Pour une anthropologie des institutions - article ; n°135 ; vol.35, pg 65-85
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Description

L'Homme - Année 1995 - Volume 35 - Numéro 135 - Pages 65-85
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marc Abélès
Pour une anthropologie des institutions
In: L'Homme, 1995, tome 35 n°135. pp. 65-85.
Citer ce document / Cite this document :
Abélès Marc. Pour une anthropologie des institutions. In: L'Homme, 1995, tome 35 n°135. pp. 65-85.
doi : 10.3406/hom.1995.369951
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1995_num_35_135_369951Marc Abeles
Pour une anthropologie des institutions
Marc par de répondre le Abélès, développement à un Pour certain une de l'anthropologie nombre anthropologie de questions des des institutions. institutions. théoriques — L'auteur et L'objectif méthodologiques se fonde de cet sur article suscitées des trest
avaux menés dans des contextes différents, notamment dans le cadre des institutions
européennes. C'est à partir d'une telle expérience qu'il est possible de mieux définir
cette approche et de mieux appréhender les enjeux et les perspectives d'une anthropolo
gie des institutions.
Le travail que je mène depuis quelques années sur deux institutions euro
péennes, le Parlement et la Commission, et les textes que j'ai rédigés à
ce sujet, ont suscité un certain nombre d'interrogations concernant
notamment le caractère anthropologique de ces recherches et les concepts
qu'elles mettent en œuvre. Ces questions étaient inévitables, et elles recoupent
dans une certaine mesure les problèmes que j'ai pu rencontrer en avançant sur
un terrain à la fois complexe et stimulant. Aussi mon objectif n'est-il pas d'y
répondre sur le ton polémique qui a parfois été celui des objections adressées à
l'entreprise.
À ce point de la démarche, il est indispensable d'affronter des problèmes de
fond et non de les récuser ou de les esquiver par une pirouette rhétorique.
L'intérêt de cet exercice ne se limite pas à la seule satisfaction des éventuels
contradicteurs (qui, comme cela arrive souvent, seront peut-être encore plus
dubitatifs en prenant connaissance de mes arguments). Il s'agit de tirer parti
d'un approfondissement de la réflexion pour tracer quelques pistes de recherche
qui peuvent apparaître aujourd'hui prioritaires1.
1. J'ai eu la chance de pouvoir exposer les résultats de mes travaux dans des contextes et devant des
publics différents d'anthropologues et de politistes. C'est pourquoi, plutôt que de répondre ad homi-
nem à l'un ou à l'autre de mes interlocuteurs, je préfère reprendre quelques-unes des remarques et
des objections qui me semblent les plus récurrentes et les plus significatives. J'ai également bénéfi
cié de la réflexion collective menée au sein de l'équipe du Laboratoire d'anthropologie des institu
tions et des organisations sociales (LAIOS) sur la question des institutions.
L'Homme 135, juil-sept. 1995, pp. 65-85. MARCABÉLÈS 66
M'étant fait le défenseur d'une anthropologie du politique et des institu
tions, il me faut d'abord répondre à la question relative à la légitimité d'un tel
projet (peut-on à bon droit associer les trois termes : anthropologie, politique,
institutions ?) ; j'envisagerai ensuite celle des concepts et des méthodes utilisés.
Pour conclure, je présenterai les perspectives qui s'offrent au chercheur dans
ces domaines. Que le lecteur ne m'en veuille pas de fonder en grande partie
cette réflexion sur mes propres expériences : elles reflètent des difficultés et des
obstacles que d'autres ont aussi rencontrés dans leurs investigations et me
semblent constituer à ce titre un point de départ pertinent.
Depuis quelques années, l'anthropologie a subi un grand nombre de cri
tiques. Comme c'est bien naturel dans nos disciplines, ces assauts sont venus de
l'intérieur et ont marqué l'ouverture d'une période nouvelle qui se résume non
en une proposition, mais en une préposition. Nous sommes entrés dans le post,
répète chacun à satiété des deux côtés de l'Atlantique. Post-fonctionnalisme,
post- structuralisme, post-marxisme, post-modernisme. Certains parlent même
aujourd'hui de post-post : j'ai entendu cette expression à diverses reprises lors
d'un récent séjour aux États-Unis. En tout cas, il y a une véritable propension à
penser dans l' après, et l'on peut se demander si cela n'est pas le symptôme
d'une difficulté plus profonde. À la recherche de l'homme sous tous ses
aspects, l'anthropologie s'est longtemps identifiée à des démarches combinant
un souci encyclopédique et des ambitions théoriques extrêmement larges. Cha
cun à sa manière, les Frazer, Malinowski, Lévi-Strauss, incarnaient tout à la
fois une extraordinaire ouverture à la connaissance, et la quête d'un cadre de
pensée intégrant et unifiant différents ordres de données. L'équilibre s'est réa
lisé dans les années soixante où l'anthropologie structurale a connu son apogée.
Mais ce qui frappe, quand avec le recul on considère ces mouvements de
pensée, c'est que, parallèlement aux entreprises grandioses lancées par quelques
grands esprits et leurs disciples, tout un travail monographique se développait,
participant à l'extension presque illimitée de l'objet empirique de l'anthropolog
ie. Cet effort s'inscrivait d'ailleurs de manière tout à fait cohérente dans la pers
pective ouverte par les pionniers. Mythes, rituels, politique, organisation sociale,
techniques : les données s'accumulaient, la division du travail se mettait en
place. La distinction entre l'ethnographie, base de la démarche, et l'anthropolog
ie, terme ultime du projet, alimente depuis des décennies nos disciplines. Cette
distinction est d'autant plus commode qu'elle permet tout à la fois d'assigner sa
place à l'empirique en déléguant à l'anthropologie une fonction rédemptrice.
L'anthropologie absorbe et épure : elle s'ordonne autour d'une visée comparat
ive qui évidemment nécessite une conceptualité riche et sophistiquée. Le stru
cturalisme a donné toute sa crédibilité à ce binôme, en offrant une trame d'analyse
suffisante pour traiter une large quantité de faits.
Une trentaine d'années plus tard on s'aperçoit cependant que le modèle a
été proprement parasité par les effets qu'il a produits. D'un côté, l'anthropolo
gie a suscité une floraison impressionnante de travaux ethnographiques ; de des institutions 67 Anthropologie
l'autre, il était dans la nature de ce discours théorique d'engendrer des ques
tions qui mettent enjeu sa cohérence interne. C'est ainsi que l'on a vu s'amor
cer toute une réflexion à propos du travail de terrain et de la production des tex
tes ethnographiques. Cette entreprise critique de « déconstruction » n'était pas
inutile. Elle réintroduisait la question de l'auteur et les conditions dans les
quelles s'effectue concrètement la recherche. D'un point de vue plus philo
sophique, l'approche « post-moderniste » s'interroge sur ce que l'on pourrait
appeler, après Michel Foucault, « la volonté de savoir » des anthropologues.
Qu'en est-il de la catégorie de vérité dans cette démarche qui prétend déployer
une connaissance des sociétés humaines ? Le modèle des sciences de la nature,
la notion d'expérience, auxquels ont volontiers eu recours les ethnologues pour
légitimer leur démarche sont ici pris sous le feu de la critique. Le parallèle éta
bli entre le texte ethnographique et la fiction, la reconnaissance de l'anthropo
logue comme auteur à part entière, qui n'est pas sans rappeler le romancier-
Dieu moqué par Sartre, mettent en cause radicalement la référence canonique à
la scientificité2.
La critique déconstructionniste peut déboucher sur deux postures épistémo-
logiques très différentes : d'un côté, une vision sceptique qui est la consé
quence ultime de la critique du paradigme scientiste ; de l'autre, une conception
qui retiendra les réflexions les plus incisives du « post-modernisme », mais
refusera de s'enfermer dans un perpétuel retour, somme toute narcissique, sur
le texte ethnographique et les théories qui jalonnent l'histoire de la discipline3.
Le danger qui guette, en effet, est de se perdre dans une certaine forme de ratio

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