Politique des intérêts et parimonialisation des politiques publiques en Europe du Sud : le cas des télécommunications - article ; n°1 ; vol.5, pg 99-116

Emmanuel Negrier

Description

Pôle Sud - Année 1996 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 99-116
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLE_SUD
• Publié le: 01 janvier 1996
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Mr Emmanuel Négrier
Politique des intérêts et parimonialisation des politiques
publiques en Europe du Sud : le cas des télécommunications
In: Pôle Sud, N°5 - 1996. pp. 99-116.
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Négrier Emmanuel. Politique des intérêts et parimonialisation des politiques publiques en Europe du Sud : le cas des
télécommunications. In: Pôle Sud, N°5 - 1996. pp. 99-116.
doi : 10.3406/pole.1996.950
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pole_1262-1676_1996_num_5_1_950Politique des intérêts et patrimonialisation
des politiques publiques en Europe du Sud :
le cas des télécommunications
par Emmanuel Négrier
CEPEUCNRS
Pôle Sud №5 -Novembre 1996 -pp. 99 à 116
Le retard des télécommunications sud-européennes pose plusieurs problèmes d'analyse et
d'interprétation politique. Celui du statut global de l'Europe du Sud dans l'évolution des poli
tiques communautaires de télécommunications et la mise en œuvre des nouvelles recettes
d'action publique dans ce secteur ; celui ensuite de l'unité et de la diversité de l'Europe du Sud
quant à la problématique de "modernisation sectorielle", à commencer par les originalités, his
toriques et reproduites jusqu'à nos jours, de ses modes d'organisation; celui enfin de l'explica
tion "qualitative" du différentiel d'action publique, où il faut évaluer la portée de deux hypot
hèses possibles : la sur-politisation sectorielle, la patrimonialisation des politiques publiques.
Est-ce un hasard si les analyses que nous convaincre quant à leurs présupposés,
avons pu mener sur l'évolution des poli quand les seconds, réfutant la notion, se
tiques de télécommunication en Europe du privent souvent de situer les politiques ou
Sud n'ont que très peu envisagé la question les systèmes qu'ils observent dans une pers
sous l'angle du retard (Négrier et al. 1993, pective comparative dynamique. Or
1994 ; Négrier, 1994) ? D'une part, la l'Europe du Sud, dans le domaine qui nous
notion même de retard, comme il est sou intéresse, est un théâtre assurément fertile
vent dit dans ce numéro, suscite pour le de comparaison, et d'appréciation critique
politiste quelque embarras. Si l'on peut des thèses tenues pour dominantes sur le
s'accorder sur le fait de ne pas prendre la retard chronique vis-à-vis du Nord.
statistique comme une manière satisfa Le premier problème à résoudre est bien
isante de répondre à la question, en ce sûr celui du regard. L'approche socio-éc
qu'elle n'explique pas les phénomènes onomique dominante fait reposer le retard décrit, demeure la question de la du Sud sur une batterie d'arguments,
pertinence socio-politique d'une telle inter parmi lesquels on trouve les données stati
rogation. Dans ce domaine comme dans stiques régulièrement fournies par les ins
bien d'autres, il s'agit alors de se situer dans tances officielles de l'OCDE, de l'UIT
la controverse trentenaire entre développe- (Union Internationale des Télécommunica
mentalistes et différentialistes, où les pre tions), de la Commission Européenne et
miers, assumant le retard (ou l'archaïsme, des centres d'études spécialisés. Ces don
le traditionalisme plutôt) cherchent à en nées confirment un différentiel substantiel
expliquer les causes, sans toujours entre le développement des infrastructures
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et services de télécommunication au ture des échanges économiques à de nou
Sud,par rapport au Nord. Le nombre de veaux marchés (ex-pays de l'Est, Amérique
lignes par habitant, le taux d'équipement latine, Extrême-Orient, etc.) et d'ouverture
des ménages, le taux de numérisation des aux échanges concurrentiels de secteurs
précédemment "régulés" (services finanréseaux sont parmi les critères quantitatifs
les plus établis pour qualifier ce retard. Le ciers, télécommunication notamment),
temps moyen de raccordement, la disponib repose largement sur le potentiel de ces
ilité de lignes spécialisées, l'état d'avanc nouvelles technologies de communication.
ement des réseaux câblés, la "qualité" rap Ce secteur a donc été l'un des plus syst
portée au temps de réaction en cas de ématiquement soumis à la pression dérégul
panne sont des mesures fiables du degré de atrice, avec ses conséquences sur l'organi
modernité des télécommunications natio sation techno-économique des réseaux, et
nales. Dans la majeure partie des cas, les notamment la remise en cause de la péré
pays d'Europe du Sud sont dans une posi quation des services et usages sociaux des
tion inférieure à leurs homologues du télécommunications.
Nord. Longtemps considéré comme un - En corollaire, la capacité des systèmes
problème mineur, le retard des télécommun institutionnels à intégrer les nouvelles
ications sud-européennes a pris une nouv normes réglementaires et d'organisation
elle dimension dès lors que sont apparus des télécommunications, telles que les pré
de nouveaux enjeux politiques : conisaient les tenants d'une équation nouv
— La capacité d'innovation des systèmes elle : innovation technologique + intégra
de télécommunication, dans une période tion européenne = libéralisation et
de bouleversement technologique. Les poli privatisation. Cette équation reposa sur un
retour critique sur la notion de monopole tiques nationales ont commencé, au début
des années 1980, à être systématiquement naturel, par laquelle l'économie des réseaux
passées au crible de leur efficience dans avait cru fonder en économie (et non en
l'intégration, voire l'anticipation des mutat politique) l'illégitimité des systèmes privés
ions couvertes par l'expression "nouvelles dans les secteurs-réseaux. À l'échelle euro
technologies de communication" : intégra péenne, sur laquelle nous reviendrons plus
tion des différents modes de communicat loin, les monopoles, dénaturalisés, ont
ion en une seule et même technologie : les donc été soumis à de nouveaux critères de
réseaux large-bande ; modification des justification, parmi lesquels leur respect des
modes de transports dominants des mes règles du marché concurrentiel.
Le retard des télécommunications sud- sages : numérisation des réseaux ; extension
des formes de communication : réseaux européennes ne devient un problème poli
câblés, télématique, téléphonie portable et tique qu'à la condition que soient établis
cellulaire... pour souhaitables ces nouveaux objectifs,
— La globalisation des échanges, enten globaux et sectoriels, et imaginées les
due comme double phénomène normes et stratégies générales pour les
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atteindre1. Ce regard neuf2 posé sur la réa concurrences dans des domaines de monop
lité économique et politique du Sud pose à ole, la séparation des activités poste et
son tour plusieurs problèmes3, qui feront télécommunication, la séparation des acti
vités d'opérateur de celles de réglementatl'objet de notre développement :
- Celui du statut global de l'Europe du ion, et l'ouverture à la concurrence des
Sud dans l'évolution des politiques commarchés d'équipement, des services et
munautaires de télécommunications. Il est réseaux de télécommunication, y compris
d'autant plus intéressant à préciser que le téléphone de base, dès 1998.
l'Union européenne est devenue, sinon le En échange d'un tel bouleversement, qui
régulateur, du moins le porte-voix domi affecte les formes organisationnelles et les
principes d'action dominants (notamnant des nouvelles recettes d'action
publique dans ce secteur. ment : le service public dit à la française), la
- Celui de l'unité et de la diversité de définition européenne d'un service universel
est censée compenser les probables effets l'Europe du Sud quant à la problématique
d'inégalité induits par le jeu du marché4. de "modernisation sectorielle", à commenc
Dans cette nouvelle matrice intellecer par les originalités, historiques et repro
tuelle des polit