Libéralisme et déséquilibre économique italien - article ; n°3 ; vol.19, pg 449-466
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1964 - Volume 19 - Numéro 3 - Pages 449-466
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rosario Villari
Libéralisme et déséquilibre économique italien
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 3, 1964. pp. 449-466.
Citer ce document / Cite this document :
Villari Rosario. Libéralisme et déséquilibre économique italien. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 3,
1964. pp. 449-466.
doi : 10.3406/ahess.1964.421167
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1964_num_19_3_421167HISTOIRE ET TEMPS PRÉSENT
Libéralisme et déséquilibre
économique italien '
1. Du point de vue de l'analyse historique, la singularité dé la ques
tion du Mezzogiorno par rapport aux problèmes des autres « zones sous-
développées » à l'intérieur de pays industrialisés, pourrait être sommai
rement définie en ces termes : la question méridionale a influencé, par
fois de manière décisive, l'évolution politique et économique de l'Italie,
tandis que d'autres phénomènes de dépression n'eurent
(en d'autres pays) qu'une incidence à peine perceptible sur le processus
général du développement. C'est justement en raison de son importance
nationale généralement reconnue (mais sujette cependant aux interpré
tations les plus diverses) que le problème du Midi occupe une aussi grande
place dans les débats politiques italiens et aussi dans le cadre général
de ce que l'on appelle les « zones sous-développées ».
Les violents contrastes de développement économique et social qui se
sont affirmés au cours de cent ans de vie unitaire, entre le Nord et le Sud,
se sont principalement manifestés à propos des grandes lignes directrices
de la politique nationale, au point de mettre en question l'organisation
générale de l'État. Les slogans mêmes que ces contrastes ont engendrés
(le Midi « victime du Nord », ou « boulet de plomb » au pied de l'Italie)
reflètent grossièrement le rapport entre la question du Mezzogiorno et
l'évolution générale de l'Italie.
C'est là un des enseignements les moins discutés de toute la vaste
littérature économique et politique <c méridionaliste ». S'il en est ainsi,
l'étude de la question méridionale, du rapport entre le Nord et le Sud,
s'impose à qui veut porter un jugement d'ensemble sur le développement
de la société italienne postérieurement à l'Unité ; sans qu'il faille pour
autant — cela va sans dire — juger toute l'histoire de l'Italie unifiée par
rapport à la question du Mezzogiorno.
1. Cet article est la partie essentielle d'une conférence faite à l'École Pratique
des Hautes Études (Sorbonně), le 17 janvier 1963.
449
Annales (19« année, mai-juin 1964, n° 3) 3 ANNALES
2. Au cours des trente dernières années du xixe siècle, tandis que
l'Italie posait les bases de son industrialisation, les libéraux ont élaboré
une vision de la question du Mezzogiorno selon laquelle l'unification
effective entre le Nord et le Sud a été rendue impossible par le rôle parti
culier que l'État a assigné au Midi : une fonction subsidiaire et subalterne,
d'abord comme réserve financière et ensuite comme marché additionnel
(on disait marché « colonial ») pour les industries du Nord. Dans les pre
mières années postérieures à l'unification, sous l'impulsion des forces qui
avaient guidé la révolution nationale, l'État a ménagé l'accumulation
de capitaux et d'énergies dans ce complexe de régions qui constituent
actuellement ce que l'on appelle le « triangle industriel ». L'extension du
système fiscal piémontais au royaume entier a déterminé, au dire des
« méridionalistes », un déséquilibre important dans le rapport contributif
entre les différentes régions (Giustino Fortunato calculait, en 1904, que
le Midi aurait été désavantagé d'environ cent millions par an sur ce qu'il
aurait dû payer). Dans ce même temps, la vente des biens ecclésiastiques
expropriés, l'unification de la dette publique, l'émission d'une rente ont
également absorbé les capitaux qui auraient dû servir à la transforma
tion économique de l'Italie méridionale.
Toute la première phase du développement économique italien a été
caractérisée, on le sait, par une très forte pression fiscale sur les cam
pagnes, grâce à quoi l'État acquit les moyens nécessaires à la construc
tion d'un vaste réseau de communications routières et ferroviaires, à la
mise en place ď « infrastructures ». Cette pression massive a créé de
notables difficultés à l'agriculture italienne dans son ensemble, réduisant
les effets bénéfiques de l'élargissement du marché, de l'accroissement
du crédit, du développement de l'instruction, de là modernisation de la
législation relative au commerce et à la propriété foncière — tous ces
facteurs propulsifs dont la conquête de l'unité avait entraîné la création.
Mais en Italie méridionale où la structure économique était arriérée par
rapport au Nord, et où manquaient les conditions nécessaires à la créa
tion de l'industrie, les conséquences furent plus graves qu'ailleurs. Venant
s'ajouter aux effets déprimants de l'inégalité fiscale et du « drainage »
opéré à travers la vente des biens ecclésiastiques et domaniaux, à l'uni
fication de la dette des anciens États italiens et à la collocation de la rente
publique, la pression fiscale a empêché le Midi de profiter de la conjonc
ture économique, qui, entre 1860 et 1880, se trouvait particulièrement
favorable à l'agriculture. En sorte que les régions méridionales ont perdu
la grande « occasion historique », fournie par l'unification politique et
par la conjoncture économique, de s'insérer dans le développement
capitaliste italien et de prendre place dans la ligne de de
l'Europe contemporaine.
Par la suite, l'adoption d'un système douanier rigidement protec
tionniste a aggravé et, en un certain sens, rendu définitif, le déséquilibre
450 DÉSÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE ITALIEN
entre le Nord et le Sud. L'industrie septentrionale a trouvé un marché
exclusif dans le Midi agricole, que les nouvelles conditions créées par le
protectionnisme (au moment même de la dépression qui atteignit, après
1880, toute l'agriculture européenne) jetaient dans une crise terrible et
condamnaient à l'immobilité. Un des moments spectaculaires de cette
crise fut l'arrêt de l'exportation des vins italiens en France, entraînant
(dans les Pouilles surtout) la ruine des nombreux petits cultivateurs qui
avaient transformé en vignobles de vastes zones de leur région au prix
d'un labeur acharné. Le marché international se ferma, pour un certain
temps, aux produits de l'agriculture méridionale et le Midi, contraint
d'acheter à des prix élevés les produits de l'industrie, et à vendre à bas
prix ses produits agricoles, vit le cycle historique de la création de la
grande industrie en Italie se conclure à son désavantage.
Ce schéma général d'un Midi exploité comme réserve financière et
comme marché de type « colonial » au profit du Nord — en gros de la
campagne exploitée au profit de la ville — est entré profondément dans
la vision politique italienne des cinquante premières années qui suivirent
l'Unité. Cette analyse a servi de tremplin à l'opposition politique des
conservateurs libéraux (tels Giustino Fortunato et Stefano Jacini) ; elle
occupe aussi une place de tout premier plan dans la bataille menée par
les méridionalistes radicaux, comme Antonio de Viti de Marco et Gaetano
Salvenini, dont l'objectif essentiel était une profonde transformation de
l'État dans un sens démocratique.
La conviction créée et diffusée par le méridionalisme « classique » est
donc que l'Italie méridionale a, par un sacrifice involontaire, apporté une
contribution directe et fondamentale au progrès économique et civil des
régions

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