Malaise dans le patrimoine - article ; n°155 ; vol.39, pg 487-510
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Description

Cahiers d'études africaines - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 155 - Pages 487-510
Résumé Symptôme d'une post-modernité en quête d'un ancrage ancestral regénérateur de valeurs perdues, le patrimoine est une notion consensuelle, tentaculaire, s'étendant dans tous les domaines et dans tous les sens. Pour prendre la mesure de cette extension, il n'est besoin que de feuilleter la presse parisienne sur une période limitée (fin 1996-début 1997) : le patrimoine est impliqué, directement ou indirectement, dans nombre de débats, d'« affaires », petites ou grandes ; légitimant l'idée d'un monde peuplé d'authenticités menacées, il est source de paradoxes, d'ambiguïtés et de malentendus. Importé en Afrique comme le volet culturel de la politique africaine de la France, repris par les intellectuels et les politiques soucieux de construire ou de réconcilier la nation, il se voit détourné de sa vocation culturelle et même retourné contre son idéal unitaire : il propose plusieurs versions de la réalité, indéfiniment réenracinée. Dès lors, la patrimonialisation d'un pouvoir supposé ethniciste n'est plus seulement économique mais aussi bien artistique, mémorielle, religieuse, tribale, voire génétique. Le cas du Congo, évoqué ici en filigrane, est exemplaire de ce malaise.
Abstract ~~Discomfort in the Patrimonial Estate. ~~— As a symptom of postmodernity looking for ancestral roots so as to revive lost values, there is the consensus in France about the patrimony, a notion with a range of meanings reaching out into all directions. To gauge this term's extension, one need but scan the Parisan press from late 1996 to early 1997. Directly or indirectly, patrimony has a bearing on many debates and affairs, little as well as big ones. By legitimating the idea of a world full of threatened authentifies, it is a wellspring of paradoxes, ambiguities and misunderstandings. Imported into Africa as part of France's cultural policy, adopted by intellectuals and politicians interested in building or pacifying their nations, it has lost its cultural function and has even turned against its unitary ideal, since it proposes several versions of a reality with ever shifting roots. The patrimonialization of a supposedly ethnicist power is no longer just economic ; it is also commemorative, artistic, religious, tribal or even genetic. The case of the Congo exemplifies this uncomfortable notion.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Nicolas Martin-Granel
Malaise dans le patrimoine
In: Cahiers d'études africaines. Vol. 39 N°155-156. 1999. pp. 487-510.
Citer ce document / Cite this document :
Martin-Granel Nicolas. Malaise dans le patrimoine. In: Cahiers d'études africaines. Vol. 39 N°155-156. 1999. pp. 487-510.
doi : 10.3406/cea.1999.1762
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1999_num_39_155_1762Résumé
Résumé
Symptôme d'une post-modernité en quête d'un ancrage ancestral regénérateur de valeurs perdues, le
patrimoine est une notion consensuelle, tentaculaire, s'étendant dans tous les domaines et dans tous
les sens. Pour prendre la mesure de cette extension, il n'est besoin que de feuilleter la presse
parisienne sur une période limitée (fin 1996-début 1997) : le patrimoine est impliqué, directement ou
indirectement, dans nombre de débats, d'« affaires », petites ou grandes ; légitimant l'idée d'un monde
peuplé d'authenticités menacées, il est source de paradoxes, d'ambiguïtés et de malentendus. Importé
en Afrique comme le volet culturel de la politique africaine de la France, repris par les intellectuels et les
politiques soucieux de construire ou de réconcilier la nation, il se voit détourné de sa vocation culturelle
et même retourné contre son idéal unitaire : il propose plusieurs versions de la réalité, indéfiniment
réenracinée. Dès lors, la patrimonialisation d'un pouvoir supposé ethniciste n'est plus seulement
économique mais aussi bien artistique, mémorielle, religieuse, tribale, voire génétique. Le cas du
Congo, évoqué ici en filigrane, est exemplaire de ce malaise.
Abstract
Discomfort in the Patrimonial Estate. — As a symptom of postmodernity looking for ancestral roots so
as to revive lost values, there is the consensus in France about the "patrimony", a notion with a range of
meanings reaching out into all directions. To gauge this term's extension, one need but scan the
Parisan press from late 1996 to early 1997. Directly or indirectly, "patrimony" has a bearing on many
debates and affairs, little as well as big ones. By legitimating the idea of a world full of threatened
"authentifies", it is a wellspring of paradoxes, ambiguities and misunderstandings. Imported into Africa
as part of France's cultural policy, adopted by intellectuals and politicians interested in building or
pacifying their nations, it has lost its cultural function and has even turned against its unitary ideal, since
it proposes several versions of a reality with ever shifting roots. The "patrimonialization" of a supposedly
"ethnicist" power is no longer just economic ; it is also commemorative, artistic, religious, tribal or even
genetic. The case of the Congo exemplifies this uncomfortable notion.GENERALES PROBLEMATIQUES
Nicolas Mart n-Granel
Malaise dans le patrimoine
Post-scriptum
Ce texte constitue la version écrite une conférence faite au centre culturel
fran ais de Brazzaville le avril 1997 soit deux mois jour pour jour
avant que ne se déclenche une guerre civile qui allait détruire entre autres
biens matériels et vies humaines le lieu de mémoire que constituait
ancienne capitale de la France libre La coïncidence est sans aucun doute
fortuite il est néanmoins difficile de pas voir après coup non pas
quelque signe prémonitoire du sort ou de sa fameuse ironie mais le
symptôme monitoire que le patrimoine présenté alors comme le symbole
une unité et une fierté nationale encore en quête un musée où
exposer était pas abri des arrière-pensées des préjugés des enjeux
de la politique celle du Congo comme celle de la France ailleurs Quoi
il en soit de ses aboutissants plus ou moins voilés plus ou moins
lointains il convient de situer ici le contexte immédiat de renonciation
de cette conférence ne serait-ce que pour lui restituer le sens pragmatique
elle était censée produire la réception auprès de son public direct
et indirect
Elle faisait partie un cycle exposés dont la Mission fran aise de
coopération et Action culturelle avait passé commande auprès uni
versitaires artistes et de personnalités culturelles Ils avaient pour fonc
tion explicite accompagner exposition que la Mission2 avait réalisée
et livrée en quelque sorte clés en main partir de ressources locales
pièces choisies dans des collections particulières de Congolais et de
En voici un échantillonnage significatif Que invisible existe pas croyances
et connaissances dans les mondes congolais Joseph Tonda Sanza et tra
dition musicale congolaise dans le jazz moderne Patrice Yengo Art tra
ditionnel art contemporain pour un devenir Trigo Piula Arts et formes
expression en Afrique centrale et méridionale Dominique Ngoïe-Ngala
La conscience africaine et la question de esthétique Théophile Obenga
Arts premiers de la vallée du Niari Jean-Claude Bayakissa école de
peinture de Poto-Poto Jean-Baptiste Tati-Loutard)
Assistée du projet Patrimoine alors que la réalisation avait été confiée un
groupe privé de communication celui-là même qui devait assurer peu après la
promotion de image du chef de tat lors de sa campagne pour les élections
présidentielles
Cahiers tudes africaines 155-156 XXXIX-3-4 1999 pp 487-510 488 NICOLAS MART N-GRANEL
Fran ais ainsi que dans les musées régionaux Intitulée Les arts des
Congo cette exposition se voulait exemplaire comme le soulignent les
dernières lignes de introduction du catalogue est pourquoi le minis
tère de la Coopération Union européenne mais aussi de nombreux
mécènes et amateurs privés ont considéré il était actualité de pré
senter travers une modeste exposition ce qui devrait être fait en matière
appropriation du patrimoine culturel dans cette région En donnant
voir au public congolais ses richesses patrimoniales qui pour la première
fois paraissaient sortir de leurs réserves exposition avait ambition
de susciter une prise de conscience publique de la nécessité de les exhiber
de fa on permanente dans un musée digne de ce nom il fallait donc
réhabiliter Signal une reprise en charge du culturel par les plus hautes
autorités franco-congolaises elle ainsi revêtu une importance politique
considérable remarquer du moins les faits suivants catalogue signé du
chef de Mission allocution ouverture pour la partie fran aise prononcée
par ambassadeur de France inauguration présidée par le chef de tat
en personne signes incontestables et hautement symboliques que cette
mobilisation officielle autour du patrimoine était destinée le faire entrer
dans le champ politique Censé sceller la réconciliation nationale autour
du symbole apparemment le plus neutre et le plus pacifique de identité
culturelle il était tout de même pas sûr que le patrimoine fût lui-même
au-dessus de tout soup on
De fait quelques semaines plus tard éclatait la seconde guerre civile
précisément propos une ténébreuse affaire de tipoye Martin-Granel
1998 Les candidats la prochaine élection présidentielle prévue en
juillet avaient trouvé bon de battre campagne dans les régions en se
faisant transporter dans cette chaise porteur un curieux véhicule post
colonial sans doute de nature rappeler une bien fâcheuse mémoire
Sic Ce titre la formulation curieuse traduisait en fait embarras des concep
teurs partagés entre un double impératif affirmer une pluralité multi-culturelle
et sans frontières toutes les ethnies devaient être représentées sur le
modèle de la fameuse bio-diversité tout en maintenant exigence politique du
singulier national Sans doute aussi dans le contexte ethno-politique de époque
agissait-il de rééquilibrer grâce hétérographie de la fâcheuse homophonie
du nom une ethnie et de la nation distinguées par une seule lettre Kongo
Congo) le dosage interethnique en faveur des petites ethnies notamment
des Bembe très présents dans entourage du chef de Etat dont image iden
titaire était supposée souffrir de hégémonie culturelle kongo enracinée dans
ancien royaume du même nom en se réclamant de cette prestigieuse étiquette
les Kongo-Laris de la capitale et du Pool allaient répétant ils formaient la
locomotive du Congo où cette faute orthographe fran aise qui dénie
accord entre le pluriel de article et le singulier du nom désaccord ou
discordance qui ailleurs pas manqué intriguer le public et alimenter
la rumeur publique évidence le malaise était pas seulement dans air de
ce

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