Synthèse des débats de la journée d’étude du 25 octobre 2007
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Synthèse des débats de la journée d’étude du 25 octobre 2007

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Compte-rendu d’événement Journée d’étude : « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain » INRS-UCS 25 octobre 2007 Par Vincent Guillon L’espace public de nos métropoles tend à s’enrichir au regard de la diversité des pratiques citadines. Les besoins humains de se déplacer par le biais du seul corps s’enrichissent de la volonté de se dépasser, d’ouvrir ses possibilités. De plus, quels besoins ces différents citadins (piéton, flâneur, joggeur, traceur et danseur) rencontrent-ils lors de leur évolution dans la ville? Que représente l’espace public pour chacun d’eux? Ces figures du corps en mouvement sont-elles un symbole de démocratisation de l’activité physique et de l’art dans la ville? En analysant les différentes figures du corps en mouvement qui n’engagent aucune utilisation d’objets, tels que la planche à roulettes ou la bicyclette, nous serons en mesure de cerner la complexité et la richesse de l’espace public. Cette journée d’étude internationale organisée par le réseau interuniversitaire Villes Régions Monde (VRM) a réuni, le 25 octobre 2007 à l'Institut national de la recherche scientifique, centre Urbanisation, Culture et Société (INRS-UCS) de Montréal, des chercheurs et des pratiquants canadiens, français et italiens pour débattre de trois thèmes : 1- Le corps en mouvement comme découverte et mode de déplacement ; 2- Le corps en mouvement comme expression artistique ; et 3- Le corps en mouvement à l’épreuve de la ville. ...

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Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
1
Compte-rendu d’événement
Journée d’étude : « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
INRS-UCS
25 octobre 2007
Par Vincent Guillon
L’espace public de nos métropoles tend à s’enrichir au regard de la diversité des pratiques
citadines. Les besoins humains de se déplacer par le biais du seul corps s’enrichissent de la
volonté de se dépasser, d’ouvrir ses possibilités. De plus, quels besoins ces différents
citadins (piéton, flâneur, joggeur, traceur et danseur) rencontrent-ils lors de leur évolution
dans la ville? Que représente l’espace public pour chacun d’eux? Ces figures du corps en
mouvement sont-elles un symbole de démocratisation de l’activité physique et de l’art dans
la ville? En analysant les différentes figures du corps en mouvement qui n’engagent aucune
utilisation d’objets, tels que la planche à roulettes ou la bicyclette, nous serons en mesure de
cerner la complexité et la richesse de l’espace public.
Cette journée d’étude internationale organisée par le réseau interuniversitaire Villes Régions
Monde (VRM) a réuni, le 25 octobre 2007 à l'Institut national de la recherche scientifique,
centre Urbanisation, Culture et Société (INRS-UCS) de Montréal, des chercheurs et des
pratiquants canadiens, français et italiens pour débattre de trois thèmes : 1
-
Le corps en
mouvement comme découverte et mode de déplacement ; 2- Le corps en mouvement
comme expression artistique ; et 3- Le corps en mouvement à l’épreuve de la ville.
Axe 1 : le corps en mouvement comme découverte et mode de déplacement
Se déplacer à pied dans la ville constitue désormais un véritable défi, tellement les obstacles
à éviter sont nombreux. La ville n’est vraisemblablement pas conçue à la mesure de ce
mode de déplacement. Pourtant, de plus en plus de citadins le choisissent. Quelles en sont
les raisons? Quelles sont les limites corporelles et spatiales de cette expérience? Ces
questions sont explorées à travers cinq communications, lesquelles s’intéressent tour à tour
à différentes figures de la ville : le flâneur, le piéton, le touriste, l’enfant et l’étudiant.
La figure du flâneur dans la ville
Giampaolo Nuvolati de l’Université de Milan-Bicocca (Italie), dans sa présentation intitulée
The Wandering Gaze, The Flâneur and the City, from Baudelaire to the Postmodernists
,
revient sur la notion du flâneur, de ses origines à son utilisation contemporaine. Son propos
est organisé en cinq points : définitions du flâneur, exemples de flâneur, caractéristiques du
flâneur, le flâneur comme un corps en mouvement et un esprit en contemplation et, enfin, la
relation entre la flânerie et les sciences sociales.
À travers les époques, la représentation du flâneur a évolué. Nuvolati rappelle tout d’abord
les différentes définitions qu’en ont données plusieurs intellectuels depuis celle de Walter
Benjamin dans son œuvre sur les « passagers » et ses essais sur Baudelaire. Le flâneur est
alors lié à un lieu, Paris, et à une période, le XIX
e
siècle, pour désigner poètes et intellectuels
qui, à l’occasion de promenades, observent de façon critique les comportements des
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
2
individus. La flânerie est l’activité de se promener et de regarder à laquelle se livre le flâneur.
Elle va devenir un motif récurrent de la littérature, de la sociologie et de la pratique de la ville.
Dans les débats sociologiques récents, Giddens associe le flâneur au symbole de
l’anonymat de l’espace urbain post-moderne. Pour Bauman, le flâneur est également la
figure typique de la post-modernité en même temps que le vagabond, le touriste et le joueur.
Il parle de privatisation de la flânerie. Le flâneur de la modernité était un paresseux, celui de
la post-modernité est un acquéreur ou encore un « cyberflaneur ». Selon Sennett, le flâneur
renvoie à l’
homo aestheticus
ou à l’
homo ludens
, symbole de narcissisme et d’hédonisme.
Enfin d’après Amin et Thrift, le flâneur conjugue la sensibilité poétique et l’approche
scientifique nécessaires à une bonne lecture de la ville et de ses multiples usages. Nuvolati
présente pour illustrer son propos, plusieurs exemples du flâneur dans la littérature (Balzac,
Gogol, Baudelaire, Dickens, Woolf, Joyce, Pessoa), mais aussi dans la peinture (Guys,
Hopper), dans le cinéma (Lang, Wenders, Visconti) et dans la photographie (Basilico).
Il met ensuite en relation le flâneur avec d’autres figures similaires comme l’intellectuel, le
dandy, le reporter, le hippie, l’artiste, l’immigrant, « l’hyperbourgeois » ou encore certains
touristes. Il fait la distinction entre ces figures dans leur rapport à la foule : le dandy adopte
une attitude blasée ; le touriste est curieux et détaché, alors que le flâneur est impliqué.
L’aptitude du flâneur à reconsidérer le temps et l’espace est également soulignée par
Nuvolati : une perception extraordinaire de la vie ordinaire, des contraintes temporelles et
spatiales moins fortes. Le flâneur est à la fois un étranger dans sa propre ville et un habitant
dans une ville étrangère. Il suggère ensuite un certain nombre de fonctions associées au
flâneur : l’élaboration de produits
à forte signification esthétique et sémiotique
, le
renforcement des traditions ou la production de nouvelles identités locales, la définition de
nouvelles façons d’interpréter et d’être en relation avec les communautés locales. Il recoupe
ces fonctions avec un certain nombre de préjugés associés à la figure du flâneur : c’est un
homme de classe supérieure des pays économiquement avancés ; il privilégie l’esthétique à
l’éthique et il ne rejette, qu’en apparence, les logiques du marché. Nuvolati distingue
également les quatre activités principales du flâneur : penser, observer, marcher doucement
et pratiquer un art comme l’écriture. Ses instruments sont à la fois son cerveau, ses pieds et
ses yeux. L’espace urbain parcouru par le flâneur a également évolué à travers le temps,
pour se déplacer progressivement vers la périphérie des villes et les « non-lieux ». Il est
observé de différentes fenêtres : des autos, des maisons ou encore des vidéos-cameras.
C’est l’allégorie du flâneur mis à nu. Il a en outre tendance à privatiser sa flânerie. C’est
l’exemple du cyberflaneur.
Pour conclure sa présentation, Nuvolati met en relation la flânerie et les sciences sociales. Si
le flâneur est l’objet de l’analyse sociologique, il peut également en être le sujet. Il nous invite
ainsi à dépasser les approches analytiques classiques, les données d’ensemble et les
indicateurs sociaux, pour aller vers des approches davantage qualitatives susceptibles de
prendre en compte les dimensions poétiques et sensorielles de la ville. Il perçoit le
positionnement du flâneur comme privilégié pour lire la complexité sociale, entre
changements rapides et traces du passé. Il distingue néanmoins l’approche cognitive du
scientifique qui produit des indices explicites et mesurables de l’approche émotive du flâneur
dont les productions gardent un sens caché et non explicite. Finalement, Nuvolati propose
une méthode qui permette, dans la lignée de l’École de Chicago, de combiner technologie et
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narration, afin d’améliorer l’analyse sociologique de la ville. Il suggère de tracer le chemin
parcouru par le flâneur à l’aide de la technologie GPS, de réunir des informations sur le
flâneur et à travers celui-ci et, enfin, de mettre en relation l’approche narrative et les données
sociologiques à l’échelle du quartier.
La figure du piéton et du touriste dans la ville
Baptiste Fricau et Danièle Laplace (Université de Pau et des Pays de l’Adour), dans une
communication commune, nous apportent un éclairage sur les pédagogies du déplacement
et de la découverte, telles qu’elles se déploient dans la politique d’aménagement de la ville
de Bordeaux et dans les guides touristiques de la collection « Le Piéton de… ». Dans ces
deux exemples, l’urbaniste et l’auteur de guides touristiques ont en commun d’œuvrer à la
rencontre du corps du piéton avec le « corps de la ville ». Comment le corps est-il pris en
compte dans l’aménagement des quais de Bordeaux (1) et de quelle manière le piéton est-il
intégré dans les guides touristiques (2)? Si l’urbanisme et la pratique touristique valorisent
désormais une certaine liberté d’expérience, il s’agit d’une liberté qui demeure « encadrée »,
« aménagée » et « guidée » en fonction de normes, d’impératifs ou d’autres figures
imposées.
(1) Dans ses travaux sur Bordeaux, Fricau s’interroge sur la prise en compte du corps et de
ses cinq sens dans les outils de l’aménagement. Les quais occupent une place centrale
dans la ville et dans l’identité bordelaise. Dans les années 1970, ils étaient encore liés au
port, puis ils ont abrité une importante voie de circulation automobile au cœur de la ville. Les
éléments touristiques et patrimoniaux des quais étaient alors peu pris en compte. Cette
autoroute urbaine n’a pas été remise en cause jusqu’à l’élection d’Alain Juppé à la mairie de
Bordeaux en 1995. Ce dernier va alors rompre de manière radicale avec la manière de
concevoir la ville et s’engager dans une planification efficace et rapide de cet espace laissé
en friche par le déménagement du port autonome. Le projet urbain poursuit trois objectifs :
polariser l’agglomération sur son centre, lier les deux rives du fleuve et pousser la voiture en
dehors de la ville. Le projet est remporté par le paysagiste Michel Corajoud qui organise
l’aménagement en cinq séquences distinctes. Les quais deviennent accessibles aux piétons
et une politique d’organisation de grands événements est mise en place pour faciliter leur
réappropriation par les Bordelais. La nature et la verdure retrouvent une place dans la ville
avec la création de nombreux jardins. Un miroir d’eau est également installé sur les quais. Il
s’agit en fait d’un bassin mis en scène par l’utilisation de nombreux jeux d’eau. Ce miroir,
précise Fricau, a été totalement approprié par les habitants et les touristes. Un plan
d’éclairage public été conçu afin de mettre en valeur les édifices patrimoniaux. Enfin,
l’aménagement a été pensé à partir de matériaux adaptés aux différents modes de
déplacements : piétons, rollers, vélos. L’accompagnement vers les différentes voies se veut
intuitif. Si les quais offrent une certaine liberté aux individus dans leur pratique de la ville,
cette liberté n’en demeure pas moins encadrée et pourvue de normes.
(2) Danièle Laplace aborde le thème de la pédagogie du déplacement à travers l’étude des
guides touristiques, et plus particulièrement d’une collection française intitulée « Le piéton
de… », laquelle constitue une invitation à marcher, à flâner, à renouveler la pratique et le
regard du touriste. Cette collection est apparue en 2000 à la suite d’une collaboration entre
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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un randonneur et un grand restaurateur. C’est la découverte de la ville au quotidien qui est
proposée au touriste, par opposition à la ville-musée. Ce sont tous les sens qui sont sollicités
et pas seulement le regard. Le guide produit un déplacement de la curiosité de la chose à
voir vers une expérience multisensorielle de la ville. Il s’agit de construire sa propre
expérience de la ville à travers les odeurs, son imagination, etc. L’expérience de la balade
donne du sens à l’itinéraire proposé. Par exemple, l’auteur du guide suggère, pour la visite
des quais de Bordeaux, de se mettre dans la peau d’un visiteur du XVIII
e
siècle et d’imaginer
la ville grouillante. En définitive, le guide invite le lecteur à se passer du guide et à acquérir
une autonomie dans la découverte de la ville.
À travers ces deux registres, Fricau et Laplace proposent une interprétation de
l’aménagement comme liberté de mouvement encadrée (approche normative de l’espace) et
du guide, comme figure imposée ou figure libre.
À l’issue des présentations de Nuvolati et de Fricau/Laplace, la période des questions a
abordé successivement plusieurs thèmes :
-La complémentarité entre l’expérience piétonne et le transport en commun. De quelle
manière se fait la connectivité entre les espaces et l’expérience physique du corps qui est en
mouvement dans les transports en commun? À Bordeaux, le corps est dans la rue même
quand on est dans le tramway. Le design urbain est pensé comme un prolongement de
l’expérience piétonne. Le tramway constitue également un symbole de la réappropriation du
fleuve par la ville. À Montréal, souligne une participante, cette idée pourrait être reprise, car
les rails encore visibles sur les quais sont perçus comme une barrière. Le tramway permet
aussi aux personnes à mobilité réduite de flâner.
-S’agissant de l’intervention de Nuvolati, un participant note que la relation entre le corps et
l’esprit est encore plus importante pour le flâneur que pour n’importe qui d’autre. Il doit en
effet interpréter et donner du sens à ce qu’il voit, tout en se déplaçant et en utilisant son
corps. Ce qui différencie le joggeur du flâneur, c’est, d’une part, la souffrance due à l’activité
et, d’autre part, la priorisation du corps sur l’esprit. De même, il existe une différence entre le
touriste et le flâneur. Ce dernier cherche une combinaison entre l’ordinaire et l’extraordinaire,
alors que le touriste est exclusivement en quête d’extraordinaire.
-La démocratisation de la figure post-moderne du flâneur. Le flâneur à l’ère post-moderne
n’existe plus dans son sens littéral. Il y a une privatisation de la flânerie avec Internet et la
figure du cyberflâneur. Tout le monde peut désormais flâner.
La figure de l’enfant dans la ville
Marie Lessard et Paul Lewis (Université de Montréal) abordent dans leur présentation une
situation très différente des précédentes, puisqu’ils s’intéressent à un mouvement
fonctionnel : le déplacement des enfants entre l’école et la maison. Ils font part des premiers
résultats d’une enquête qui a été réalisée au printemps 2007 auprès de 1 200 parents
d’élèves d’une soixantaine d’écoles primaires de Montréal et de Trois-Rivières, tant dans le
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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secteur public que dans le secteur privé. La marche ne représente plus que 25% des
déplacements des élèves du primaire.
Le transport actif (marche et vélo essentiellement) est nettement en déclin. Lessard et Lewis
évoquent plusieurs éléments explicatifs : l’aménagement et les structures urbaines
(étalement de la ville, faibles densités), la démographie et l’évolution des modes de vie
(dénatalité et accélération du rythme de nos activités quotidiennes), l’augmentation de la
distance entre la maison et l’école, la question de la sécurité, ou encore les déplacements
des parents qui se font de plus en plus en voiture. La mobilité des enfants est donc de moins
en moins autonome, ce qui présente un certain nombre de conséquences sur leur rapport à
l’espace urbain. L’enfant a plus de difficultés à développer ses propres repères et à
comprendre son environnement s’il est accompagné. Les parents cherchent à garder les
enfants dans une situation de dépendance. Ce sont eux qui décident des modes de
déplacement de leurs enfants, principalement en fonction d’une perception de la sécurité
plus ou moins négative. Le design de l’environnement apparaît au contraire comme un
élément mineur dans la construction de leurs choix. Lessard et Lewis soulignent également
l’existence de facteurs modérateurs sur la perception de l’environnement et la prise de
décision en fonction de critères socioculturels.
L’enquête a été menée dans une grande variété d’établissements comprenant tous types de
milieux
et
d’espaces
géographiques : écoles de quartier, écoles privées, écoles
francophones, écoles anglophones, écoles à vocation particulières, etc. Dans les écoles
francophones, la marche constitue un mode de déplacement plus important que dans les
autres établissements. La distance entre l’école et le domicile est, dans ce cas, la plus faible,
ce qui met en évidence l’existence d’un lien entre la distance et la marche. À l’autre
extrémité se situent les écoles anglophones où 87% des déplacements se font en
automobiles. La raison principale expliquant les déplacements à pied est donc la proximité
de l’école. À moins de 600 mètres, la marche reste le premier mode de déplacement. Au-
delà de cette distance, c’est l’automobile puis le transport scolaire qui prennent le dessus
pour les élèves du primaire. Concernant l’âge auquel les parents estiment que leur enfant
peut marcher seul dans son quartier, l’enquête montre une grande homogénéité des
réponses, puisque l’âge moyen se situe, dans tous les cas, entre 8 et 10 ans. L’étude tend à
confirmer l’hypothèse de McMillan sur l’influence marginale du design urbain dans les choix
de déplacement. Lessard et Lewis notent également une tendance à l’ajustement des
systèmes scolaires qui a des conséquences importantes sur l’évolution des modes de
déplacement : diminution du nombre d’écoles de quartier et augmentation du nombre
d’écoles spécialisées. L’enquête de terrain met également en évidence que si le rapport à la
ville constitue un élément important des choix de modes de déplacement, le rapport à l’école
est d’autant plus un facteur à considérer.
L’étudiant dans la ville : nouvelle approche pédagogique
Daniel Gill (Université de Montréal) présente une expérience pédagogique mobilisant les
nouvelles technologies, sur le thème de la temporalité et des usages des espaces publics.
La ville vit désormais en continu, 24 heures sur 24, au gré des rythmes personnalisés de
chaque
individu.
La
désynchronisation
des
temps
sociaux
s’accompagne
d’une
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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individualisation des comportements et des modes de vie. L’urbanisme fonctionnaliste, qui
avait pour référence l’espace physique et l’espace des lieux, est remis en question dans ce
nouvel ordre organisé par l’espace des flux. Cette évolution suppose de nouvelles approches
temporelles de la compréhension de l’espace et de son organisation. C’est dans cette
perspective que Gill a mis en place l’exercice pédagogique « 36 heures chrono ». Il s’agit
d’un exercice d’observation de l’espace dans sa dimension temporelle. Par équipe de quatre
ou cinq personnes, les étudiants sont invités à observer pendant 36 heures consécutives, de
6 h le vendredi à 18 h le samedi, les rapports des acteurs et des passants à l’espace public
urbain. Le résultat est mis en forme par la réalisation d’un vidéoclip d’une dizaine de minutes
dans lequel les étudiants abordent des thèmes comme la temporalité, la mobilité,
l’individualisation, l’itinérance et la ségrégation. L’objectif de l’exercice se situe dans le
développement d’une approche plus sensorielle et émotive de la ville. Il s’agit également de
provoquer des questionnements sur les rapports entre les sédentaires et les nomades, les
résidants et les chalands. À qui, en définitive, appartient l’espace public ? Gill illustre son
propos par la projection d’extraits de clips réalisés au cours de l’atelier. Cette approche
pédagogique, par les nouvelles technologies, présente un intérêt immédiat dans le sens où
elle permet de parler de réalités dont il est difficile de rendre compte par écrit (la drogue, la
sexualité dans la ville, l’itinérance, etc.). Les étudiants semblent d’ailleurs disposer d’une
plus grande aptitude et d’une plus grande maîtrise du discours par la vidéo que par l’écriture.
Gill note qu’ils n’ont pas la capacité de mettre par écrit ce qu’ils observent lorsqu’il s’agit
d’approches sensorielles et souvent ignorées de la ville.
À l’issue des présentations de Lessard/Lewis et de Gill, la période des questions a abordé
successivement plusieurs thèmes :
-Le problème des certificats d’éthique pour les vidéoclips ne s’est pas vraiment posé dans la
mesure où les personnes filmées ne sont pas mises en évidence.
-Le travail d’écriture, d’après la vidéo réalisée par les étudiants, ne constitue pas une
transcription écrite de l’image. Les résultats ne sont pas homogènes, certains utilisant une
forme d’écriture aussi artistique que l’image, et d’autres préférant revenir à des codes plus
académiques.
-Ces travaux n’ont pas de prétention scientifique. Il n’y a pas d’objectifs de production de
connaissances.
-Concernant le problème de l’enfant-piéton, il semble que des discussions commencent à
apparaître entre les municipalités et les commissions scolaires. Mais la majorité des acteurs
ne se sentent pas concernés, le désengagement étant accentué par l’absence
d’équipements et de marché en rapport avec ces questions.
-Le débat est polarisé entre la santé et la sécurité. On cherche à culpabiliser le piéton en le
rendant responsable de ses accidents.
-La stratégie parentale de choix résidentiel ne se fait pas prioritairement en fonction de la
situation de l’école.
-Des expériences d’accompagnement à pied de groupes d’enfants commencent à se
manifester à Montréal comme celle des pédibus. La municipalité de Montréal semble
également opérer un changement d’approche concernant les transports actifs.
-Les zones scolaires sont souvent très dangereuses à cause des parents pressés qui roulent
pour se rendre à l’école y déposer leurs enfants. On hésite également à protéger les enfants
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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autour des écoles, par peur de générer des difficultés de circulation qui seraient ainsi mal
reçues par un public sans cesse pressé !
Axe 2 : le corps en mouvement comme expression artistique
Le second axe de la journée d’étude se concentre sur un autre aspect du corps en
mouvement dans la ville avec la présentation d’expériences artistiques
in situ
. Deux
préoccupations se recoupent dans les présentations de Wendy Mendes (Université de
Toronto) et d’Harold Rhéaume (
Compagnie Fils d’Adrien
) qui interrogent à la fois les
conventions liées à la création artistique et à la pratique de la ville : l’espace public comme
espace scénique et le passant comme spectateur.
Le corps, les espaces publics et la performance artistique
Parallèlement à ses activités de recherches, Wendy Mendes est acrobate. Elle présente une
série de réflexion sur un travail qu’elle a mené en collaboration avec un photographe dans
trois villes : Paris, Toronto et Vancouver. Elle propose de croiser le regard de l’artiste et celui
du chercheur au sujet d’une performance intitulée
Posiciones invertidas
(positions
inversées). Il s’agit, à travers la réalisation de photos et de vidéos, de capturer les
performances dansées et acrobatiques de Mendes qui se déroulent dans divers espaces de
la ville comme le métro, les parcs, les marchés, les places publiques, les quais, etc. Elle
développe dans ses pièces une approche créative et scénarisée de l’espace urbain,
remettant ainsi en question les conventions d’usage et de définition des artefacts urbains,
des espaces publics et des formes bâties. Mendes situe également son projet de recherche
comme une contribution au débat académique sur la démocratie physique, l’inclusion sociale
et le « droit à la ville », mobilisant ainsi un certain nombre de notions comme ceux de « la
ville émancipée » « la ville juste », « la ville durable » ou encore « la ville ouverte ». En
corollaire, son projet artistique trouve un écho dans plusieurs expériences de performances
in situ
qui ont vu le jour depuis le milieu des années 1980.
Sous ces deux aspects, artistique et scientifique, et à travers les inversions de sens et de
posture qu’il produit,
Posiciones invertidas
interroge la ville comme lieu d’inégalité, de
démocratie, de civilité, de tolérance et d’autoréalisation. Les inversions sont de plusieurs
natures : des inversions littérales du corps en mouvement qui brouillent les repères
d’occupation
de
l’espace
urbain
et
des
inversions
d’ordre
méthodologique
et
épistémologique associées à l’originalité de la démarche. Mendes cherche à saisir en quoi le
projet
Posiciones invertidas
interpelle et enrichit le travail des urbanistes et des artistes qui
réfléchissent également aux conditions de cette émancipation. Son exploration utopique et
politique de l’espace urbain vient renforcer l’idée d’un droit d’accès à ce qui est constitutif de
la ville, mais également d’un droit en ce qui a trait à ses transformations, à ses
changements. Dans cette perspective, son propos s’articule autour de trois registres
conceptuels : l’acupuncture sociale et
le beautiful civic engagement
; le ginga et le jeu ; et
enfin, les rencontres historiques et l’intimité.
Lors de la période des questions, Mendes précise qu’il y a eu des réactions assez différentes
selon les villes. À Paris, les gens paraissaient un peu plus blasés. Ailleurs, les personnes
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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étaient plutôt étonnées ou avaient de la peine à comprendre le sens de la performance, ce
qui a pu provoquer des réactions d’anxiété. Les enfants l’accompagnaient parfois dans ses
acrobaties. Enfin, un participant souligne la présence problématique du photographe qui
modifie le positionnement du chercheur.
La place du danseur dans le paysage urbain
Harold Rhéaume est directeur artistique et chorégraphe de la compagnie de danse
Le Fils
d’Adrien
. Le projet qu’il nous présente, intitulé
Le fil de l’histoire
, est un spectacle en cours
de création pour la programmation du 400
ième
anniversaire de la Ville de Québec. Il s’agit
d’un parcours chorégraphique mettant en scène quatre lieux patrimoniaux importants dans
l’histoire de la cité : la cour du Petit Séminaire, la Place Royale, le Musée de la Civilisation
puis l’espace 400
ième
, spécialement aménagé pour les festivités. Le rapport au public est de
première importance dans ce projet, dont l’approche citoyenne et festive est soulignée à de
nombreuses reprises par Rhéaume. Il définit la chorégraphie comme l’activité d’un corps en
mouvement dans un espace donné. En ce sens, nos activités quotidiennes sont une sorte de
chorégraphie.
Rhéaume fait état des nombreuses difficultés à transformer l’espace urbain comme espace
scénique. Il est nécessaire de trouver des procédés de mise en scène qui permettent de
contourner cette contrainte. Les danseurs sont en effet écrasés par l’espace dans la cour du
petit séminaire. Avec la place Royale, le chorégraphe doit faire face à un véritable boulevard
débordant d’activités. Le musée présente une autre difficulté : celle de maintenir l’attention
du spectateur tellement les stimuli extérieurs et les détails offerts par l’espace muséal sont
importants. Comment amener l’œil à se concentrer sur la proposition artistique? Comment
cette proposition peut-elle intégrer l’espace muséal? Rhéaume donne l’exemple d’un
procédé qui lie les danseurs entre eux à l’aide de bâtons : se rassembler comme
communauté pour exister dans l’espace urbain. Il s’agit de trouver une manière de rendre le
corps architectural pour ne pas perdre l’impact de son mouvement dans la ville. Un autre
exemple de procédé réside dans l’utilisation de costumes qui permettent aux danseurs de se
démarquer de leur environnement. L’autre difficulté du déambulatoire réside dans la variété
des sols pratiqués. L’expression du danseur est profondément dépendante des surfaces, le
sol urbain orientant ainsi la forme de la déambulation. Rhéaume se demande s’il faut suivre
ces tracés ou au contraire, trouver des façons nouvelles de les modifier, rejoignant sur ce
point les préoccupations émancipatoires formulées par Wendes.
Ce projet sort résolument la danse de son cadre de diffusion conventionnel. C’est le statut
même de l’œuvre qui change. Elle devient collective, le fruit d’un processus collaboratif avec
le spectateur qui en est le co-auteur. C’est la rencontre avec le spectateur qui fait œuvre. Ce
dernier prend part à la pièce chorégraphique en suivant un fil rouge à la manière du cortège
de la Fête-Dieu. Rhéaume compare les êtres humains de sa chorégraphie à des cellules,
alors que le fil rouge serait le sang qui circule dans l’organisme. Le spectacle se nourrit des
interactions avec le public. Les structures chorégraphiques doivent être souples pour laisser
la place à l’imprévu, à l’impondérable.
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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Axe 3 : le corps en mouvement à l’épreuve de la ville
Le troisième axe de la journée d’étude aborde la mise à l’épreuve du corps dans un espace
urbain qui se révèle rugueux à bien des égards. Laurence Liégeois (INRS-UCS, Montréal)
s’intéresse à l’espace labyrinthique dans les stratégies d’aménagement, alors qu’Amélie
Dubé (INRS-UCS, Montréal) et Sylvie Miaux (INRS-UCS/Centre Léa-Roback-DSP)
s’emploient à présenter une nouvelle forme de pratique artistique et sportive, le Parkour.
L’espace labyrinthique dans la ville
Dans sa présentation intitulée « Le corps contre la ville : espace labyrinthique et contrainte.
Quelles stratégies d’aménagement », Laurence Liégeois interroge le rapport entre le corps et
l’espace sous l’angle de l’aménagement public. Son propos s’organise en trois temps : le
corps contre la ville ou la figure du labyrinthe ; Les parcs Disney, confort de la contrainte ;
Les liens entre les parcs Disney et la ville contemporaine.
La figure du labyrinthe est abordée par Liégeois à travers l’œuvre de Michel Butor,
L’emploi
du temps
. La ville n’est pas un décor, mais il représente le personnage principal du roman.
L’homme veut maîtriser l’espace urbain, mais il ne le comprend pas. La ville est ce labyrinthe
qui résiste à la volonté d’appropriation des individus. Le héros du livre marche beaucoup, il
parcourt la ville et, malgré ses errances, il ne parvient pas à la maîtriser. Le labyrinthe est la
forme canonique de l’espace contraint. Il est à la fois menaçant et ludique. La ville est un
condensé de différents types de labyrinthes, dont les parois sont plus ou moins rigides
(murs, trottoirs, etc.). Ils imposent aux individus certaines restrictions qu’il est difficile de
contourner. La ville, à l’image de celle de Butor, contraint le corps dans son mouvement. Une
autre façon d’illustrer cette idée est présentée par Liégeois avec les parcs Disney. Ceux-ci
se représentent comme des microcosmes de villes par le biais d’un aménagement qui
cherche à créer un simulacre d’urbanité avec ses espaces publics, ses ambiances, ses
transports en commun, son architecture, ses commerces ou encore ses services collectifs.
Disney propose au visiteur une expérience totale en remobilisant le mythe de la petite ville
américaine typique. L’aménagement est poussé à l’extrême. Liégeois s’interroge sur les
mécanismes de cette contrainte. Le plan distribué à l’entrée est difficilement utilisable. Tout
est conçu pour perdre le visiteur et développer son imaginaire. Elle note également
l’absence de barrières dans le parc. Cependant, personne ne marche sur les pelouses ou ne
traverse les parois du labyrinthe. La contrainte s’exerce aussi dans les jeux de proportion
des bâtiments et des formes géométriques. En définitive, le corps est mis à l’épreuve, mais
le risque est toujours contrôlé.
Liégeois aborde dans sa dernière partie, le cas des villes contemporaines dont
l’aménagement des espaces publics est très fortement inspiré depuis vingt ans par les
techniques de traitement de l’espace utilisées dans les parcs Disney. Le thème de la
disneyisation
de l’espace public est devenu un classique de la littérature. Dans les années
1980, les villes s’engagent massivement dans le réaménagement des espaces publics en
leur attribuant des thèmes. Le pouvoir coercitif de l’aménagement est mis en évidence par
plusieurs analyses qui insistent sur la militarisation de l’espace public et sur les stratégies
visant à faire disparaître les indésirables qui ont une « mauvaise pratique » de la ville. Il
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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s’agit pour les aménageurs de réduire les champs des possibles dans l’espace urbain. Pour
conclure, Liégeois précise que dans ce cadre très contraignant, elle croit en la capacité des
individus à détourner l’espace et à le mouler à leurs propres utilisations. La présentation
suivante sur le Parkour, en est une illustration probante.
Le Parkour comme mise à l’épreuve du corps dans la ville
Amélie Dubé et Sylvie Miaux s’intéressent toutes deux à une nouvelle forme de pratique qui
a vu le jour, il y a quelques années en France : le Parkour. Il s’agit d’un art du déplacement
ou d’une activité physique dont l’espace public en est le support. Le Parkour a été créé en
région parisienne par David Bell, qui définit sa pratique de la manière suivante : «
se
déplacer dans la nature et dans la rue, utiliser des surfaces naturelles et artificielles pour
évoluer avec aisance sans sécurité. Elle est la culture de la confiance en soi. Elle est aussi la
capacité d’adaptation à toutes les situations
». Jonathan Rooney, la figure emblématique du
Parkour à Montréal, insiste davantage sur l’aspect « activité physique ». Le Parkour est
désormais largement répandu à travers le monde et ses pratiquants se font appeler des
traceurs. David Bell s’est inspiré d’une méthode naturelle d’activité physique développée par
un officier de marine, Georges Hébert. Cette méthode s’organise autour de dix groupes
fondamentaux qui sont pour la plupart très représentatifs du Parkour. Parmi ces figures
élémentaires, on retrouve la marche, la course, le saut, la quadrupédie, le grimpé et
l’équilibrisme.
Au regard de l’exercice et des lieux dans lesquels le Parkour s’effectue, Dubé et Miaux se
sont intéressées à l’analyse des limites du traceur : les limites relatives au corps et à autrui,
puis celles qui sont inhérentes à l’espace urbain. La mise à l’épreuve du corps, qui constitue
le premier thème de la présentation, est illustrée par une série de vidéos sur les différentes
techniques développées par le traceur : le saut de bras, le saut de précision, le passe
muraille, etc. La complexité de ces différentes figures suppose une bonne connaissance de
son corps. Le traceur doit être capable d’évaluer sa capacité physique à franchir un obstacle
et d’estimer l’ampleur du mouvement à effectuer. Les limites sont également mentales. Le
traceur doit apprendre à surmonter ses peurs et à évaluer les risques associés au choix d’un
passage d’obstacle. Toutefois, il n’est pas forcément le bienvenu dans l’espace public et n’y
a pas toujours un accès facile. C’est la seconde limite : la relation avec autrui. Le traceur
veut utiliser le même chemin que les autres, mais d’une façon différente. Il est, de par son
apparence et son style vestimentaire, souvent assimilé à d’autres groupes comme les
skateurs. Le traceur souhaite ainsi donc se dissocier de cette étiquette et rendre sa pratique
un peu mieux acceptée. Jonathan Rooney explique que l’interaction avec l’autre doit
davantage relever de l’effet de surprise que de la peur et de la méfiance. Mais cette
proximité peut à la fois être perçue comme une intrusion. Le traceur doit souvent faire face
au jugement, à l’incompréhension des autres usagers de l’espace. La dernière limite porte
sur les dimensions physiques de l’espace. Le traceur cherche à trouver un lieu optimal pour
sa pratique en fonction de la morphologie de l’espace et du mobilier urbain. Il essaie en
général d’éviter les espaces privés et privilégie donc les espaces publics ou semi-publics
comme les entrées de bâtiments. Mais ces espaces peuvent être surveillés et parfois les
traceurs n’y ont pas accès.
Compte rendu : Journée d’étude « Les figures du corps en mouvement au cœur de l’espace urbain »
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Conclusion et débat
Comment accepter et comment composer avec la diversité des usages dans un espace
public? Dans quelle mesure cet espace public est-il accessible à tous? Le traceur évolue
dans un espace qui n’est pas toujours propice et fréquemment restreint. L’accessibilité de
tous à l’espace public se voit souvent réduite aux questions de déplacement et de
circulation, ce qui laisse peu de place à d’autres usages. Le Parkour, comme d’autres formes
de mouvement dans la ville, reste stigmatisé. La configuration de l’espace peut-elle faciliter
et permettre la diversité des usages?
Dubé et Miaux notent que les figures abordées au cours de cette journée, soit le piéton, le
flâneur, le danseur, le touriste, l’acrobate et le traceur, arpentent chacun, à leur manière, la
ville dans un espace public aux différentes facettes. Face à cette diversité de sens, comment
concevoir des espaces publics accessibles pour tous? N’y a-t-il pas trop de risques à
qualifier l’espace? Ne faudrait-il pas au contraire évoluer vers un espace public où
l’indétermination et la surprise procurent suffisamment de souplesse aux individus pour
favoriser leur épanouissement?
Un intervenant fait le rapprochement entre les traceurs et les autres sports extrêmes comme
le Skateboard. D’après lui, les jeunes sont élevés dans un monde cybernétique et ils se
perçoivent comme les acteurs des jeux vidéo. C’est toute une représentation du sport
extrême qui prend sa source dans le jeu vidéo. Un autre participant fait la comparaison avec
les explorateurs urbains, tout en précisant que ces derniers se donnent comme mission, à la
différence des traceurs, de tenir un journal de leurs explorations d’usines et de friches. Dans
ce cas, c’est la narration, la transmission de l’expérience qui prime.
Un autre point a suscité une attention particulière tout au long de la journée. Il s’agit de la
tension récurrente entre deux registres de pratiques de détournement : celles qui sont
stratégiques et celles qui se donnent un rôle comme le Parkour. Une participante s’interroge
sur les figures privilégiées du corps en mouvement. Selon elle, il n’y a pas qu’un seul corps,
mais plusieurs corps, avec leurs différences de sexe, de morphologie, d’âge, etc. Enfin, le
débat se termine sur la question du rôle de l’aménagement. S’agit-il de trouver un
dénominateur commun? Dans ce cas, l’espace public constitue un compromis. À trop vouloir
aménager, ne risque-t-on pas, au contraire, de « tuer » l’espace public? En définitive, la
nuance entre « organiser » et « contraindre » un espace doit être approfondie.
Propos recueillis et mis en forme par Vincent Guillon
Doctorant invité, INRS-UCS
Le 18 décembre 2007
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