Lettre de France. L anticléricalisme sous M. Combes (Psychologie et Histoire) - article ; n°40 ; vol.10, pg 333-358
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Lettre de France. L'anticléricalisme sous M. Combes (Psychologie et Histoire) - article ; n°40 ; vol.10, pg 333-358

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Revue néo-scolastique - Année 1903 - Volume 10 - Numéro 40 - Pages 333-358
26 pages

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Publié le 01 janvier 1903
Nombre de lectures 29
Langue Français
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Extrait

Clément Besse
Lettre de France. L'anticléricalisme sous M. Combes
(Psychologie et Histoire)
In: Revue néo-scolastique. 10° année, N°40, 1903. pp. 333-358.
Citer ce document / Cite this document :
Besse Clément. Lettre de France. L'anticléricalisme sous M. Combes (Psychologie et Histoire). In: Revue néo-scolastique. 10°
année, N°40, 1903. pp. 333-358.
doi : 10.3406/phlou.1903.1810
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1903_num_10_40_1810XIV.
LETTRE DE FRANCE.
L'ANTICLÉRICALISME SOUS M. COMBES
(PSYCHOLOGIE ET HISTOIRE.)
Gouverner un grand pays dans le sens do ses passions,
voila le paradoxe que l'on met en action sous nos yeux
depuis trois ans. Et cette tâche est si osée et si folle, que
toute la vie nationale en est troublée. Je défie bien qu'on
puisse, en ce temps-ci, agiter avec succès dans le public
cultivé une question de littérature, ou d'art, ou de philo
sophie. Personne ne s'y intéresserait, ni parmi ceux qui
d'ordinaire prennent le temps de penser, ni parmi les
autres. Les premiers n'ont pas le cœur a inventer des
théories, et, eussent-ils ce besoin, ils s'abstiendraient, en
raison des déboiies récents. Les seconds, qui se rallient
d'instinct à tous les snobismes, sont déroutés et mécont
ents ; car la matière manque aux conversations ; la poli
tique absorbe tout.
Il faut donc prendre les choses comme elles se présentent,
et philosopher sur la politique, puisque les faits nous y
invitent. Au reste, on trouvera peut-être quelque profit a
remuer cette histoire. Il n'est pas téméraire de dire qiu1 la
philosophie vécue est plus instructive, en soi, que ne le
sont les philosophies imaginées, ou reconstituées après
coup. Par exemple, nous admirons M. Gustave Lebon 334 C. BESSË
étudiant la psychologie des meneurs sous la Révolulion ;
et nous aimons M. Espinas parcourant et fouillant en tous
sens le champ du socialisme au xmh( siècle. Mais combien
ces impressions, arrachées a l'étude laborieuse des docu
ments, sont moins vi\es, moins réelles que les nôtres ! Le
régime assez triste et dopouivu do clairvoyance qu'ont
inauguré chez nous MM. Waldeck-Rousseau et Combes,
nous le voyons et le vi\ons, chez nous, de plain-pied. A
tout instant des actes, qui ne laisseront après eux qu'une
trace éphémère, nous en découvrent un relief saillant, une
face imprévue. Los mêmes faits apparaîtront en gros aux
historiens futurs. Nous les saisissons, nous, dans le detail,
et avec cette sensation du présent qui en avive la lumière.
Ce sont la des raisons, ou même, si l'on veut, dos excuses
qui me justifient de ne pas parler, dans cette Lettre, de
sujets de philosophie, que ne sentent pas les bons Français
d'aujourd'hui, et de parler au contraire du seul sujet auquel
s'attachent leur intérêt, leur raison, et plus encore leur
souffrance.
*
* *
Le premier aspect des choses est assez banal. Imaginez
un gouvernement oppresseur, et une nation opprimée. Rien
de plus fréquent dans l'histoire, donc rien de plus simple.
Dans la circonstance il s'agit, il est vrai, d'une oppression
spéciale, on pourrait presque dire spécifique, puisque c'est
l'oppression des idées religieuses par une espèce d'anti-
religion. Mais comme il n'y a pas plusieurs manières
d'opprimer les individus, on fait ici, au nom d'une doctrine
négative, ce que d'autres feraient au nom dynastie
ou d'une coterie politique : on use de tous les moyens créés,
et on en crée de nouveaux pour abattre son adversaire et le
dépouiller. Ainsi se dévide l'écheveau de toutes les vexa
tions, prohibitions et exactions, qui ne sont qu^> les mœurs,
ou, comme le disait déjà Platon, les <- avantages - du fort
armé contre le faible. LETTRE DE FRANCE 335
La loi du 1er juillet 1901 sur les associations mettait
hors du droit commun toute une catégorie de citoyens.
Depuis ce jour, les congrégations religieuses, réputées
dissoutes, devaient renoncer a vivre sous la Republique.
C'était, il faut bien l'avouer, une étrange incoherence que
cette spoliation d'un droit imprescriptible placée sous la
protection de la Déclaration des droits de T homme. M. Wal-
deck-Rousseau avait mis plusieurs années a préparer les
esprits a accepter ce forfait légal, mais sans y réussir. Tout
le monde sentait vaguement que la loi de 1901 renfermait
les germes d'une guerre civile. Le president du Conseil
avait beau faire dos promesses, et déclarer qu'il ne s'agis
sait la que d'une surveillance, d'un contrôle a exercer sur
les congrégations religieuses ; les habiles no s'y fiaient pas»
Et nous avons vu depuis qu'ils avaient raison. La loi de
1901 n'est qu'un édit de proscription brutale, enveloppant
dans un même ostracisme des milliers de Français et de
Françaises, qui ne sont pas le moindre honneur de la
patrie.
Et dans cette proscription le gouvernement s'est peu à
peu trouvé entraîné à violer tous les droits individuels.
Le droit de propriété est en souffrance sur tout le terri
toire. Dans £0.000 communes, des propriétaires d'immeubles
sont menacés de perdre leurs biens pour des motifs divers.
La liberté d'enseignement est niée en fait par la fermeture
de 20.000 écoles ; et elle est niée en droit par M. Combes
lui-même, qui a déclaré deux fois a la tribune que : « La
liberté d'enseignement est une concession du pouvoir, non
un droit naturel «. La liberté de l'assistance ou de la
charité est aussi menacée par la prétention exorbitante de
l'Etat a soulager seul, et sans délégation, toutes les
infortunes.
De plus, les religieux ont perdu tout droit a l'existence,
même comme simples citoyens. Dans beaucoup d'endroits,
les Frères et les Sœurs des écoles chrétiennes, pour ne pas
mourir de faim, ont dû se séculariser. Aussitôt les jacobins 0. BESSË 336
ont vu la une ressource imprévue pour leur ennemi, et ils ont
forge un projet de loi au\ termes de laquelle le sécularise
sera repute de mauvaise loi, et poursuivi comme coupable
de - manquer au\ bonnes m ( puts - en trompant les juges.
C'est dire d'une part que celui-ci doit rester îeligieux
malgré lui, et de l'autre que le gouvernement se reconnaît
le droit de le rebaptiser salesien, oblat, ou petit frère de
Marie, uniquement pour le frapper.
Enfin la tyrannie s'étend plus loin encore ; car ce que
l'on persécute c'est un certain esprit, une certaine entité
morale : la congrégation. Quiconque approche la congré
gation, ou l'aime, ou seulement ne la déteste pas, est donc
suspect. De la aux pires excès de l'espionnage politique, il
n'y a qu'un pas. - Les membres du gouvernement ont com
mencé par user a leur fantaisie des circulaires ; ils ont
accumule les perquisitions ; ils ont installe un régime de
surveillance des consciences et de délation des croyances
qui est devenu une espèce de fureur ; ils ont demandé l'avis
des préfets sur les professeurs et sur les officiers ; ils ont
laissé leurs partisans reclamer sans cesse l'avilissement de
la magistrature a un rôle subalterne, et ils ont accordé une
influence preponleiante aux <• services politiques -> ; ils ont
donne eux-mêmes l'exemple du mépris de la loi on refusant
les juridictions compétentes, quand on les accusait ; leur
facile honneur s'est accommode des brevets de vertu
décernés a bon compte par la majorité parlementaire, et
quand on le-! a mis en présence do scxndales déconcertants,
ils ont été muets et fanfarons - 1).
Certes il serait injurieux de penser que l'on ne sent pas à
l'énumération de tant d'impudences un frisson de colère.
Le sentiment de nos malheurs éveille avant tout dans l'âme
une tristesse immense. Mais pour juger la situation poli
tique de la France comme doit le faire un philosophe,
je persiste a trouver ce tableau très banal. Toutes les
1) Journal des Débats, 18 juin 1903 LETTRE DE FRANCE 337
tyrannies passées ne se sont pas exercées d'une autre
manière que la persécution combiste. Suppression des
droits de vivre et d'être, spoliation des biens, surveil
lance étroite des suspects, delation, haine, vœu non
déguise d'atteindre, au delà des individus, l'âme d

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