Quelques prolongements sociaux des pratiques horticoles et culinaires chez les indiens Witoto   ; n°1 ; vol.60, pg 317-327
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Journal de la Société des Américanistes - Année 1971 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 317-327
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Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Jürg Gasché
Quelques prolongements sociaux des pratiques horticoles et
culinaires chez les indiens Witoto
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 60, 1971. pp. 317-327.
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Gasché Jürg. Quelques prolongements sociaux des pratiques horticoles et culinaires chez les indiens Witoto . In: Journal de la
Société des Américanistes. Tome 60, 1971. pp. 317-327.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1971_num_60_1_2981QUELQUES PROLONGEMENTS SOCIAUX
DES PRATIQUES HORTICOLES
ET CULINAIRES CHEZ LES INDIENS WITOTO
Le texte qui suit présente quelques aspects de l'horticulture witoto, non
d'une façon descriptive, mais dans leur répercussion sociale, en complément
d'un film illustrant principalement les techniques de plantation *. Nos obser
vations relatives au système horticole witoto obligent à reconnaître que le
milieu naturel est moins contraignant pour l'homme, et permet plus de varia
tions culturelles, que certains auteurs captifs d'une pensée linéaire et déter
ministe n'ont voulu l'admettre.
La minutie et l'abondance des détails relevés pourraient paraître exagérées
à certains ; au contraire, ces détails nous semblent indispensables si l'on veut
mettre en évidence à la fois la richesse des variations culturelles et le degré
d'élaboration des systèmes d'opposition. Dans la suite de nos travaux, nous
espérons pouvoir aller encore plus loin dans ce sens.
1. Plantes cultivées, échange cérémoniel et division sexuelle du travail.
Le régime alimentaire des Witoto 2 est fondé sur le manioc amer d'une part,
sur la pêche d'autre part, le premier procurant de loin la plus grosse part des
glucides, le second fournissant la majorité des protides. Bien que le gibier ne
soit pas rare dans la région qu'habitent les Witoto, la chasse est, au moins
dans le groupe que j'ai fréquenté, pratiquée de façon plus sporadique que la
pêche.
A côté du manioc, les Witoto possèdent toute une gamme de produits horti
coles dont j'énumérerai ceux que j'ai pu observer moi-même :
Ils distinguent au moins six variétés de manioc amer, qu'ils désignent par
des termes qui sont en partie traduisibles : le « manioc véritable » uátofe 3, le
1. « La chacra », en collaboration avec J. D. Lajoux, Musée des Arts et Traditions Popul
aires — édité par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique.
2. Les Witoto sont une population indienne de l'Amazonie colombienne. Les données sur
lesquelles s'appuie cette étude ont été recueillies dans le groupe jitômagaro, « soleil », sur le
Haut-Igaraparaná (région de La Chorrera), au cours de l'expédition financée par le Fonds
National Suisse pour la Recherche Scientifique, la « Werner Reimers Stiftung fur anthropo-
genetische Forschung », Bad-Homburg, le Centre National de la Recherche Scientifique,
Paris, et la « Smithsonian Institution », Washington.
3. Nous utilisons un système de transcription adapté à l'alphabet espagnol : /, spirante
bilabiale ; z, fricative apicodentale sourde ; II, occlusive prépalatale sonore ; ň, nasale pré- 318 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
« manioc de pierre », nofïnitofe, le « manioc à râper », tïratofe, le « manioc des
Bora », bôraitofe, le llabuti et le mallóka. Les trois dernières variétés sont d'ori
gine étrangère, comme l'indique le nom lui-même, ou comme le laisse supposer
la consonance et la formation des noms. Parmi les trois variétés de manioc
doux, l'une, kokáma máika, provient des Kokama, donc d'une tribu tupi du Bas-
Putumayo comme le dit son nom et la tradition ; elle est peu répandue et des
tinée surtout à la préparation de la « chicha », boisson qui, dans l'aire culturelle
envisagée, est d'introduction récente.
Parmi les autres plantes à tubercules, nous avons relevé : l'igname, jakaijï
(Dioscorea sp.), la patate douce, refijï (Ipomea batata), deux espèces de Xantho-
soma, ïfo uiféňo et urajï, dont le « chou caraïbe », une espèce de taro, esp.
« mafafa » meníňo urajï ou kïojï (Colocasia sp.), une espèce de Caladium, zúiji
une espèce de Canna, bedingo, et un espèce de Calathea, tubujï 4
Si nous ajoutons tout de suite l'arachide, mazâkajï (Arachis hypogaea),
dont les Witoto distinguent au moins cinq variétés par la couleur de la pelli
cule qui entoure le grain, nous aurons la liste complète des produits souterrains
de la « chacra ». Si je les ai groupés ensemble, c'est pour suivre la classification
witoto telle qu'elle se manifeste — non pas dans les commentaires indigènes,
ni au niveau des moyens distinctifs de la langue (par une opposition de suffixes,
par exemple) — mais telle qu'elle se révèle dans le système des échanges céré-
moniels.
A chaque unité locale, à chaque maloca (maison plurifamiliale) est attachée
une carrière cérémonielle dont l'exécutant et dirigeant est le chef de la mai
sonnée, le père (fils aîné). Il y a quatre carrières qui sont, dans l'ordre hiérar
chique, allant de la plus prestigieuse à la plus modeste, le lladiko, le zïkïi, le
menizai et le lluaï. Au centre des fêtes des trois premières carrières — donc
des plus valorisées — a lieu entre le maître de fête, sa maisonnée et ses alliés
par mariage d'une part, et le partenaire cérémoniel, sa maisonnée, et les habi
tants invités des malocas environnantes, d'autre part, un échange de produits
souterrains de la « chacra » fournis par les premiers, contre du gibier apporté
par les seconds. Dans le lluaï par contre, la quatrième des fêtes, les mêmes
produits souterrains sont échangés contre des fruits associés aux poissons.
Les fruits et poissons d'une part, le gibier d'autre part, s'opposent dans ce
système, ensemble, aux produits souterrains de la « chacra ».
L'association des fruits et poissons est rendue verbalement explicite dans
un mythe qui raconte qu'au cours de l'abattage de Г « arbre de Cocagne »
— l'arbre qui portait tous les fruits comestibles — par une première humanité,
les copeaux se sont transformés en poissons et qu'à la suite de la chute de l'arbre,
son tronc s'est transformé, en rivière principale, les branches en ses affluents et
les feuilles en lagunes.
L'association entre les fruits saisonniers, les eaux du fleuve et les poissons
se révèle aussi dans la terminologie. Celle-ci utilise les racines des mots signifiant
palatale ; ng, nasale vélaire ; j, spirante glottale ; b, d, g sont toujours des occlusives ; î, voyelle
d'arrière aux lèvres rétractées.
1. Ces identifications de genres botaniques ont été faites au Laboratoire de Phanérogamie
du Museum National d'Histoire Naturelle de Paris, à l'aide de photographies en couleurs. MÉLANGES ET NOUVELLES 319
Г « umari » jaune, Г « umari » vert (Poraqueiba sp.) et le « canangucho » (Maur
itia flexuosa) pour désigner les crues du fleuve, qui surviennent habituellement
au temps du mûrissement de ces fruits, et les poissons — et oiseaux — qui
sortent des œufs à la même époque : llïzaiji, « crue au temps du mûrissement
de Г " umari " jaune », llïzaie, « poissons (oiseaux) qui sortent des œufs à la
même époque » ; nékaji, « crue au temps du mûrissement de Г " umari " vert » ;
nékaïe, « poissons (oiseaux) qui sortent des œufs à la même époque » ; kïneji,
« crue au temps du mûrissement du " canangucho " ».
Dans l'échange du lluaï, la notion de fruits englobe aussi bien les fruits sau
vages que les fruits cultivés ; ceci est important à relever puisque nous parlons
d'horticulture et que l'ethnologue a, par sa formation, une forte tendance à
vouloir distinguer surtout ce qui est cultivé de ce qui ne l'est pas.
Dans la culture witoto, le passage de l'un à l'autre est d'ailleurs flou, car
les indiens savent qu'ils pourraient planter, s'ils le voulaient, les arbres fruitiers
de la forêt, et parfois ils le font (exemples : ukurai, ? ; « canangucho », kïnêna ;
« milpeso », komáiňa, Oenocarpus bataua

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