Politisation de l'immigration en France : logiques politiques et enjeux discursifs - article ; n°1 ; vol.36, pg 69-81

Christine Barats-Malbrel

Description

Quaderni - Année 1998 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 69-81
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: QUADERNI
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 28
• Langue: Français

Extrait

Christine Barats-Malbrel
Politisation de l'immigration" en France : logiques politiques et
enjeux discursifs
In: Quaderni. N. 36, Automne 1998. pp. 69-81.
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Barats-Malbrel Christine. Politisation de l'immigration" en France : logiques politiques et enjeux discursifs. In: Quaderni. N. 36,
Automne 1998. pp. 69-81.
doi : 10.3406/quad.1998.1364
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_1998_num_36_1_1364IDossier
Le thème de l'immigration s'est, depuis une
vingtaine d'années, progressivement impolitisation de
posé dans le champ politique français. Si
l'on souhaite dépasser ce constat pour tenr"immigration"
ter d'en évaluer la portée, il importe de s'i
nterroger sur les différents indicateurs qui
attestent de cette imposition. Je me pro
en France : pose donc de confronter les politiques pu
bliques relatives à l'immigration (à partir
logiques politiques des principales réformes législatives adopt
ées sur le sujet) aux prises de position
politiques (traitement discursif) qui renet enjeux discursifs
dent compte de la dimension symbolique
de cette question (1). Ces différents él
éments constituent les principaux indica
teurs de la prégnance de cette question dans
le champ politique et le registre discursif.
Christine Quelles sont donc les principales caracté
ristiques du traitement de l'immigration Barats-Malbrel
dans le champ politique ? Comment ana
lyser et expliquer la récurrence de cette
Maître de Conférences question dans les discours politiques ?
Université de Franche-Comté
"Immigration" et alimentation du débat
public
Tout d'abord, il est important d'examiner
le terme même d*"immigration", dont l'a
pparente familiarité dissimule de multiples
usages et de nombreuses connotations (par-
fois opposées). Toute analyse sur
T'immigration" ne peut pas en effet négli
ger cette particularité.
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lutter contre l'immigration clandestine ". Ce terme est attesté dans le supplément du
Littré de 1876 (2) et si les dictionnaires Le Parisien, 19 décembre 1997.
contemporains renvoient à son étymologie
et en particulier à l'idée d'un déplacement "L'immigration au cur des entretiens à
de personnes, le langage courant associe Bamako. Le problème de l'immigration (4)
de plus en plus T'immigration" à un "pro devait être au centre de la visite du pre
blème" (i. e. "le problème de l'immigra mier ministre français ce week-end au Mali,
tion") ou bien emploie l'expression "im ont indiqué les autorités de Bamako, où
l'on insiste sur le "caractère privilégié" migration clandestine".
des relations franco-maliennes".
Pour le seul mois de décembre 1997 (pé Le Monde, 2 1 -22 décembre 1 997.
riode au cours de laquelle était examiné à
l'Assemblée Nationale le projet de loi Si la problématisation de cette question
Chevènement modifiant l'ordonnance du (c'est-à-dire son appréhension en terme de
2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour problème) s'observe dans ces usages lan
des étrangers en France), nous avons re gagiers, elle aussi par le nombre
levé de nombreux exemples, dans la presse élevé de modifications de la législation
quotidienne nationale, illustrant cette ar concernant l'entrée et le séjour des étran
ticulation lexicale. À titre indicatif, nous c gers en France, soit 26 depuis 1945 (dont
iterons (3) : la majorité depuis 1980, comme nous le
verrons ci-après), mais également par les
"L'immigration divise de plus en plus les nombreuses déclarations d'hommes poli
Français. 48% pour la régularisation des tiques (stratégie discursive). C'est ainsi
sans-papiers, 47% contre. Le problème de qu'Edouard Balladur, ancien Premier min
istre, "affirma" à deux reprises, lors d'une l'immigration est, une fois déplus (la 25ème
depuis 1945) au centre du débat parle interview au journal Le Monde puis à l'o
mentaire, donc journalistique ". ccasion d'un article, qu'il y avait lieu de dé
Le Figaro Magazine, 13 Décembre 1997. battre de la question de la "préférence na
tionale" (expression spécifiquement utili
""Il faut maîtriser les flux migratoires" a sée par le Front National).
toutefois insisté le Premier ministre, qui a
obtenu, en contrepartie, un accord de par "- Le Monde : Dans la préparation de son
tenariat avec le Royaume (Maroc) afin de programme, l'opposition doit-elle mettre
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"Pouvoir parler de tout" par Edouard à l'étude certains thèmes diffusés par l'e
xtrême-droite, comme la "préférence natio Balladur in Le Monde, Jeudi 25 juin 1 998 .
nale" ?
- Edouard Balladur : De la même façon Quelques semaines plus tard, Charles
qu'on a réussi à dépassionner les problè Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur, et
surtout initiateur des "fameuses" lois sur mes de la nationalité en créant, en 1987,
la commission Marceau Long, on devrait l'entrée et le séjour des étrangers en France
réunir une commission, avec des hommes de 1986 et 1993, eu des prises de position
et des femmes venus, là aussi, de tous les toutes aussi controversées. En effet, celui
qui prônait en 1986 ^'immigration zéro" horizons, pour réfléchir à la question sui
vante : est-il normal ou anormal, légitime et qui avait préconisé l'expulsion par chart
ou contraire aux principes républicains er de 101 Maliens (l'un des symboles de
traditionnels de réserver certaines presta la fin de la première cohabitation), se pro
tions aux nationaux, et de les refuser -pour nonça, contre toute attente, en faveur de la
"régularisation" de tous les étrangers en une durée, d'ailleurs, à déterminer - aux
résidents étrangers ? ". situation irrégulière qui en avaient fait la
Le Monde, Mardi 16 juin 1998. demande lors de la procédure de régulari
sation de 1997 mise en place par le Gou
"S'agissant des droits sociaux reconnus vernement de Lionel Jospin sur la base de
aux nationaux et aux étrangers, j'ai fait il critères (5).
y a quelques jours des déclarations qui ont
"- Le Monde : Quelle est votre solution ? donné lieu à un certain nombre de com
mentaires souvent virulents, pas toujours - Charles Pasqua : Il n'y en a qu'une, même
de bonne foi. (...) Pourquoi avoir utilisé le si elle n'est pas facile à expliquer à l'opi
terme de "préférence nationale" alors nion publique. Napoléon disait qu'on ne
qu'on ne peut ignorer la charge dont il est peut sortir de certaines situations que par
porteur ? Quels que soient les mots utili une faute. En l'occurrence, on ne peut en
sortir qu'en régularisant la totalité des sés, je n'aurais pas échappé à la polémi
que. Ce qui compte, c'est le fond : est-il personnes qui en ont fait la demande, sauf
licite ou pas, dans une société démocrati ceux qui ont commis un autre délit. Lors
que et fidèle au respect des droits de que ces étrangers se sont rendus dans les
l'homme, de réserver ou non des part préfectures, ils s'en sont remis à la bonne
iculiers aux nationaux ? ". foi des autorités françaises. Ils ont cru,
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peut-être à tort, qu'ils allaient tous être le champ politique. Si cette observation
régularisés. Et aujourd'hui on les rejette couvre approximativement une vingtaine
d'années, c'est d'une part grâce à la capacpour des raisons sans doute justifiées au
regard des critères retenus, mais qui vont ité d'actualisation de cette question, mais
installer chez eux une très grande amer également parce que cette question est sy
tume. Peut-on encore traîner ça encore des stématiquement présentée comme urgente
que ce soit d'un point de vue national avec années ? ".
son articulation à différentes thématiques Le Monde, Vendredi 17 juillet 1998.
"sécuritaires", ou d'un point de vue inter
Cet effet d'"annonce" fit l'objet d