Témoignages littéraires et disparités de croissance : l expansion de la grande propriété dans le haut Pérou au XXe siècle - article ; n°4 ; vol.21, pg 815-831
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Témoignages littéraires et disparités de croissance : l'expansion de la grande propriété dans le haut Pérou au XXe siècle - article ; n°4 ; vol.21, pg 815-831

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 4 - Pages 815-831
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Chevalier
Témoignages littéraires et disparités de croissance : l'expansion
de la grande propriété dans le haut Pérou au XXe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 815-831.
Citer ce document / Cite this document :
Chevalier François. Témoignages littéraires et disparités de croissance : l'expansion de la grande propriété dans le haut Pérou
au XXe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 815-831.
doi : 10.3406/ahess.1966.421424
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_4_421424TÉMOIGNAGES LITTÉRAIRES ET DISPARITÉS DE CROISSANCE
L'Expansion de la grande propriété
dans le Haut- Pérou au XXe siècle
En Amérique latine Г importante littérature de type rural et
agraire témoigne évidemment de la naissance, puis du dévelop
pement d'un puissant intérêt pour le paysan oublié et l'indigène,
pour leurs terribles problèmes, méconnus par le xixe siècle libéral
et individualiste, destructeur des communautés et des institutions pro
tectrices de la colonie espagnole. Ce courant « indigéniste », qui repré
sentait une nouvelle mentalité, ne laissa pas, combiné à d'autres él
éments, d'avoir une influence, lente mais de plus en plus nette, dans la
législation, dans l'opinion, dans l'attitude des gouvernements et parfois
dans la réalité même.
Moins évidente, cependant, est la valeur historique et sociologique
de certaines œuvres littéraires comme reflet plus ou moins fidèle de la
réalité mouvante dans tels de ses aspects, comme témoignage sur ses
changements et son évolution, attirant l'attention sur des phénomènes
sociaux et des problèmes importants qui, bien souvent, n'ont pas été
étudiés ni même remarqués par les « social anthropologists », par les
sociologues 2 et les historiens - — les premiers parce que, influencés par
des hommes comme Radcliffe-Brown ou Malinowsky, ils ne s'inté
ressaient guère à l'évolution des structures et au « social change », et les
derniers parce que leur intérêt naissant pour les populations indigènes
ne les a pas encore menés jusqu'à l'étude du monde rural et de ses
transformations. Il est à peine besoin de dire que l'utilisation à cette
1 . Version française très développée d'une communication faite au XXXVIe Congrès
des Américanistes, à Madrid, en sept. 1964 (encore inédite).
2. Dans d'autres perspectives et pour d'autres pays, cf. ce qu'écrivait déjà Roger
Bastidk, « Sous La Croix du Sud : l'Amérique latine dans le miroir de sa littérature»,
dans Annales E.S.C., 13, I, janv.-mars 1958, pp. 30-46. P. Verdevoye, « Aspects
sociologiques du roman hispano-américain contemporain », dans Cahiers ďhistoire
mondiale, VIII, 2, 1964, pp. 356-361. Pour J. M. Argtjedas, cf. aussi F. Bourricatjd,
Annales de la Fac. des Lettres ďAix, XXXVIII, 1965. Cf. surtout F. Bratjdel,
dans Baille, Braudel, Philippe. Le monde actuel, histoire et civilisations, Paris, 1963,
pp. 403-405.
815 ANNALES
fin des œuvres signalées sera extrêmement délicate et devra être étro
itement contrôlée par d'autres sources, représentant surtout un point
de départ pour des recherches précises et des études scientifiques ulté
rieures.
Remarquable, à cet égard, nous apparaît une œuvre péruvienne
comme Yawar fiesta. Son auteur, José Maria Arguedas, est d'ailleurs
un ethnologue, mais qui dans ses œuvres littéraires a perçu et décrit
avec une finesse particulière certains phénomènes et telles attitudes
extrêmement importants et pratiquement inconnus. Je me limiterai
à signaler ici le phénomène de l'expansion de la grande propriété,
presque général en Amérique latine à partir de 1860 environ, parfois
plus tôt et ordinairement plus tard, vers la fin du siècle passé ou dans
les premières décennies du xxe siècle. Mes études antérieures sur les
xvie, xvne et xvine siècles m'avaient incliné à croire que la grande
propriété s'était alors implantée presque sous la forme que nous pou
vons observer aujourd'hui encore dans la majeure partie du continent.
S'il est bien évident que Vhacienda est née et a pris racine à l'époque
coloniale, les études que je poursuis maintenant me mettent de plus en
plus devant l'évidence que, dans des régions de populations ou de tra
ditions indigènes, surtout d'anciennes économies minières comme le
Haut-Pérou, sa prépondérance actuelle, presque absolue parfois, est un
phénomène en grande partie récent, non antérieur généralement aux
dernières années du siècle passé et souvent postérieur.
Voyons, dans le département d'Ayacucho, au sud du Pérou, le cas
de Puquio qu'a décrit J. M. Arguedas en 1938-1939, mais en se rappor
tant principalement aux années 1918-1924 sur lesquelles l'auteur a eu
des références et témoignages directs, lorsqu'il a passé ensuite plusieurs
années de sa vie en cet endroit, comme il me l'a dit lui-même. Il s'agit
d'un bourg situé à plus de 3 000 mètres d'altitude et à 130 kilomètres
des plaines côtières irriguées, peuplées de blancs et métis. C'est
un ancien village d'Indiens, ce qui, pour l'époque en question,
n'implique pas que seuls y vivent des Indiens, ni naturellement
que dans leur culture l'apport espagnol n'ait été aussi important
que celui d'origines proprement indigènes. Les paysans s'y trou
vaient groupés en quatre communautés ou ayllus, à la manière de
petits villages presque joints, chacun avec sa place centrale et son église
ou chapelle particulière. A côté se trouvent une rue et une autre place
plus récente où vivaient (et où en partie vivent toujours) les mistis
ou membres de la classe dominante, plus ou moins blanche, commerç
ants et propriétaires ou autorités gouvernementales du district. Non
loin vivaient les cholos, métis de moindre rang.
816 GRANDE PROPRIÉTÉ AU PÉROU
\^ La Conveneion .
\u Huancavtllco.* ® „ / í V : •.
PEROU DU SUD
CARTE DES LIEUX CITES
CARTE E.P.H.E.
Dans cette région, qui était éloignée alors des voies de communic
ations et des courants commerciaux, on était arrivé à un espèce d'équi
libre ou cote mal taillée entre paysans indiens, métis et « mistis ». Ces
derniers vivaient du commerce local, du prêt ou de l'usure, de l'agr
iculture aussi dans des terres irriguées qu'ils avaient réussi à occuper
et probablement à clôturer aux dépens des indigènes à une époque
non déterminée de décadence des mines, qui représentaient auparavant
leur occupation préférée. Les quatre communautés de Puquio avaient
pu conserver cependant le contrôle de l'eau — point essentiel — ainsi
qu'une partie de leurs anciennes terres irriguées où les familles
paysannes cultivaient individuellement leur blé, leur maïs et leur orge.
Comme anciennement en Europe, après la récolte les chaumes étaient
d'usage communal, ainsi qu'également, plus haut, les vastes étendues
de punas ou pâturages d'altitude non irrigués, où les quatre commun
autés (une surtout) faisaient paître leurs animaux, principalement
moutons, lamas et alpagas. Quelquefois les métis montaient jusqu'à
la puna pour y chercher de la viande ; ils achetaient ou capturaient
817 A NN ALBS
même de force du bétail, provoquant, à l'occasion, des émeutes que
la troupe réprimait très durement. Mais le mal était passager, comme
une mauvaise grêle. « La vaste puna — écrit Arguedas — était pour
tout le monde. Il n'y avait pas de pâturages clôturés de pierres ou
de fils^de-fer ; la vaste puna n'avait pas de maître. Les Indiens vivaient
librement où bon leur semblait. »
C'est alors que se produisit la révolution que décrit Arguedas dans
le chapitre « Le dépouillement ». « Presque brusquement, dit-il, de la
côte, on réclama quantité de bétail, sp

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents