Piéron, instaurateur de la psychologie en France - article ; n°2 ; vol.89, pg 199-212
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Description

L'année psychologique - Année 1989 - Volume 89 - Numéro 2 - Pages 199-212
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Y Galifret
Piéron, instaurateur de la psychologie en France
In: L'année psychologique. 1989 vol. 89, n°2. pp. 199-212.
Citer ce document / Cite this document :
Galifret Y. Piéron, instaurateur de la psychologie en France. In: L'année psychologique. 1989 vol. 89, n°2. pp. 199-212.
doi : 10.3406/psy.1989.29334
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1989_num_89_2_29334L'Année Psychologique, 1989, 89, 199-212
Laboratoire de neurochimie- anatomie
Université Pierre et Marie-Curie1
PIÉRON, INSTAURATEUR
DE LA PSYCHOLOGIE EN FRANCE
par Yves Galifret2
La carrière d'Henri Piéron, son œuvre scientifique, ont été
évoquées à de multiples reprises par lui-même, puis par ses élèves,
ses collaborateurs, ses collègues, à diverses occasions : en 1951,
pour ses 70 ans, en 1964 lors du 75e anniversaire du Laboratoire
de Psychologie de la Sorbonne, à la fin de la même année, à l'occa
sion de son décès, en 1981 encore, lors d'un colloque organisé pour
le centenaire de sa naissance. Aussi, plutôt que de redonner sans
rien omettre des informations qui sont à la portée de tous je vou
drais reprendre dans la vie et l'œuvre de Piéron des traits sail
lants qui permettent de saisir l'originalité de l'homme et de carac
tériser sa démarche.
Henri Piéron fait partie de ce que Pierre Bourdieu appelle la
« noblesse d'école ». Il est né au Quartier latin, à deux pas du lycée
Saint-Louis où enseigne son père, normalien, agrégé de mathé
matiques, qui sera inspecteur d'Académie en 1892 et inspecteur
général en 1894, Piéron a alors 13 ans. Il reconnaît que, de 13 à
17 ans, il bénéficie de « conditions de vie particulièrement favo
rables dans un milieu familial aisé avec des contacts déterminés
par les relations à peu près exclusivement universitaires de mon
père, où l'esprit, souvent étroit du côté des femmes, était com
pensé par une grande largeur d'esprit de la plupart des hommes
auxquels une situation modeste mais assurée évitait les préoc-
1. 4, place Jussieu, 75230 Paris Cedex 05.
2. Professeur émérite à l'Université Pierre et Marie-Curie, Paris VI.
,006 PARIS/ Yves Galifret 200
cupations matérielles et dont les tâches intellectuelles s'accompa
gnaient presque toujours d'un remarquable désintéressement »
(Piéron, 1952). Nous avons là un intéressant tableau de la petite
bourgeoisie universitaire à la fin du xixe siècle.
C'est l'époque où l'adolescent écrit des poèmes, des textes en
prose à prétention littéraire mais, là se marque déjà sa détermi
nation, il parvient à les faire paraître, pendant les vacances, dans
le journal local — la famille faisait alors de longs séjours à Royan
dont il a gardé un souvenir enchanté. Il est également musicien,
joue du violon — très convenablement dit-il — , il compose même
et, dans les nombreux papiers que je remettrai bientôt aux Archi
ves nationales, figure une interminable mélodie intitulée Chan
sons des Parfums — pour qui occupera une chaire de Physiologie
des Sensations il y a là un signe (!) — • paroles, musique et accom
pagnement de piano de la main de Henry Piéron, Henri avec un y,
ce qui fait plus distingué. Il déclarera plus tard, avec une délec
tation un peu masochiste que, pour pouvoir se consacrer plein
ement à son travail scientifique, il avait abandonné la pratique du
violon : la Science était un sacerdoce auquel il fallait savoir con
sentir des sacrifices.
Au terme de son adolescence, ce jeune bourgeois, élevé en
serre chaude, semble n'avoir aucun souci à se faire quant à son
avenir : il est doué en mathématiques, il sera normalien comme son
père et les portes de la Sorbonne lui seront grandes ouvertes.
La réalité va être bien différente.
1898, l'année du baccalauréat est aussi celle du J'accuse de
Zola, les amphithéâtres de l'Université, les grandes classes des
lycées et, bien sûr, le boulevard Saint-Michel sont le théâtre « de
violents remous, en raison de l'agitation générale causée par
l'affaire Dreyfus » et Piéron précise : « J'étais violemment drey
fusard alors que mon père s'était rangé dans le camp adverse »
et sans transition il ajoute : « Au cours de cette année j'avais déc
idément renoncé à poursuivre des études de mathématiques... jeu
purement abstrait... sans contenu concret », tout au plus un in
strument et « non un but pouvant se suffire à soi-même ». En
revanche, poursuit-il, « la philosophie m'avait séduit par tout ce
qu'elle impliquait d'indépendance de pensée et de critique uni
verselle. Je me décidai donc à préparer, pour le début de mes
études supérieures, la licence de philosophie » (Piéron, 1952).
Le jeune dreyfusard ne sera donc pas mathématicien, mais
l'Ecole normale ? Là, il ruse : pour ne pas choquer son père, <«. très Communication centenaire de la psychologie 201
attaché, dit-il, à l'Ecole normale supérieure et (désirant) me voir
entrer à mon tour dans la grande école de la rue d'Ulm », il s'ins
crit à Louis-le- Grand aux cours de rhétorique supérieure qui
préparent au concours d'entrée, mais en fait, il est bien décidé à
n'en faire qu'à sa tête : « Mon esprit d'indépendance, dira-t-il,
répugnait à une réduction, si limitée fût-elle, de ma liberté »
(Piéron, 1952).
Et dans cette année 1899, alors que l'agitation continue au
Quartier latin, il suit les enseignements de philosophie. Hélas, les
cours qui l'intéressent vraiment, celui de Ribot au Collège de
France, bien sûr, et même celui de Janet à la Sorbonne (il s'agit
d'un cours complémentaire de psychologie expérimentale), ne
sont pas au programme de la licence. Il est cependant reçu à
l'examen « dépensant, dit-il, dans une dissertation latine, les
trésors qu'avait entassés ma mémoire, de redondances cicéro-
niennes ». Après la licence c'est l'agrégation — on ne parle plus
d'Ecole normale — mais là, conflit avec le système : en butte à
l'hostilité d'un inspecteur général horrifié par ses conceptions si
peu orthodoxes, de la psychologie en particulier, il ne sera reçu
que la troisième fois, Lucien Lévy-Bruhl ayant accepté cette
année-là de faire partie du jury pour dénouer la situation.
Mais, durant ces trois années, Piéron n'a pas perdu son temps :
il a été un moment secrétaire de la consultation de Janet à la
Salpêtrière ; déjà lorsqu'il préparait sa licence, il était allé au
laboratoire de Psychologie de la Sorbonne « qui ouvrait le jeudi,
dit-il, et où je trouvai un accueil plutôt peu encourageant de
Binet », mais il y retourne, il s'accroche et Binet lui fait mesurer
des temps de réaction et l'initie au travail expérimental. Et c'est
finalement chez Edouard Toulouse (1865-1947), à l'asile de Ville-
juif, qu'il occupe un premier emploi de préparateur bénévole,
au début.
Toulouse, esprit original, très créatif, fut un précurseur à l'ori
gine de la fondation d'Henri-Roussel, premier hôpital psychia
trique ouvert, de la Société de Biotypologie, d'une société de sexol
ogie. Au tournant du siècle il s'intéresse aux rapports du génie avec
la folie ; l'idée est dans l'air, c'est l'époque où un personnage de
Thomas Mann (dans Tonio Krüger) déclare : « On ne cesse de faire,
en ce qui concerne l'origine, les manifestations et les conditions
de la création artistique, les découvertes les plus surprenantes. »
Toulouse, marqué par le positivisme, pense que, d'une étude
monographique très fouillée d'un personnage, menée sans idée 202 Yves Galifrel
préconçue, émergeront obligatoirement des éléments permettant
de comprendre les causes de sa supériorité. Tout y est, de la quant
ité d'urine évacuée aux horaires de travail en passant par l'acuité
t

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