Nouveau régime commercial et inégalités salariales en Amérique latine - article ; n°169 ; vol.43, pg 113-136

Thierry Deffarges

Description

Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 169 - Pages 113-136
Thierry Defarges — The new trade regime and wage disparities in Latin America.
This article analyses the causalities between external liberalisation and the increase of wage disparities in Latin America during the 1990s. The direct effects of the international insertion of these countries on relative wage variations exist, but the main force results from the indirect effects of external liberalisation. Exposure to international competition happens to favour a qualified workforce, thus inducing an asymmetric wages adjustment that negatively affects unqualified labour. The dynamics of relative wages therefore simultaneously expresses the improvements in productive efficiency and cost-effects.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

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• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 2002
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
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Extrait

Thierry Deffarges
Nouveau régime commercial et inégalités salariales en
Amérique latine
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°169. pp. 113-136.
Abstract
Thierry Defarges — The new trade regime and wage disparities in Latin America.
This article analyses the causalities between external liberalisation and the increase of wage disparities in Latin America during
the 1990s. The direct effects of the international insertion of these countries on relative wage variations exist, but the main force
results from the indirect effects of external liberalisation. Exposure to international competition happens to favour a qualified
workforce, thus inducing an asymmetric wages adjustment that negatively affects unqualified labour. The dynamics of relative
wages therefore simultaneously expresses the improvements in productive efficiency and cost-effects.
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Deffarges Thierry. Nouveau régime commercial et inégalités salariales en Amérique latine. In: Tiers-Monde. 2002, tome 43
n°169. pp. 113-136.
doi : 10.3406/tiers.2002.1570
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_169_1570NOUVEAU RÉGIME COMMERCIAL
ET INÉGALITÉS SALARIALES
EN AMÉRIQUE LATINE
par Thierry Deffarges*
Cet article analyse le lien de causalité entre la libéralisation exté
rieure et l'accroissement des inégalités salariales en Amérique latine au
cours des années 1990. Les effets directs de l'insertion internationale de
ces économies sur la variation des salaires relatifs existent mais la force
principale provient des effets indirects de la libéralisation extérieure.
L'exposition à la concurrence internationale incite à défendre des posi
tions de marché, ce qui rend la structure occupai tonnelle favorable à une
main-d'œuvre qualifiée et provoque un ajustement asymétrique des salai
res défavorable au travail non qualifié. La dynamique des salaires relat
ifs traduit à la fois un effet d'amélioration de l 'efficience productive et
un effet coût.
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les économies
latino-américaines, dans le cadre de I'aladi1, ont (ré)activé des proces
sus de régionalisation (Mercosur, Pacte andin, Accord bilatéral
Mexique-Chili). Les arguments en faveur du régionalisme sont nom
breux (création ďéchanges, économies d'échelle, effets de proximité...).
En particulier, l'articulation intra- et inter- groupements régionaux
entre la proximité économique - favorisant le développement des
échanges - et la différence économique - activant le rôle moteur des
grands pays sur les plus petits - apparaît comme un moyen d'assurer le
décollage économique de l'ensemble de la zone. Le régionalisme peut
être vu non pas comme une alternative au multilatéralisme mais comme
* Maître de conférences à l'Université de Picardie/lUT de l'Oise, CRIISEA et greitd. Je tiens à remerc
ier Pierre Salama pour ses remarques constructives.
1. Association latino-américaine d'intégration.
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 16e). janvier-mars 2002 114 Thierry Deffarges
une étape préparatoire à celui-ci ; lorsqu'il ne se limite pas à des accords
de libre-échange et qu'il intègre au contraire des politiques industrielles
stratégiques, il prend la forme d'un protectionnisme éducateur permett
ant d'aligner les structures industrielles sur les critères internationaux
de compétitivité. Parallèlement à ce mouvement d'intégration, les
économies latino-américaines se sont engagées sur la voie des réformes
libérales. Le fondement du « nouveau modèle économique » est
la libéralisation des échanges extérieurs1. Cette superposition de
modes d'insertion internationale est contradictoire. Le « régionalisme
ouvert », compte tenu de l'asymétrie des structures économiques entre
les pays latino-américains et les pays du Nord, soumet directement les
premiers aux critères de compétitivité des seconds. L'ajustement des
systèmes productifs s'effectue par le bas. Face à l'élévation brutale de la
contrainte de compétitivité, l'adaptation procède de comportements
d'ajustement défensifs dont les effets se répercutent sur la cohérence des
tissus productifs locaux et sur la distribution des revenus.
Cet article se focalise sur les effets redistributifs de la libéralisation.
L'objectif est d'analyser les liens de causalité entre l'ouverture et
l'accroissement des inégalités salariales. Le texte présente quatre part
ies. Dans la première, nous décrirons les changements intervenus sur
les marchés du travail et l'ampleur des inégalités salariales dans les
années 1990. Dans la deuxième partie, nous montrerons que les effets
directs (évolution des exportations) de la libéralisation ne sont ni la
seule force de dispersion salariale, ni même la plus importante. Dans la
troisième partie, nous traiterons des effets indirects de la libéralisation,
en analysant l'impact des comportements de modernisation des condi
tions de production et d'ajustement des coûts salariaux. Enfin, en der
nière partie, nous aborderons l'influence des firmes multinationales.
I. TRAVAIL, EMPLOI ET INÉGALITÉS SALARIALES
EN AMÉRIQUE LATINE: LES FAITS STYLISÉS
Les grandes tendances de l'emploi et des revenus au cours des
années 1990 sont les suivantes (E. Lora et G. Marquez, 1998 et
tableau 1) :
1 / Le taux de croissance de l'emploi est faible malgré la reprise de
la croissance économique. L'emploi s'est accru à un taux annuel
1. Pour une description du NME et une discussion des effets attendus, voir V. Bulmer-Thomas (1996)
ainsi que N. Reinhardt et W. Peres (2000). Nouveau régime commercial 115
moyen de 2,2 % au cours des années 1990, contre un taux de 2,9 % au
cours des années 1980 alors que la croissance économique est plus
forte dans les années 1990. L'élasticité de l'emploi en relation au pro
duit national est de 0,6 dans les années 1990 contre 2,6 dans les
années 1980 (cf. J. Weller, 2000 et tableau 1).
2 / Le chômage a augmenté. Entre 1990 et 1999, le taux de chô
mage urbain est passé de 5,8 % à 8,7 % (tableau 1).
Tableau 1. — Croissance du pib et Indicateurs du marché du travail.
Ensemble Amérique latine (1991-1999)
Croissance
Croissance de l'emploi moyens3 Salaires réels
de l'emploi en compte Taux de
chômage2 salarié propre (base 100
(%)' = 95) PIB ( %) (%) (%)
1990 2,0 nd nd 5,8 90,8
1995 2,5 Illustration non autorisée à la diffusion 0,9 3,4 7,5 100,0
2,6 8,1 103,8 1998 1,9 1,7
1999 nd 0,5 2,6 8,7 105,2
nd : non disponible.
1. Comme proxy de l'emploi informel.
2. Taux de chômage urbain.
3. Indice moyen calculé sur 14 pays.
Source : CEPAL (2001 a).
3 / L'emploi a peu progressé dans l'industrie et plus fortement
dans le secteur des services et dans le secteur informel. Entre 1990
et 1997, la croissance de l'emploi est en moyenne annuelle de 1,2%
dans l'industrie manufacturière et de 4,5 % dans le secteur des
services1 (cepal, 2001 a). Alors qu'entre 1995 et 1999, le taux de
croissance annuel moyen de l'emploi salarié est de 1,5 %, celui de
l'emploi en compte propre (utilisé comme proxy de l'emploi
informel) est de 2,8 %. Selon E. Lora et G. Marquez (op. cit.),
le taux d'informalité est passé de 51,6% en 1990 à 57,4% en 1996,
et 80 % des emplois créés dans les années l'ont été dans ce
secteur.
1. Notons que la progression de l'emploi est plus forte dans les sous-secteurs des services financiers
et des services aux entreprises (6,8 % en moyenne annuelle) que dans les autres sous-secteurs des services,
et en particulier dans les services sociaux et aux personnes (2,8 %) (cf. CEPAL, 2001 a). 116 Thierry Deffarges
4 / Les rémunérations réelles ont eu tendance à s'accroître. En pre
nant un indice base 100 en 1995, l'indice des salaires réels moyens est
de 90,8 en 1990 et de 105,2 en 1999.
Ces tendances communes cachent néanmoins des évolutions hété
rogènes selon les pays. Le tableau 2 donne une information qualitative
sur les changements intervenus sur les marchés du travail. Les change
ments observés dans les domaines de l'emploi et du chômage apparais
sent plus défavorables en Argentine et au Brésil, et plus favorables au
Mexique et au Chili. L