Sur le prétendu hégélianisme de Taine - article ; n°32 ; vol.11, pg 13-22
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Description

Romantisme - Année 1981 - Volume 11 - Numéro 32 - Pages 13-22
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 11
Langue Français

Extrait

Jean-Louis Dumas
Sur le prétendu hégélianisme de Taine
In: Romantisme, 1981, n°32. pp. 13-22.
Citer ce document / Cite this document :
Dumas Jean-Louis. Sur le prétendu hégélianisme de Taine. In: Romantisme, 1981, n°32. pp. 13-22.
doi : 10.3406/roman.1981.4488
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1981_num_11_32_4488Jean-Louis Dumas
Sur le prétendu hégélianisme de Taine
Aux yeux du grand public, Taine est avant tout un historien.
On connaît moins le philosophe. On sait encore moins qu'il fut l'un
des premiers lecteurs français de Hegel et qu'il voulut vraisembla
blement être le Hegel français. Toujours est-il que c'est en ce qui
concerne l'histoire et la philosophie de l'histoire, que l'influence de
Hegel sur Taine a été examinée jusqu'à présent, et beaucoup moins
en philosophie générale.
Nous disposons seulement du livre d'un certain Otto Engel,
Hegels Einfluss auf Taine, et de l'étude de D. D. Rosca, parue en
1928 : L'Influence de Hegel sur Taine théoricien de la connaissance
et de l'art. L'auteur insiste sur la lecture que fît Taine de la Logique
de Hegel. Il convient de rappeler que cette « logique » est bien plutôt
une ontologie (1). Sans doute elle étudie des catégories, mais la réalité
trouve dans celles-ci l'armature qui la porte et elle ne peut donc être
comprise qu'en fonction de cette armature. La logique est l'armature
fondamentale que la réalité n'aurait, par suite, qu'à revêtir de la pléni
tude du concret. Il y a enchevêtrement total de la logique et de la
philosophie du réel (2). Mais cette logique montre une structure con
ceptuelle de la réalité fondée sur la contradiction (3) : autrement dit
la réalité foncière est contradictoire et dialectique. La dialectique n'est
pas une création arbitraire du philosophe : c'est la même
du réel qui se dépose dans l'esprit du philosophe.
On peut admettre que Taine emprunte à Hegel l'idée d'un but
dernier que la connaissance doit atteindre ; que, pour rendre possible
la réalisation de cet idéal, Taine, en recourant souvent à Hegel, s'efforce
de donner à la un fondement absolu, en posant un certain
rapport entre la pensée et l'être (4). Mais Rosca nous fait lui-même
entrevoir « certaines barrières que la pensée de Taine élèvera spontané
ment et à son insu, contre l'influence qu'exercera sur elle la dialectique
de Hegel » (5). Nous verrons que les divergences entre les deux auteurs
sont encore bien plus profondes.
Isolé au milieu de ses contemporains, Taine nourrit une rare ambit
ion, la même ambition que Hegel. Il est convaincu que l'idéal suprême
(1) J. Ну ppolite, Logique et existence, Paris, 1961.
(2) Th. Litt, Hegel : essai de renouvellement critique, trad., Paris, 1973.
(3) Ch. Taylor, Hegel, Cambridge, 1977.
(4) D. D. Rosca, L Influence de Hegel sur Taine, Paris, 1 928, p. 57.
(5) Ibid., p. 36, n. 1. Jean-Louis Dumas 14
assigné par Hegel à la connaissance est réalisable et doit être réalisé (6).
Cet idéal est l'établissement d'une chaîne deductive sans discontinuité,
constituant la trame essentielle de la réalité empirique, et la réduction
ultime de tous les faits et de toutes les lois partielles, à une loi unique,
d'où l'on puisse déduire, avec nécessité, toutes les formes de l'être ou,
tout au moins, les formes essentielles de l'être. La critique kantienne
est vaine : notre esprit connaît la réalité en soi, « nous sommes capables
de connaissances absolues et sans limites » (7). Comme Hegel, Taine
affirme l'intelligibilité de l'être, la rationalité globale du réel ; pour lui
aussi, les rapports qui régissent les choses en tant que telles sont des
rapports identiques à ceux qui régissent les concepts de l'esprit, c'est-
à-dire ce sont des rapports logiques. Dans Les Philosophes classiques,
M. Paul, le déductif, le systématique, exprime l'idée que se faisait
Taine lui-même d'une science achevée et idéale, pyramide de causes (8),
ensemble architectonique, et il prononce un véritable hymne à la logi
que. Taine a toujours nourri cet idéal constructiviste, n'hésitant pas
à dire : « La science expérimentale tout entière ressemble à une cathé
drale commencée à la fois sur plusieurs points. Ses piliers sont de hau
teur inégale, les uns presque achevés, les autres à demi bâtis, les autres
enfin à peine munis de leurs premières assises. Mais tous indiquent,
par leur amincissement graduel et leur direction convergente, qu'une
voûte supérieure doit les réunir. » (9) Ce passage est tiré du chapitre
de L'Intelligence sur la raison explicative des choses, texte qui célèbre
la fécondité de l'abstrait et qui accorde au syllogisme la même impor
tance que Hegel (10).
En hégélien fidèle, Taine attribue aux concepts le double carac
tère de réalité et d'efficacité. De réalité, puisqu'il affirme le ontologique du concept : le livre IV de la Ile partie de Ylntel-
ligence développe la thèse que « la structure du monde idéal et du
monde réel est la même », et que le réel, dans son ensemble, est pensée.
Or Hegel déclarait de son côté : « [...] la vraie objectivité de la pensée
doit être ainsi comprise : les pensées ne sont pas seulement nos pensées
à nous, mais elles sont en même temps Геп-soi des choses et, d'une
façon générale, de tout ce qui est réel » (11) ; en d'autres termes,
l'esprit se connaît lui-même pendant qu'il cherche à pénétrer dans le
fond caché de l'être (12). Par conséquent, c'est d'accord avec Hegel
que Taine affirme que l'être est, dans son essence, pensée, concept,
idée. Par moments, c'est presque l'univers leibnizien, c'est presque un
panpsychisme que nous suggère l'auteur de L'Intelligence : l'élément
(6) « Les écrits proprement philosophiques de Taine se présentent, tous, comme
un plaidoyer éloquent et ardent en faveur d'une certaine idée qu'il se faisait de la
connaissance et du but dernier que celle-ci devait, selon, lui, atteindre. » Rosca,
ouvr. cite, p. 64.
(7) Taine, Hist, de la Littér. angl, 6e éd., t. V, p. 365.
(8) Les Philosophes classiques..., p. 367.
(9) De L Intelligence, 1 le éd., p. 426.
(10) ibid., p. 391.
(11) Hegel, Werke, t. VI, p. 88-89.
(12)t. VII, p. 22, 331. le prétendu hégélianisme de Taine 1 5 Sur
universel est la sensation, qui elle-même se réduit à un groupe de
mouvements moléculaires ; les corps se ramènent à leurs mouvements :
mais le mouvement, considéré directement en lui-même et non plus
directement par la perception extérieure, se ramène
« à une suite continue de sensations infiniment simplifées et réduites.
Ainsi les événements physiques ne sont qu'une forme rudimentaire des évé
nements moraux, et nous arrivons à concevoir le corps sur le modèle de
l'esprit. L'un et l'autre sont un courant d'événements homogènes que la cons
cience appelle des sensations, et qui, de leur nature, sont toujours en train
de naître et de périr. A côté de la gerbe lumineuse qui est nous-même, il
en est d'autres analogues qui composent le monde corporel [...] Une infinité
de fusées, toutes de même espèce, qui, à divers degrés de complication et
de hauteur, s'élancent et redescendent incessamment et éternellement dans
la noirceur du vide, voilà les êtres physiques et moraux ; chacun d'eux n'est
qu'une ligne d'événements dont rien ne dure que la forme, et l'on peut se
représenter la nature comme une grande auréole boréale. Un écoulement
universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que
pour s'éteindre et se rallumer et s'éteindre encore sans trêve ni fin, tels
sont les caractères du monde. » (13)
D'autre part Yefficacité appartient au concept, qualifié tour à
tour de « générateur », de « créateur », de « producteur ». Chez Taine
comme chez l'auteur de la Logique, la signification logique se double
d'une signification ontologique. Pu

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