Les rapports État-paysannerie au centre du conflit ethnique au Burundi - article ; n°150 ; vol.38, pg 347-383

Barnabe Ndarishikanye

Description

Cahiers d'études africaines - Année 1998 - Volume 38 - Numéro 150 - Pages 347-383
Abstract ~~State-Peasantry Relations at the Center of Ethnie Conflict in Burundi. ~~— Agricultural and economic surveys and an analysis of the processus for creating and distributing wealth serve as the basis for an economic explanation of « ethnicity » and political bloodshed in Burundi. Controlled by elites of Tutsi origin, the state has, for years now, imposed an agricultural policy oriented toward producing and selling cash crops for exportation. The failure of this policy coincides with the successful intensification of agricultural production, the development of banana plantations and increasing peasant autonomy. Since most farmers are Hutu, and most leaders, Tutsi, the painful experiment with democracy turned the struggle for power into competition between social groups.
Résumé À partir des enquêtes agro-économiques et d'une analyse du processus de création et de répartition des richesses, l'auteur propose une explication économique de l'ethnicité et des événements politiques sanglants au Burundi. L'État, contrôlé par des élites d'origine tutsi, impose depuis des années une politique agricole axée sur la production et la commercialisation des cultures d'exportation. L'échec de cette politique coïncide avec le succès de l'intensification de la production agricole, du développement de la bananeraie et d'une plus grande autonomie de la paysannerie. Comme la majorité des agriculteurs sont de l'ethnie hutu, et que la majorité des dirigeants sont de l'ethnie tutsi, la douloureuse expérience démocratique situe la lutte pour le pouvoir dans la compétition entre groupes sociaux.
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: CAHIERS_D-ETUDES_AFRICAINES
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Monsieur Barnabé
Ndarishikanye
Les rapports État-paysannerie au centre du conflit ethnique au
Burundi
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 38 N°150-152. 1998. pp. 347-383.
Résumé
À partir des enquêtes agro-économiques et d'une analyse du processus de création et de répartition des richesses, l'auteur
propose une explication économique de l'ethnicité et des événements politiques sanglants au Burundi. L'État, contrôlé par des
élites d'origine tutsi, impose depuis des années une politique agricole axée sur la production et la commercialisation des cultures
d'exportation. L'échec de cette politique coïncide avec le succès de l'intensification de la production agricole, du développement
de la bananeraie et d'une plus grande autonomie de la paysannerie. Comme la majorité des agriculteurs sont de l'ethnie hutu, et
que la majorité des dirigeants sont de l'ethnie tutsi, la douloureuse expérience démocratique situe la lutte pour le pouvoir dans la
compétition entre groupes sociaux.
Abstract
Abstract
State-Peasantry Relations at the Center of Ethnie Conflict in Burundi. — Agricultural and economic surveys and an analysis of
the processus for creating and distributing wealth serve as the basis for an economic explanation of « ethnicity » and political
bloodshed in Burundi. Controlled by elites of Tutsi origin, the state has, for years now, imposed an agricultural policy oriented
toward producing and selling cash crops for exportation. The failure of this policy coincides with the successful intensification of
agricultural production, the development of banana plantations and increasing peasant autonomy. Since most farmers are Hutu,
and most leaders, Tutsi, the painful experiment with democracy turned the struggle for power into competition between social
groups.
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Ndarishikanye Barnabé. Les rapports État-paysannerie au centre du conflit ethnique au Burundi. In: Cahiers d'études africaines.
Vol. 38 N°150-152. 1998. pp. 347-383.
doi : 10.3406/cea.1998.1807
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1998_num_38_150_1807Barnabe Ndarishikanye
Les rapports Etat-paysannerie
au centre du conflit ethnique
au Burundi*
Dans origine Le durant lutsi de et interrogent tuel le 1972 15 sol quelque Burundi ou analyse burundais péril 1988 les de inversement du tueries Tutsi la expérience hutu et occupait conflit culture 1993 de expliquent entre événement Loin pourquoi racial proverbes associées les acquise ses des premières deux de aux la feux lors sanglant majorité la aux coutumes principales profanes minorité de période une proportions actualité pages se des présence et révolte prévient coloniale ethnies spécialistes des autres en précisant ethniques certains journaux contre réactions tragiquement si les autres courte Hutu spontanés historiens les la 85 internationaux particulières domination soit-elle dates et chercheurs les un de nantis datent Tutsi éven 1965 Hutu sur
Cette étude été rédigée alors que auteur participait au projet de recherche
sur la violence au Burundi soutenu par le FIC AUPELF-UREF auteur tient
remercier Roger Botte Catharina Newbury et Jan Vansina pour leurs commen
taires sur la première version de cet article
Ce texte fait partie des New Direction Papers Nouvelles tendances de
la recherche lesquelles constituent une nouvelle collection du Joint Committee
on African Studies JCAS de American Council of Learned Societies ACLS et
du Social Science Research Council SSRC Cette souhaite ouvrir ou
rouvrir un champ études africaines qui été négligé ou sur lequel peu de
travaux ont été faits elle veut ainsi être une tribune pour un programme de
recherche novateur plutôt un recueil idées consacrées qui ont formé notre
connaissance de Afrique Le Comité souhaite rassembler des articles qui tout
en partant une connaissance empirique du sujet aient une orientaron métho
dologique et théorique Par exemple une étude de cas doit être occasion de
montrer comment au moyen une approche originale une nouvelle appréhension
des réalités africaines peut être opérée La préférence sera donnée aux articles
susceptibles aider des collègues travaillant en Afrique renouveler leur pratique
du terrain
Les contributions cette collection paraîtront conjointement en anglais dans
African Studies Review et en fran ais dans les Cahiers tudes africaines
Pour plus de renseignements adresser Ron Kassimir Program Officer SSRC
810 Seventh Avenue New York 10019 ou Bogumi Jewsiewicki Uni
versité Laval Département histoire Québec PQ Canada GIK 7P4
Cahiers tudes africaines 150-152 XXXVIII-l 1998 pp 347-383 BARNABE NDARISHIKANYE 348
ou la morphologie corporelle taille forme du nez teint de la peau pour
déceler les traces une différence de race qui rendrait ces tueries intel
ligibles Ces arguments sont captés par des leaders politiques tutsi qui
voient une aubaine pour dénoncer toute revendication un tant soit peu
ethnique et par leurs adversaires hutu qui trouvent un fondement scien
tifique et historique leur combat pour le pouvoir au nom de la majorité
ethnique Cette dernière suffit-elle pour former un peuple alors que la
minorité tutsi besoin de subterfuges comme unité nationale et la force
des armes pour se faire accepter
La querelle pour le pouvoir besoin une reconnaissance la base
pour être légitime Dans ce petit pays de 27 836 km2 peuplé de 53 millions
habitants les paysans représentent plus de 90 de la population le
reste soit moins de 10 vit des deniers de tat Celui-ci tire ses
ressources de exportation du café du thé et du coton denrées cultivées
dans des exploitations agricoles familiales La paysannerie est ainsi dou
blement sollicitée par élite dirigeante une part en étant contrainte
accepter le pouvoir et lui donner un caractère légal et autre part pour
assurer sa survie En retour elle attend du gouvernement des investisse
ments dans le secteur primaire une amélioration des infrastructures
sociales et la création de conditions favorisant enrichissement écono
mique Querelle raciale entre intelligentsia en quête de légitimité vis-à-
vis de la base populaire et bilan des flux de ressources et de produits
entre le sommet et la paysannerie témoignent du caractère extra-ethnique
de la crise actuelle Sans tomber dans la louange un passé mythique et
glorieux de tat-nation du Burundi dirigé par les rois force est de
constater que la récurrence de ces crises aiguës mettant en danger identité
nationale débuté après indépendance
Le système socio-économique de la période pré-coloniale ne reposait-
il pas sur des mécanismes accès au capital-fertilité matérialisé dans le
cheptel bovin au profit de la majorité des citoyens les agriculteurs
Depuis les années 1960 les politiques agricoles mises en place par des
dirigeants issus de coups Etat et occupés détourner le surtravail une
paysannerie contrôlée ont détruit les performances de intensification agri
cole réalisées par le seul savoir-faire des paysans Aussi inappropriées
que coercitives ces politiques ont alimenté les différentes crises ethniques
placées sous les labels de Hutu-agriculteurs et de Tutsi-oppresseurs
Comme la majorité des Hutu vit dans le secteur agricole et une forte
proportion de Tutsi contrôle appareil étatique une insatisfaction de la
paysannerie se matérialise sous la forme une nouvelle colonisation des
plus nombreux par la minorité des Hutu par les Tutsi
Le clientélisme politico-ethnique mis en place dans les années 1960
est caractérisé par exclusion des Hutu de administration suivie de
celle des Tutsi non originaires de la province de Burun sud du pays
Le culte de unité nationale véhiculé par le parti unique et manifesté par
la masse dans les chants de louange au chef est vidé de sa substance LE CONFLIT ETHNIQUE AU BURUNDI 349
au fil du temps et des événements sanglants si bien que le multipartisme
déclaré en 1991 est construit sur le thème du changement des relations
tat-paysannerie Même si les leaders politiques ont vu dans la démocra
tisation une aubaine pour obtenir des postes juteux la forte implication
des couches pauvres et des paysans dans le vote ne doit pas occulter une
demande sociale pressante qui ailleurs pas été entendue
Au-delà des tragédies burundaise et rwandaise cette analyse veut attirer
attention des chercheurs sur la nécessité inclure les rapports entre la
paysannerie et tat dans la lecture de la dynamique ethnique et nationale
en Afrique au sud du Sahara Dep