Les Salons comiques - article ; n°75 ; vol.22, pg 51-62
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Description

Romantisme - Année 1992 - Volume 22 - Numéro 75 - Pages 51-62
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Monsieur Denys Riout
Les Salons comiques
In: Romantisme, 1992, n°75. pp. 51-62.
Citer ce document / Cite this document :
Riout Denys. Les Salons comiques. In: Romantisme, 1992, n°75. pp. 51-62.
doi : 10.3406/roman.1992.6001
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1992_num_22_75_6001DenysRIOUT
Les Salons comiques
Peinture et caricature entretiennent des rapports de connivence et de répulsion
tout au long du XIXe siècle. Dès le romantisme, le désir d'immédiateté de
l'expression et la volonté de répudier les conventions ouvraient la voie à un réa
lisme brutal \ Bientôt, les détracteurs acharnés de Millet, Courbet, Manet ou
Monet considéreront que leurs peintures étaient moins des œuvres dignes d'intérêt
que des parodies grotesques du grand goût. Comme telles, elles prêtaient à rire, et
ce rire, répandu, encouragé par les critiques conservateurs, attestait, croyait-on, la
décrépitude où s'abîmait l'art de peindre. Dans ce contexte, comment prendre au sé
rieux les artistes soucieux d'innovations formelles ? Flaubert pouvait ironiser dans
son Dictionnaire des idées reçues : « Artistes. Tous farceurs ».
C'est précisément au moment où la peinture moderne déclenchait l'hilarité des
foules éprises d'académisme que les Salons comiques prirent leur essor. Après
quelques timides essais sans lendemain, à la fin du XVIIIe siècle, et la publication
épisodique de charges isolées, ils naquirent autour de 1840, et s'imposèrent rap
idement. Comme les comptes rendus du Salon, ils paraissaient dans la presse,
souvent en feuilleton. Ils furent parfois repris en brochure. Certains ont été pu
bliés directement sous cette forme. Promenades à travers l'exposition, ils adopt
aient les modèles mis au point par les salonniers, qui polémiquaient d'abord avec
le jury, discutaient ensuite les conditions de l'accrochage, puis décrivaient le ver
nissage avant de commenter les œuvres, genre après genre, la sculpture venant gé
néralement clore la série. Au fil de ce parcours, des considérations esthétiques, par
fois assorties de digressions sociales ou politiques, situaient la position de
l'auteur.
L'art de la dérision
Les Salons comiques, encore appelés Salons caricaturaux ou Salons pour rire,
sont apparus après que la charge politique et la caricature de mœurs eurent accédé à
la notoriété. Alors que les publications spécialisées se multiplient - la plus cé
lèbre d'entre elles, Le Charivari, fondé en 1832, était un quotidien - le Salon, évé
nement considérable de la vie culturelle et mondaine, ne pouvait demeurer à l'abri
des charges dessinées. Cette occurrence était indispensable à l'éclosion des Salons
comiques, mais elle ne suffit pas à expliquer leur immense succès. Un lien plus
profond unit la peinture et sa représentation bouffonne : toutes deux participent
des railleries et des lamentations qui saluaient régulièrement les expositions artis
tiques depuis les années 1830. Les caricatures de tableaux seront présentes dans la
presse aussi longtemps que les tableaux eux-mêmes feront rire. Lorsque, dans les
années 1960, l'œuvre de Picasso cessa de scandaliser et de divertir, le comique des-
ROMAOTISME n°75 (1992-1) 52 Deny s Riout
siné se détourna de la peinture. Depuis lors, on trouve encore dans la presse
quelques charges contre l'art moderne, mais elles sont devenues trop rares pour
demeurer significatives 2.
Les Salons comiques constituent un genre mixte, composé de vignettes des
sinées et de textes, simples légendes ou discours suivi. Ici, le dessin des tableaux
relève de la charge : il use de tout l'arsenal des caricaturistes et l'applique à la
scène représentée par le peintre ou à la situation qu'elle suggère. Croquis
d'humeur, il utilise en virtuose la maladresse feinte, joue des déformations, ex
ploite les glissements de sens et les associations d'idées, exagère les postures, r
idiculise les mimiques, introduit de savoureuses distorsions. Les vignettes aff
ichent d'emblée un caractère satirique et ludique qui tient davantage au style gra
phique utilisé qu'aux rapports parodiques précis qui pourraient unir le tableau et sa
« reproduction » destinée à faire rire. La revue Zigzags à la plume à travers les
arts offre l'exemple rare d'une confrontation directe entre la reproduction sérieuse
d'une œuvre et sa caricature : Sainte Geneviève, d'après la peinture du Panthéon,
est représentée par un dessin de son auteur, Puvis de Chavannes, et, en regard, elle
est « interprétée » par Brae \ Sous la plume de celui-ci, le couple altier du pre
mier plan devient rustre et pataud. Le mouton qui paissait près de ces personnages
est métamorphosé en âne. La Sainte priant au pied d'un arbre n'est plus qu'une
forme vague. Au loin, les autres moutons, tels des jouets d'enfant, sont montés
sur roulettes, tout comme les bœufs qui tirent une charrue. La noble simplicité du
dessin du Puvis vire au simplisme, la retenue et l'application font place au bâclé,
le sérieux régresse vers l'enfantin. Dans la caricature, si une dégradation générale
affecte les conventions du dessin artistique « haut », une invention stylistique
opposée aux règles du beau métier puise ses sources dans de nouvelles convent
ions, réputées « basses ».
D'autres procédures satiriques sont sans cesse reprises par les auteurs de
Salons comiques. La « 3e suite » du « Salon dépeint et dessiné par Bertall »
(voir pi. 1) en utilise plusieurs : les personnages de Lehmann ne sont que des
pantins articulés, ceux de Chassériau adoptent une pose dont le ridicule est ren
forcé par sa répétition, les cocottes de Marchai sont en papier, la jeune femme
portraiturée par Biard dissimule son visage derrière une ombrelle. Deux vignettes
de cette planche sont plus génériques que spécifiques : le tableau belge, « Nouvel
échantillon de la maison Van-Chandelles et Cie », presque entièrement noir, et
celui de Г« Ecole anglaise », réversible, sont des poncifs largement répandus.
Même quand sa charge, spécifique, vise une œuvre précise, le caricaturiste cherche
un prétexte à faire rire, et le trouve rarement dans les caractéristiques formelles de
l'œuvre qu'il prend pour cible.
Alors que le tableau original de Millet est disposé en longueur, Bertall le
compose en hauteur afin de mieux l'intégrer à la mise en page globale, et il en
profite pour centrer l'attention sur les deux protagonistes. Dans ce dessin, on re
connaît pourtant Le Greffeur, présenté cette année-là à l'Exposition Universelle
par Millet. Les sabots de la femme, la lourdeur des personnages, leur gaucherie
décrivent moins la paysannerie que l'idée qu'on s'en fait. Mais à travers le dessin
grossièrement silhouetté et les zébrures qui remplacent la cour de ferme, c'est la
peinture de Millet en général qui est visée. Lorqu'il s'en prend à la couleur des t
ableaux, réputés plus brunâtres que colorés, le texte conforte cette orientation.
Bertall en profite pour glisser un jeu de mot indépendant de son propre dessin : Les Salons comiques 53
« C'est, nous le croyons, la première fois que l'usage du pain d'épice a été appli
qué à la peinture. Les paysans de M. Millet sont fort goûtés ».
Les Salons comiques, le Salon lui-même, les diverses publications sérieuses
et ironiques qui l'accompagnent, forment un ensemble solidaire. Lui seul permet
le déclenchement du rire ou du sourire qui accompagne les effets de dérision. Le
Salon de 1843 (ne pas confondre avec celui de l'artiste-éditeur Challamel, éditeur
artiste), Appendice au livret, représenté par 37 copies par Bertal [sic] pointe le
système de sujétion caractéristique de ces créations parodiques. Bien entendu,
Bertall ne copie pas les tableaux, mais, contrairement à Challamel qui diffusait
des interprétations gravées révérencieuses des œuvres exposées 4, il les déforme
sciemment. Les numéros affichés sur les caricatures renvoient au livret, publié
sans illustration, autant qu'aux tableaux accrochés. Enfin, les légendes des images
sont comparables aux textes que publient les comptes rendus pour rire du Salon.

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