Necker et la Compagnie des Indes - article ; n°5 ; vol.15, pg 852-881
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1960 - Volume 15 - Numéro 5 - Pages 852-881
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Herbert Luthy
Necker et la Compagnie des Indes
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 5, 1960. pp. 852-881.
Citer ce document / Cite this document :
Luthy Herbert. Necker et la Compagnie des Indes. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 5, 1960. pp.
852-881.
doi : 10.3406/ahess.1960.420657
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1960_num_15_5_420657Necker
et la Compagnie des Indes
Nous ne manquons plus de bonnes biographies de Necker, ni d'études
solides sur son œuvre d'écrivain économiste et sa gestion des finances
de la France г. Biographies et études concernent l'étonnante carrière de
l'homme d'Etat ou la « doctrine » reflétée dans ses écrits abondants et
redondants ; et quoique l'homme d'Etat aussi bien que sa « doctrine »,
décevants, rassemblent un bruit énorme autour de très peu de substance,
l'arrivée de Necker au pouvoir bien plus que son exercice de ce pouvoir
n'en reste pas moins le symbole d'un tournant définitif dans l'histoire
de l'Ancien Régime, et déjà presque de son abdication : c'est pour la
première fois un homme sans origine, sans titre, sans attaches, sans
office, sans carrière de commis du roi, qui ne tient ni à la noblesse, ni à la
bureaucratie judiciaire ou administrative, ni à la « finance » d'office,
étranger et hérétique par surcroît, qui n'a même pas eu le geste, comme
jadis Law, d'abjurer et de se faire naturaliser, et qui n'aurait pas été
admis à acquérir la moindre charge, donc un homme entièrement et
radicalement étranger à la société monarchique constituée, qui arrive à
s'imposer à la royauté pourtant absolue et à prendre la direction et fina-
1. C. Vacher de Lapouge, Necker économiste, Paris 1914 (étude précise et
détaillée des écrits et de la doctrine de publicisté ; la pensée de Necker, dépouillée
de l'immense fatras rhétorique qui l'enveloppe, y apparaît néanmoins avec une précision
qu'elle n'a pas dans les textes originaux). — Abbé E. Lavaqueky, Necker, fourrier de
la Révolution, Paris 1933 (l'étude biographique la mieux documentée, malgré un parti
pris d'hostilité et de nombreuses erreurs de détail). — E. Chapuisat, Necker, Paris
1938 (biographie apologétique, précieuse surtout par la connaissance du contexte
genevois, écrite en réponse à celle de Lavaquery). — P. Jolly, Necker, Paris 1947
(ouvrage académique de seconde main, sans valeur pour le côté bancaire et financier,
mais bonne synthèse des jugements psychologiques et politiques sur Necker). Pour
les ouvrages antérieurs de faible valeur d'information, et pour les œuvres de Necker
lui-même, se reporter aux bibliographies de Vacher de Lapouge et de Jolly ; à ajouter,
la très officieuse Familiengeschichte des Herrn von Necker, s.l. 1789. — Collection
complète de tous les ouvrages pour et contre M. Necker... en ordre chronologique, avec
des notes critiques, politiques et secrètes, 3 vol. Utrecht 1781. Sur la gestion finan
cière, voir les études générales de Сн. Gomel, de R. Stourm et de M. Marion.
852 NECKER
lement le titre du Contrôle général des finances du royaume, par la force
d'une « claque » organisée qui sait « faire l'opinion » et par la faculté
d'écouler dans une clientèle internationale de capitalistes les emprunts
d'un trésor royal obéré, que ni l'impôt ni la finance traditionnels n'arrivent
plus à alimenter.
L'organisation de cette « claque » assourdissante d'une part, le régime
d'emprunts à jet continu du ministère de Necker d'autre part, ont été
analysés de près ; ce qui a manqué à tous ses biographes, c'est la connais
sance de la banque et du banquier. A la différence de la chronique litté
raire et mondaine, sur laquelle les correspondances conservées sont
intarissables, et de la gestion officielle des finances royales abondamment
documentée (en sa partie officielle du moins) par les archives administrat
ives et par la longue polémique entre Necker et Calonne, les documents
sur les affaires bancaires de Necker et sur l'origine de sa fortune sont à la
fois rares, d'accès difficile, et avares de « révélations ». La discrétion dont
Necker lui-même d'abord, l'hagiographie familiale ensuite, ont entouré sa
carrière de banquier, apparemment faite de désintéressement et de phi
lanthropie, a réduit ses biographes soit à accepter la légende officielle,
soit (par un choc en retour bien naturel) à aller chercher dans « la poubelle
des folliculaires » quelques informations évidemment contestables sur
sa fortune. Aucun acte de société ni de liquidation, aucun bilan, aucune
pièce de comptabilité de ses sociétés de banque, ni de celles qui les ont
précédées ou suivies — toutes contractées sous seing privé — , ne
semblent avoir été conservés ; les archives notariales, sauf accident quasi
miraculeux, ne conservent que des actes de routine sans intérêt ; les
archives de Coppet ne gardent ou ne montrent, sur les débuts de Necker,
que des correspondances mondaines et des souvenirs pieux. Enfin, dès
qu'il eut assumé en 1768 sa première fonction officielle, encore bien
modeste, de ministre de la République de Genève à Paris, le banquier
Necker choisit de disparaître derrière un écran de fumée et d'effacer
toute trace de ses liens avec sa maison de banque.
Ceci dit, la fortune privée de Necker comporte moins de mystères
qu'il n'en a parfois été cherché. Les deux banquiers genevois les plus
illustres et les plus remuants de l'Ancien Régime, qui ont été également
tous deux ministres de la République de Genève auprès de la Cour de
Versailles, Isaac Thellusson en 1728-1744 et Jacques Necker à partir de
1768, ont bien des traits communs, et surtout celui-ci : l'un et l'autre,
entrés jeunes et pauvres, par faveur familiale, en qualité de commis dans
des maisons de banque genevoises bien établies à Paris, ont eu la chance
de se trouver auprès de patrons âgés restés sans héritiers naturels, et ils
ont eu les qualités requises • — dont toutes ne sont pas humainement
attrayantes — pour s'y pousser patiemment en avant et pour prendre
la place de fils adoptifs et de successeurs désignés de leurs chefs. C'est
dans chaque cas, sur le plan personnel, une histoire particulière, selon
853 ANNALES
les constellations familiales et les caractères des dramatis personae, mais
c'est en même temps un cas-type de l'histoire bancaire où se retrouve
toujours la fameuse « épingle de Laffitte ». Or, le cas du commis modèle
devenu associé, puis successeur du patron, à force d'assiduité et d'ins
inuation, n'est pas exactement celui du self-made man parti de rien pour
construire sa fortune de ses propres mains ; c'est sur ce point que les
biographes de Necker se sont égarés, en croyant pouvoir décrire ou même
expliquer sa carrière individuelle sans connaître la maison de banque qui
lui servit de tremplin. Le problème tant discuté de la fortune de Necker
est en grande partie un faux problème ; cette fortune n'est pas due à
quelques « spéculations heureuses » ou à un coup de chance, c'est le solide
fonds d'affaires lentement accumulé d'une maison qu'il a trouvée tout
établie et à laquelle il s'est proprement incorporé avant d'en partager la
direction ; il faut en connaître l'histoire antérieure, pour pouvoir distin
guer l'apport personnel du nouveau venu.
Les biographes de Necker lui attribuent, conformément aux indica
tions de la tradition familiale, une fortune de sept à huit millions au
moment de sa « retraite des affaires » qu'ils situent en 1768 ; cela cor
respond très exactement à la fortune laissée par son associé George Tobie
Thellusson, mort en 1776, et qui légua à sa femme 7 108 560 livres, dont
5 millions pour sa part de la mise de fonds et des bénéfices dans leur
maison de banque ; c'est donc le produit d'un partage à égalité entre les
deux associés en chef. Nous avons pu montrer, grâce à cet inventaire de
succession, que Necker ne s'était null

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