la figure
de Roland, et fit entrer les Bulgares dans le vocabulaire poétique et dans la
culture littéraire de la fin de la Renaissance <2).
L'impulsion donnée à l'a

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