Quelques observations sur l'économie du Pakistan - article ; n°11 ; vol.3, pg 479-491

Gilbert Étienne

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Tiers-Monde - Année 1962 - Volume 3 - Numéro 11 - Pages 479-491
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1962
• Nombre de lectures: 6
• Langue: Français
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Gilbert Étienne
Quelques observations sur l'économie du Pakistan
In: Tiers-Monde. 1962, tome 3 n°11. pp. 479-491.
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Étienne Gilbert. Quelques observations sur l'économie du Pakistan. In: Tiers-Monde. 1962, tome 3 n°11. pp. 479-491.
doi : 10.3406/tiers.1962.1092
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1962_num_3_11_1092CHRONIQUE INTERNATIONALE
QUELQUES OBSERVATIONS
SUR L'ÉCONOMIE DU PAKISTAN
par Gilbert Etienne (i)
Les deux « grands » de l'Asie, Chine et Inde, absorbent notre attention au
point de nous faire oublier d'autres pays dont l'importance est loin d'être
négligeable. Les problèmes auxquels le Pakistan fait face n'ont pas le gigantisme
de ceux qu'affrontent ses deux voisins, pourtant leur complexité et leurs
dimensions dépassent de beaucoup ceux du Moyen-Orient ou de l'Asie du
Sud-Est (à l'exception de l'Indonésie).
LE PRÉALABLE POLITIQUE
Après un bon départ sous des leaders énergiques et intègres, le Pakistan
est devenu, de 1952 à 1958, le cas type du pays sous-développé où le facteur
politique entrave — et dans certains cas paralyse — une réelle croissance éco
nomique. Instabilité gouvernementale, dissensions interprovinciales, corrupt
ion, marché noir, contrebande minent peu à peu la vigueur et l'enthousiasme
qui animaient le pays dans ses premières années d'existence.
En octobre 1958, un coup d'État — au reste pacifique — anéantit l'édifice
politique. Le général Ayub Khan prend le pouvoir et instaure un régime de
type autoritaire. Il a le mérite d'être ferme tout en évitant les formes extrêmes
de la dictature.
Le système transitoire instauré par la loi martiale est en train de prendre
fin. Le chef de l'État et ses légistes ont élaboré une Constitution qui accorde
au Président de la République des pouvoirs étendus. Des élections génér
ales devraient sanctionner cette évolution, au cours de cette année.
Par son coup d'État, le général — depuis lors maréchal — Ayub Khan
crée un choc psychologique. En quelques semaines une succession de mesures
énergiques enrayent corruption et marché noir, en même temps que les poli-
(1) Chargé de cours à l'Institut universitaire de Hautes Etudes internationales de Genève.
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ticiens perdent tout pouvoir. "L'intelligentsia et l'opinion publique dans son
ensemble reprennent espoir et acclament le nouveau régime.
Les succès remportés dès les premiers jours : baisse des prix grâce à un
contrôle sévère, récupération de tonnes d'or entrées en contrebande, ordon
nances sur l'hygiène publique dont défense d'uriner dans la rue..., font partie
de ce que nous appellerons 1' « opération coup de balai ». Pour la mener à bien
il suffit d'un minimum d'honnêteté et de vigueur, qualités que possèdent le
chef de l'État et ses lieutenants.
Cet assainissement opéré, le Pakistan entre dans une deuxième phase de
nature fort différente : aux succès spectaculaires des premiers mois fait suite
une évolution beaucoup plus lente, où peu à peu l'économie devrait se redres
ser et la production augmenter.
Il est prématuré de juger dans quelle mesure le rythme d'expansion écono
mique s'est accéléré depuis 1958. En revanche, même si tous les vices de
l'ancien régime n'ont pas été éliminés, il est clair que le terrain est aujourd'hui
propice à un plus fort développement. Simultanément, une augmentation de
l'aide étrangère portera des fruits qui eussent été inconnus entre 1952 et 1958.
I. — L'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE DE I947 A 1961
En 1947, date de l'indépendance du Pakistan, la communauté musulmane
se trouve à un stade de développement beaucoup moins avancé que la société
hindoue. La pénurie de cadres est plus aiguë qu'en Inde. Le Pakistan ne compte
sur son territoire qu'un nombre infime d'usines. Économistes, banquiers,
hommes d'affaires, hauts fonctionnaires sont rares et le départ des Hindous
accentue la fragilité de l'appareil économique. En Inde, bien avant l'indépen
dance, le parti du Congrès s'est préoccupé des problèmes de développement.
Quant à la Ligue musulmane, son premier objectif est la création du Pakistan;
son deuxième est celui d'exister et de mettre en place un État dont toutes les
bases font défaut. Celles-ci sont à peine consolidées que, dès l'année 1952, le
pourrissement politique commence à se manifester.
Progrès et carences de V agriculture
Ce problème retiendra notre attention plus que tout autre, car l'agriculture
est de loin le facteur primordial de l'économie.
En 1947, la situation alimentaire du Pakistan est un peu meilleure que celle
de l'Inde. Le nouvel État a été légèrement avantagé par le partage en ce qui
concerne les zones irriguées. Les mots « problème alimentaire » ne figurent
guère en manchette des journaux.
A partir de 1952-195 3, on décèle les premiers symptômes de pénurie qui
ne cesseront de grandir jusqu'au moment où la crise alimentaire sera plein
ement reconnue.
480 CHRONIQUE INTERNATIONALE
i) Principaux « produits alimentaires »
DESTINÉS A LA « CONSOMMATION » (i)
(Céréales et légumineuses)
(milliers de tonnes)
Total
Production Importations des disponibilités
alimentaires
II 580 II 677 1948-1949 97
1949-1950 12064 189 12253
240 1950-1951 II 924 II 684
II 432 32 1951-1952 II 400
10868 282 II 150 1952-1953
1 108 12 623 I953"I954 11515
II 834 1 1954-1955 11835
IO 340 1955-1956 10377 37
1018 12 I94 13 212 1956-1957
1957-1958 12 87О II 807 1 063
II 29О II 869 579 1958-1959
1959-1960 718 13 162 13 880
1960-1961 12 IO8 1399 I3507
2) Population (2)
Millions % d'augmentation
d'habitants 1948-1961
72 1948 (estimation)
195 1 (recensement) 75,9
1961 (recensement, chiffre
93,8 provisoire) +
La production alimentaire a oscillé au gré des bonnes et des mauvaises
moussons, d'où l'impossibilité de comparer une année et une autre. Nous
mesurerons les progrès accomplis en choisissant la moyenne de la production
pour les trois premières et les trois dernières années de notre tableau. Le
gain net est de 3,3 %; en d'autres termes, la production alimentaire est restée
stagnante de 1948 à 1961.
Si nous additionnons production et importations pour les mêmes années,
(1) Report of the Food and Agriculture Commission, Karachi, Government of Pakistan,
November i960, p. 23.
(2) Census of Pakistan 1961, Census Bulletin n° 1, Ministry of Home Affairs,
February 1961.
481 TIERS MONDE
nous parvenons à une augmentation des disponibilités alimentaires de ю %.
La population ayant crû entre- temps de 27,7 %, le niveau alimentaire moyen
par tête aurait baissé de 17,7 % entre 1948 et 1961.
Cette analyse statistique n'est pas très convaincante, elle est caractéristique
des obstacles rencontrés par l'économiste dans de nombreux pays sous-
développés. Que la production n'ait pas répondu aux besoins de la population
est un fait évident; l'évolution des importations, dont les chiffres peuvent être
recoupés sans peine, le confirme. En revanche, affirmer, comme nos calculs
nous y invitent, que le niveau moyen de la consommation a baissé de 17,7 %
paraît assez hasardeux. Une telle chute n'aurait-elle pas entraîné une disette
proche de la famine ? Même si le niveau alimentaire est insuffisant en quantité
et en qualité, il n'est pas certain que nos calculs en donnent un authentique
reflet.
Faut-il mettre en doute les recensements de 1951 et 1961? Depuis 1891,
un recensement avait lieu tous les 10 ans dans l'Empire des Indes. Le premier du Pakistan en 195 1 n'a pas donné de chiffres nettement discor
dants par rapport aux décennies antérieures. Quant à l'accélération démo
graphique survenue entre 1951 et 1961, elle n'a rien d'exceptionnel comparée
à celle d'autres pays asiatiques. Les mêmes tendances se retrouvent en Inde
par exemple.
Si les chiffres de la population et des importations sont relativement
corrects, c'est alors la production qui est évaluée de man