Œdipe et la mentalité de groupe - article ; n°149 ; vol.39, pg 155-165
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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 149 - Pages 155-165
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Florence Guignard
Œdipe et la mentalité de groupe
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°149. pp. 155-165.
Citer ce document / Cite this document :
Guignard Florence. Œdipe et la mentalité de groupe. In: L'Homme, 1999, tome 39 n°149. pp. 155-165.
doi : 10.3406/hom.1999.453508
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_149_453508Œdipe et la mentalité de groupe
Florence Guinard
IV.., J ai choisi d'aborder ici le rapport entre anthropologie et psychanalyse
du point de vue du repérage, chez un individu faisant partie d'un groupe
humain à tradition écrite1, des traces de son appartenance inconsciente
au groupe dont il est issu. Ces traces sont si intimement mêlées à sa pen
sée quotidienne qu'à l'inverse de ses congénères à tradition orale, il ne les
traite pas comme l'expression d'une causalité mythique. Il ne s'y soumet
pas moins de façon importante, dont je me propose d'examiner, à travers
un cas clinique, l'incidence sur l'élaboration des conflits intrapsychiques.
Plusieurs remarques préliminaires s'imposent à propos de l'existence d'un
fonctionnement groupai dans le fonctionnement œdipien d'un individu.
1) Ma recherche se situe dans la ligne des écrits de Freud (1913, 1915,
1921, 1929) et de Bion (1959, 1961) sur la question.
2) Elle concerne un aspect du fonctionnement de l'individu qui
entrave ses processus de pensée, d'individuation et d'insertion dans le
socius, bien davantage qu'il ne les sert.
3) J'en propose l'observation au sein d'une situation limite, à savoir
une situation de détresse psychique avérée, pour laquelle le sujet vient
demander de l'aide au psychanalyste. Les raisons qu'aura ce sujet d'utili
ser le fonctionnement de la « mentalité de groupe » seront donc « logi- Í2
quement amoindries » — en raison de la souffrance psychique - et t/j
« psychologiquement renforcées » — en raison de l'accroissement de ses uj
défenses inconscientes contre le fait d'avoir à montrer cette souffrance à ^8
un spécialiste dont il attend le soulagement par les moyens les plus J^
rapides et les plus économiques. Q
1. L'opposition que j'établis entre groupes à tradition orale et groupes à tradition écrite est purement }«■
descriptive et n'implique pas mon rattachement à une théorie concernant cette distinction. ^ÜJ
L'HOMME 149 / 1999, pp. 155 à 166 II est classique de rappeler que les deux configurations d'écoute d'un 4)
récit, celle de l'anthropologue et celle du psychanalyste, ne peuvent être
comparées que jusqu'à un certain point, le premier utilisant tout son art
pour obtenir un récit manifeste de la part d'individus qui pourraient avoir
des réticences à le livrer à un étranger, le second pour décrypter ce qui est
latent dans le discours manifeste proposé par son locuteur avec un grand
désir d'être aidé.
Confrontée à cette aporie classique au niveau de l'écoute de ce qui, des
mécanismes de groupe dans la personne, viendrait interférer avec la pro
blématique œdipienne du sujet, je souhaiterais solliciter mes amis anthro
pologues pour qu'ils apportent leurs compétences et leur mode d'écoute
aux phénomènes que je vais décrire.
Hugo, ou le groupe dans l'individu
Depuis que les découvertes psychanalytiques sont tombées dans le
domaine public, nous rencontrons un nombre croissant de gens avertis de
la chose analytique, qui déclarent très bien savoir qu'ils ont un inconsc
ient, mais pensent l'avoir démasqué une fois pour toutes. L'un d'eux ser
vira de fil conducteur à ma réflexion.
Hugo, quarante-cinq ans, est un homme de belle prestance, dont la
réussite sociale et professionnelle est indiscutable. Courtois et rompu
aux relations mondaines, il évoque la manière dont il a entendu parler
de moi et me complimente sur la vue que l'on a de mon cabinet de
consultation, impliquant discrètement qu'on ne s'y attend pas en sy
rendant... (J'exerçais alors sous les combles, dans d'anciennes chambres
de service restaurées).
Il consulte parce qu'il ne comprend pas pourquoi il ressent un tel mal
être, après avoir décidé de réaménager son existence en fonction de ce qu'il
croyait être le meilleur plan pour la satisfaction de ses désirs. N'ayant pas
hésité, pour ce faire, à détruire successivement deux noyaux familiaux, il a
élevé ses deux « couvées » dans une promiscuité qui leur tient lieu d'inti
mité et se montre sincèrement blessé lorsque ses enfants, auxquels il ne
refuse rien de matériel, ne partagent pas son enthousiasme pour cette
joyeuse convivialité qui, pour Hugo, constitue la preuve qu'il a, je le cite,
« résolu son Œdipe » et « dépassé sa culpabilité ».
Assaisonnant son discours de quelques remarques destinées à me faire
saisir que la psychanalyse est un objet de culture bien connu de lui, il
exprime néanmoins ses doutes quant à l'efficacité de la méthode en ce qui
le concerne, évoque en passant quelques échecs retentissants observés chez
ses amis et relations, et me laisse entendre de façon très séductrice que, s'il
Florence Guignard est venu me voir, c'est parce que, d'après ce que lui auraient dit de moi ces
amis et relations - les mêmes ? -, je pourrais certainement faire un miracle
pour lui. '*'
Nous voici donc d'emblée embarqués sur un plan à la fois magique et
factuel qui, dans un rapport de forces, implique un défi : Hugo se dit prêt
à se soumettre aveuglément à ce que je lui « conseillerai » de faire... pourvu
que je fasse la preuve de ma toute-puissance magique.
La raison manifeste pour laquelle il me consulte concerne son désir de
modifier une fois de plus sa situation de couple. Sous couvert d'un « avis
autorisé », il attend, en fait, que je cautionne son projet. Il me présente
celui-ci sous son meilleur jour ; on croirait entendre un plan de réforme
de l'éducation ou de la fiscalité présenté en période électorale : auparavant,
tout était mauvais, désormais, tout sera parfait. Je tente alors de l'orienter
vers un aspect un peu plus personnel et affectif de la situation, en lui
demandant comment lui et ses proches ressentent la perspective de l'ex
écution de son plan.
Hugo fait l'impasse sur ses propres sentiments et répond immédiate
ment que, certes, sa compagne actuelle va souffrir de ce changement - pas
ses enfants, dont il affirme avec sérénité et conviction que rien de meilleur
ne pourrait leur arriver que la séparation de leurs parents qui sont en
conflit constant. Il est évidemment prêt à dédommager matériellement sa
compagne — il sous-entend qu'il sait se montrer généreux et qu'il en a les
moyens. Prêt également à lui témoigner une infinie mansuétude, non
dépourvue de commisération à l'égard de ce qu'il estime être son incom
préhension face à ce qu'il désigne comme le « principe de réalité ». Il
détecte infailliblement les mouvements de projection... chez elle bien
entendu, et s'étonne de ce qu'une femme aussi intelligente n'accepte pas
qu'il ne l'aime plus, ne comprenne pas qu'il est raisonnable de considérer
cette situation comme un fait, et d'agir en conséquence.
Bien entendu, Hugo me consulte après que tout a été mis en œuvre
pour tenter, en vain, de remédier à ce désaccord, et me fait entendre que
je serais mal venue de remettre sur le chantier les données du problème. Il
doit saisir sur mon visage, à ce moment précis, une expression de doute,
car je vois surgir, dans la suite de son discours, une avalanche de griefs à
l'égard de sa compagne, dont je découvre bien vite qu'elle constitue
1'« ennemi à abattre » afin d'instituer un ordre social meilleur dans le „,
microcosme d'Hugo. 25
Parallèlement, en filigrane, j'entends filtrer des éléments de méfiance et w
de persécution à mon égard, indiquant que je suis passée, du fait de mon i/>
silence dubitatif, dans le camp de l'ennemi, selon la formule classique : §
« Qui n'est pas pour moi est contre moi. » .fc
Œdipe et la mentalité de groupe alors délibérément mon cas en lui demandant si j'ai bien compJ'ag

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