Lyrisme et métaphore chez Léon Bloy - article ; n°6 ; vol.3, pg 87-98
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Lyrisme et métaphore chez Léon Bloy - article ; n°6 ; vol.3, pg 87-98

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Description

Romantisme - Année 1973 - Volume 3 - Numéro 6 - Pages 87-98
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Bernard Sarrazin
Lyrisme et métaphore chez Léon Bloy
In: Romantisme, 1973, n°6. pp. 87-98.
Citer ce document / Cite this document :
Sarrazin Bernard. Lyrisme et métaphore chez Léon Bloy. In: Romantisme, 1973, n°6. pp. 87-98.
doi : 10.3406/roman.1973.4956
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1973_num_3_6_4956BERNARD SARRAZIN
Lyrisme et métaphore
ou Les avatars du cri prophétique de Léon Bloy
comme l'âme. II faudrait de la pouvoir musique écrire les Mon des clameurs cris, journal. noter de
Il faut inventer des catachrèses qui emp
alent, des métonymies qui grillent les
pieds, des synecdoques qui arrachent les
ongles, des ironies qui déchirent les sinuos
ités du râble, des litotes qui écorchent vif,
des périphrases qui émasculent et des hyper
boles de plomb fondu.
Propos d'un entrepreneur
de démolitions.
L'Esprit Saint ne fait pas de littérature
et l'effarante imbécillité des cuistres est de
supposer des métaphores dans le Texte
Saint.
Lettre à Henri Carton de Wiart.
Quand le message sacré passe par le cri prophétique, Dieu qu'il le veuille ou
non, devient poète lyrique et fait des métaphores par la bouche de son prophète.
Lyrisme en partie double : Léon Bloy, prophète laïc des années 1900, pratique
un discours symbolique à double isotopie dans lequel interfèrent deux discours en
écho, celui de Dieu et celui du Bourgeois. Lyrisme en tous les sens : émotion qui
s'exprime dans l'imprécation, la provocation ou le tremblement sacré ; ou parole
créatrice qui s'affirme. Lyrisme qui, croisant les fonctions poétique, émotive ou
conative, passe par-dessus les frontières des genres, puisque, avec L. Bloy, le
lyrisme se fait pamphlétaire et religieux, sur un ton qui rappelle le prophétisme de
Lamennais, et prend indifféremment forme d'exégèse biblique, de pamphlet anti-
Bourgeois, ou de fictions romanesques, avec ou sans < je > ou « toi », discours
ou récit.
Choisissant l'étude de la métaphore de l'argent chez L. Bloy, l'argent, métaphore
de Dieu, et négligeant par méthode l'épaisseur socio-historique de ce métal pour
L. Bloy, « mendiant ingrat > et sempiternel « tapeur » ou pourfendeur de ses
créanciers, on a voulu montrer ici que l'étude de son lyrisme prophétique passait
d'abord par l'analyse du mécanisme métaphorique et donc par la rhétorique
générale S pour aboutir d'ailleurs à des rhétoriques particulières : en l'occurrence,
une rhétorique d'époque — celle-là même d'un Villiers de l'Isle-Adam en laquelle
deux éthos, tragique et humour, produisent l'humour noir comme catérogie rel
igieuse — , et une rhétorique de l'indicible qui est celle de l'exégèse symbolique
des Pères de l'Eglise.
1. J. Dubois, F. Edeline, J.-M. Klinkenberg, F. Minguet, F. Pire, H. Trinon, Rhétorique
générale, Larousse, 1970. Bernard Sarrazin 88
Après avoir démonté la métaphore, on pourra voir comment celle-ci génère des
récits qui, eux, pourraient être traités, pour leur dimension prophétique, comme
les sémioticiens traitent aujourd'hui le récit biblique.
« Le sang du Pauvre, c'est l'argent a. »
« L'exégèse biblique a relaté cette particularité notable que dans les Saints
Livres, le mot argent est synonyme et figuratif de la vivante Parole de Dieu 3. >
La première image, presque prosaïque, semble avoir été dictée par la sagesse
des nations, la seconde est le propos d'un scribe passablement cuistre dont on ne
voit pas, à première vue, la justification. Et la conclusion logique de leur mise en
équation défie le bon sens : le sang du Pauvre est Parole de Dieu. Ceci dit pour
montrer d'emblée l'enjeu de ces jeux de mots. Il en va du nom même de celui
qui n'a pas de nom, l'Innommable. Voilà donc un biais inattendu pour parler
théologie : l'argent, pris comme objet verbal, la métaphore de l'argent, le travail
métaphorique « produit » du surnaturel.
Un dieu possible naît du choc des mots ; le signe se transforme en possible
symbole. Une sorte d'explosion sémantique met le lecteur au seuil du mystère
théologique. Ainsi cette étude sur le jeu métaphorique en ébauche-t-elle une autre
sur le discours prophétique. La prophétie dit une absence et, par le mot, suscite
une présence, nomme, « appelle ■» Dieu. Ainsi se trouveraient réunis en un même
écrivain, Léon Bloy, « prophète » — vrai et/ou faux ? », — « l'exégète des lieux
communs » 4 (analyste pamphlétaire des mythologies verbales du Bourgeois après
Flaubert et avant Barthes) ; l'auteur de contes noirs 5 prenant pour tremplin la
métaphore, fiction verbale (du « Pâtre promontoire > de Hugo au sang-argent, ou
argent-Dieu de Bloy) ; enfin l'exégète mystique 6 qui, comme un kabbaliste, croit
à la vie mystérieuse et substantielle des mots.
I. Vol ou viol d'une métaphore :
DE L'EXÉGÈSE DES LIEUX COMMUNS A L'EXEGESE BIBLIQUE
La métaphore monétaire, dans la langue du bourgeois du xix* siècle — et dans
la nôtre — est innombrable : « manger de l'argent, faire travailler l'argent, rentrer
dans son argent, l'argent n'a pas d'odeur, jeter l'argent par les fenêtres, le temps
c'est de l'argent... >, autant de chapitres de YExêgèse des lieux communs.
L'opération d'exégèse est complexe. Elle prend l'apparence tout à la fois d'une
herméneutique qui déchiffre une langue symbolique, ésotérique, et d'un décodage
qui dénude un mécanisme rhétorique. Et sous prétexte de décoder et déchiffrer,
Bloy chiffre et surcode. Il vole la métaphore au langage profane et la transporte
dans ce qu'on appellera la langue de Dieu. D'où se terme d'exégèse. Encore faut-il
ajouter, en utilisant la terminologie de Jacques Dubois, que le jeu rhétorique ne se
réduit pas à la métaphore mais se complique de plusieurs métalogismes : hyperbole,
antithèse, antiphrase, ironie. Exemple : « manger de l'argent > : « Qui donc a
remarqué l'énormité symbolique de cette locution familière ? L'argent ne représente-
t-il pas la vie des pauvres qui meurent de ne pas en avoir ? La parole humaine est
plus profonde qu'on l'imagine. Ce mot est étrangement suggestif de l'idée anthro-
pophagique, et il n'est pas tout à fait impossible, en suivant cette contingente idée,
2. L. Bloy, Le Sang du pauvre, 1909, Œuvres complètes, présentées et annotées par
J. Petit, tome IX, Mercure de France, p. 87.
3. L. Bloy, Christophe Colomb devant les taureaux, 1890, Œuv. compl., tome I, Mercure
de France, p. 305.
4. Bloy, L'Exégèse des lieux communs, 1902-1913, Œuv. compl., t. VIII, Mercure de
France.
5. Bloy, Sueur de sang, 1893 ; Histoires désobligeantes, 1894, t. VI.
6.Le Salut par les Juifs, 1892 ; Le Sang du pauvre, 1909, t. IX. Lyrisme et métaphore 89
de se représenter un lieu de plaisir comme un étal de boucherie ou un simple
restaurant bouillon où se débiteraient par portions la chair succulente des gueux.
Les gourmets, par exemple, choisiraient les abats, tandis que des viveurs délabrés
d'une noce récente se contenteraient d'un modeste consommé de leurs frères
déshérités. On s'est étonné du tangible corps que prend un tel rêve, quand on
interroge ce propos banal 7. »
Ainsi la métaphore réalisée et « filée > est-elle le premier maillon d'une nouvelle
chaîne de significations. On repart à zéro, on reconstruit un monde absurde — qui
ne tient que par la vertu du langage. C'est la « Modeste proposition » de Swift
suggérant de mettre à l'étal tous les bébés irlandais pour résoudre la crise irlandaise.
La force corrosive des deux textes a la même origine : une fois lancé, le mécanisme
verbal ne pourra plus s'arrêter. La machine écrase tout sur son passage. Et plus
elle prend de poids, plus la réalité se vide de sa substance. Selon le sens commun,
une synecdoque particularisante qui n'est même plus sensible, parce que passée
dans le lexique (le métal pour ce qu'il représente, un pécule, un capital) et une
métapho

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