Síran, J.-L. — L illusion mythique  ; n°1 ; vol.85, pg 433-439
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Journal de la Société des Américanistes - Année 1999 - Volume 85 - Numéro 1 - Pages 433-439
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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

Aurore Monod-Becquelin
Síran, J.-L. — L'illusion mythique
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 85, 1999. pp. 433-439.
Citer ce document / Cite this document :
Monod-Becquelin Aurore. Síran, J.-L. — L'illusion mythique. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 85, 1999. pp.
433-439.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1999_num_85_1_1749COMPTES RENDUS
Síran, Jean-Louis — L'illusion mythique, Institut synthélabo pour le progrès de la
connaissance, Collection Les empêcheurs de penser en rond, Le Plessis-Robinson,
1998, 127 p.
Le thème du livre de J.-L. Siran est la tradition orale, son inspiration ressort de la
mouvance post-moderniste, la critique porte sur l'utilisation par les anthropologues
du terme « mythe » et sur l'association implicite qu'ils font de « mythe » avec « pensée
mythique ». L'auteur reprend à sa manière une attaque relativement ancienne contre
les adeptes du fossé ontologique entre la population des « nous » scientifiques et
supérieurs et celle constituée par « les autres » doués de pensée mythique et donc
inférieurs. Il introduit parallèlement une dénonciation contre les positions de pouvoir
plus ou moins associées, à ce que l'on croit comprendre, au structuralisme, tradition de
ceux-là mêmes qui croient aux mythes. Contrastant expérience et expérimentation,
sens commun et connaissance rationnelle, vécu et scientificité, insistant sur l'irratio
nalité qui pénètre le rationnel et militant pour l'unicité de l'esprit humain — ce que
d'autres disciplines savent mieux faire que nous — , il renvoie les « mytheux » ronger
leur os structuraliste et, pour combler le fossé entre les savants et les vivants, il propose
la notion de scheme — terme qui n'est pas tout à fait vierge non plus — , élément
organisateur et mixte, à la fois médiation de l'ordre du culturel entre les deux
universaux que sont la sensibilité (au sens de perception) et l'entendement (au sens de
capacité biologique), et en amont de toute expression pratique ou langagière, info
rmant le dire et le faire. Il reste peu explicite quant au niveau auquel se situe cette
construction et quant aux méthodes d'analyse qui en découlent.
1. Rien n'est mythe. De l'étiquette et de ce qu'elle cache.
La première cible est le terme (et l'objet) « mythe ». En croyant se battre contre
l'objet, Siran en fait se bat plus contre l'étiquette et attaque davantage l'utilisation du
mot « mythe » qu'il ne discute du matériau lui-même et de son traitement (évidem
ment puisque, pour lui, le mythe n'existe pas). Quelques citations du leit-motiv
anti-mythe donneront le ton : le mot « mythe » cache une prénotion (p. 62), « aveugle
et aveuglante » (49), « fille des amours avouées de l'évolutionisme avec l'impéria
lisme » ; « il n'est de mythe que dans la tête de l'ethnographe » (28) ; de même que
« idole » et « fétiche » ont disparu, « mythe » doit s'effacer (22), ce serait un progrès
théorique que de s'en débarrasser (22) et de l'abandonner « aux joutes télévisuelles et
aux dépliants touristiques » (106). La rage de l'auteur contre cette terminologie 434 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
(mythe, mythique, mythologique) l'engage à dire qu'elle met à mort la curiosité et la
réflexion (34). Parce que l'étiquette ne convient pas à tous les cas, parce que les
anthropologues qui se préoccupent de mythes n'ont pas une définition canonique et
universelle du terme, il préconise de jeter le contenu avec l'étiquette, le bébé en même
temps que l'eau du bain !
— Le premier argument, banal, vient de la non-correspondance des catégories de la
tradition orale, dont la taxinomie, c'est-à-dire en gros les genres — importants à définir
pour certains niveaux d'interprétation du contenu — est chose malaisée, difficilement
labellisable dans des traditions complètement différentes, et qui met en jeu des indices
prosodiques, grammaticaux, lexicaux, des contraintes et des variations sémantiques et
rhétoriques dont l'analyse est longue. Il n'y a pas de définition claire et non ambiguë
des mythes chez les Zuni ou les Dogon, déclare-t-il : la mythologie zuni rassemble des
histoires des origines et d'autres types de récits très différents (40) ; chez les Dogons, le
genre est si difficile à cerner qu'il s'évanouit sous les analyses ou s'effrite en « rense
ignements consignés » et « fiches documentaires » (48) ; quant aux Palawan, ils ne
racontent pas « spontanément » des mythes. On pourra observer que, de toutes
façons, les informateurs ne disent guère « spontanément » : « voici ma cousine croisée
matrilatérale », ni « allez écouter chez le forgeron ce qui concerne l'inframonde ».
Bref, le mythe sentirait par trop le montage ou même la fabrication. Mais qu'est-ce
qui n'est pas un montage dans la relation d'une parole dite ? A un moment donné, au
moins en Amérique, ce qu'on appelle « mythe » est un récit recueilli, transcrit, traduit,
selon la vieille et précieuse trilogie. Et à ce prix, il sera, au même titre que d'autres
paroles, un témoignage exemplaire de ce travail permanent de l'esprit humain que
Siran veut atteindre : ce jour de 1933, l'histoire de Soleil et Lune a été ainsi racontée au
bord du fleuve Xingu, un frais matin d'hiver au seuil de la saison sèche, à un Blanc du
Nord qui ne comprenait guère et à cinq enfants qui traînaient par là. Il est possible
qu'en Afrique, en dehors des préposés aux récits ou des puissants en place qui peuvent
raconter un mythe de souveraineté, le mythe soit morceaux. Siran le dit lui-même,
« il » n'est pas attaché à une forme déterminée. Qu'importe le flacon... défendons le
statut des morceaux.
— En dehors du problème de la mauvaise étiquette, le second argument vise le
contenu lui-même : le contenu mythique n'existe pas.
L'auteur n'ayant jamais entendu de mythe en infère qu'il n'existe pas. Le mythe est
du vide. On le fabrique pour les besoins de la cause, — c'est-à-dire le type d'analyse
que l'on veut produire — , les maîtres en mythologie feraient donc mieux que les
scientifiques puisqu'ils construisent leur objet à partir de rien. Déni du mythe. Le plus
petit dénominateur commun de tous ceux qui en ont fait leur objet serait, d'après
l'analyse de Siran, de faire « mythe » le discours de ceux dont on ne partage pas les
présupposés culturels. Point n'est besoin de faire de l'épistémologie pour comprendre
que le fait est construit, un certain Descartes, parmi beaucoup d'autres, a même dit
pourquoi. Mais on peut s'élever contre l'idée qu'il est construit à partir de rien. Il est
fils de la mémoire et de l'oubli, au même titre que d'autres genres de toute tradition
orale, mais avec des lois différentes, qu'il faut découvrir et comprendre.
— Autre gêne apparemment pour l'africaniste : ceux qui racontent les mythes, les
énonciateurs, comme on dit, s'incluent souvent dans l'histoire, et mêlent mémoire de la COMPTES RENDUS 435
tradition et souvenir personnel d'une expérience vécue avec le monde des temps, des
faits, des gestes et des esprits.
Mais il n'y a là rien que de très naturel : la narration du plus traditionnel mythe
d'origine amérindien est effectivement prétexte, support, ou même argument pour
d'autres messages totalement contemporains, brûlants d'une actualité d'hier ou
d'aujourd'hui. Il est un niveau de sens relatif à l'apparition du feu ou des Pléiades, et
l'on peut en traiter. Il est d'autres niveaux de sens, qui appartiennent à la narration en
même temps qu'ils la formatent : le genre, l'occasion, le temps, le lieu, les interlocut
eurs, d'autres éléments encore font varier la narration, chacun avec son propre lot de
contraintes et de libertés. Est légitime l'approche macroscopique qui se préoccupe des
grands thèmes à l'échelle d'un continent et de leurs variations interculturelles ; est
légitime l'approche microscopique qui ne se préoccupe que de l'interaction entre les
partenaires

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