Mammouths et Patagons : de l espèce à la race dans l Amérique de Buffon - article ; n°119 ; vol.31, pg 7-21
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Mammouths et Patagons : de l'espèce à la race dans l'Amérique de Buffon - article ; n°119 ; vol.31, pg 7-21

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Description

L'Homme - Année 1991 - Volume 31 - Numéro 119 - Pages 7-21
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacqueline Duvernay-Bolens
Mammouths et Patagons : de l'espèce à la race dans l'Amérique
de Buffon
In: L'Homme, 1991, tome 31 n°119. pp. 7-21.
Citer ce document / Cite this document :
Duvernay-Bolens Jacqueline. Mammouths et Patagons : de l'espèce à la race dans l'Amérique de Buffon. In: L'Homme, 1991,
tome 31 n°119. pp. 7-21.
doi : 10.3406/hom.1991.369400
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1991_num_31_119_369400Jacqueline Duvernay-Bolens
Mammouths et Patagons : de l'espèce à la race
dans l'Amérique de Buffon
l'Amérique que également de de définition taille distincte différences voie Jacqueline la l'homme les taille à au-dessus l'idée grandes de de sur qui Duvernay-Bolens, morphologiques l'éléphant de ordinaire l'espèce. de la a Buffon. de permis espèces, race. notion la ordinaire. moyenne, Il ? d'établir de Devenant abandonne — où variété où Sous se la Mammouths trouve Cette définitivement ne taille l'influence humaine synonyme représentent-ils le découverte critère joue rangé un : et spécifique les de de l'homme, rôle l'existence Patagons remet sous-espèce, géants la pas déterminant. paléontologie, en une Patagons, ne d' du question : interfécondité changent variété de mammouth l'idée l'espèce C'est l'idée compte d'hommes Buffon de pas. en variété à chère comme pour effet la tenu Elle modifie race à le celui distincte ouvre retentit Buffon de variété critère dans leur des sa la
The truth is that a pigmy and a Patagonian, a
mouse and a mammoth, derive their dimensions
from the same nutritive juices ; the difference of
increment depends on circumstances unsearchable
to beings without capacities [. . .] but all the manna
of heaven would never raise the mouse to the bulk
of the mammoth.
T. Jefferson, Notes on Virginia, 1784.
D'une discussion qui a occupé les esprits pendant trois siècles, il peut ne
rien rester. Tel est le cas du problème Patagón. Ignoré par le consensus scienti
fique actuel, ce peuple de géants est retombé dans l'ombre. Quittant le devant
de la scène, il est désormais retourné au magasin des accessoires où la science
rejoint le rêve : tout sert, tout peut servir, mais pas n'importe comment.
Cet article a pour objet de mettre en évidence les raisons qui ont conduit
les auteurs du XVIIIe siècle à conférer aux légendaires géants Patagons le sta
tut d'objets scientifique. Depuis leur découverte par Magellan, l'Europe n'avait
cessé de parler d'eux. Le récit fabuleux qu'en avait donné Pigafetta suscita
une réflexion qui a contribué à changer les habitudes de pensée relatives à
l'homme. Dans ce XVIIIe siècle où on constate « l'irruption [. . .] de la science dans
le domaine où l'homme parle et transmet des signes » (Müller-Hill 1989 : 114),
L'Homme 119, juillet-septembre 1991, XXXI (3), pp. 7-21. D U V E R N A Y - B O L E N S JACQUELINE
ils occupent en effet une place importante dans le débat des naturalistes sur
les notions d'espèce et de variété. L'esprit encyclopédique de Buffon l'incline
à reporter sur l'homme les conclusions auxquelles il aboutit pour le règne animal.
Dans son Histoire naturelle générale et particulière, dont la parution couvre
près d'un demi-siècle, les différentes considérations à propos des géants Patagons
suivent l'évolution générale de sa pensée et en soulignent les tournants significatifs.
Entre les premiers et les derniers volumes, Buffon change maintes fois d'avis
à leur sujet. En 1749, il prend ses distances à l'égard d'une croyance toujours
largement répandue à cette époque : « On peut encore douter — écrit-il — qu'il
existe une race d'hommes toute composée de géants, surtout quand on leur
supposera dix pieds de hauteur, car le volume d'un tel homme serait huit fois
plus considérable que celui d'un homme ordinaire » (Buffon 1749, III : 509).
En admettant que la hauteur ordinaire des hommes est de cinq pieds, Buffon
fixe la limite des variations possibles à un pied en plus et en moins : « Les
géants et les nains qui sont au-dessus et au-dessous de ces termes de grandeur,
doivent être regardés comme des variétés individuelles et accidentelles et non
comme des différences permanentes qui produiraient des races constantes »
(ibid.). Trente ans plus tard, son opinion a complètement changé. En dépit
de leur nombre restreint et de leur isolement aux confins de l'Amérique méri
dionale, il est contraint d'admettre l'existence « d'une race d'hommes plus haute
et plus puissante qu'aucun autre peuple dans l'univers » (1777, Suppl. IV : 525).
Entre ces jugements contradictoires, Buffon hésite encore à deux reprises.
En 1753, les Patagons figurent dans la liste des variétés humaines les plus remar
quables : « Les hommes diffèrent du blanc au noir par la couleur, du double
au simple par la hauteur de la taille, la grosseur, la légèreté, la force [...]. Mais
ces différences de couleur et de dimension dans la taille n'empêchent pas que
le Nègre et le Blanc, le Lapon et le Patagón, le géant et le nain, ne produisent
ensemble » (1753, IV : 387). En revanche, en 1766 la mention de ce peuple
de colosses a disparu de la liste : « II y aurait lieu de croire que le Nègre, le
Lapon et le Blanc, forment des espèces différentes si, d'un côté, l'on était assuré
qu'il n'y a eu qu'un seul homme de créé » (1766, XIV : 311).
Les hésitations d'un savant ne sont pas l'aspect le moins instructif de son
œuvre. C'est là que résident généralement les points sensibles par où les idées
neuves se frayent un chemin. Le tracé en dents de scie de la réflexion de Buffon
sur les Patagons doit être mis sur le compte de la tension qui naît de l'affront
ement entre des conceptions radicalement opposées de l'idée d'espèce dans le
règne animal1.
Buffon i : les espèces ne changent pas
Dans les premiers volumes de son Histoire naturelle, Buffon définissait
l'espèce comme une entité inaltérable et distincte, et s'appuyait sur le critère
d' inter fécondité : « On doit regarder comme la même espèce celle qui au moyen
de la copulation se perpétue et conserve la similitude de cette espèce » Mammouths et Patagons
(1749, III : 10-11). Par voie de conséquence on doit regarder « comme des espèces
différentes celles qui, par les mêmes moyens, ne peuvent rien produire ensemble »
(ibid.). En 1753, dans le chapitre qu'il consacre à l'âne, il reste fidèle à cette
définition et insiste sur son caractère généalogique : « Ce n'est ni le nombre
ni la collection des individus semblables qui fait l'espèce, c'est la succession
constante et le renouvellement non interrompu de ces individus qui la consti
tuent » (1753, IV : 384). En revanche, l'apparence extérieure n'est pas prise
en considération : « La comparaison du nombre et de la ressemblance des indi
vidus n'est qu'une idée accessoire » {ibid. : 385). Conformément à ces vues
la ressemblance qui peut exister entre l'âne et le cheval ne permet pas de les
considérer comme deux variétés, l'une « pure », l'autre « dégénérée », de la
même espèce. Il s'agit au contraire d'espèces différentes puisque leurs ressortis
sants respectifs sont stériles entre eux, ou du moins produisent des êtres inféconds
comme le mulet.
Les idées qu'il exprime sur les variétés humaines à cette époque obéissent
aux mêmes principes. En 1749 il établit sans équivoque possible le caractère
accidentel et donc réversible des différences d'aspect extérieur qui distinguent
les hommes entre eux. Buffon part de l'exemple des effets produits par le cl
imat et la nourriture sur la forme des animaux pour conclure « par analogie »
que l'homme est également soumis à leur influence bien que ces manifestations
soient alors moins rapides et moins apparentes (ibid. : 529). Elles disparaîtront
dès le moment où cesseront de se faire sentir les facteurs externes qui en sont
à l'origine. En 1753 le critère d'interfécondité est appliqué aux h

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