Tentative d explication de la personnalité d Ivan le Terrible - article ; n°1 ; vol.48, pg 117-127
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Description

Revue des études slaves - Année 1969 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 117-127
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 15
Langue Français

Extrait

Madame Marusha Smilyanich
Tentative d'explication de la personnalité d'Ivan le Terrible
In: Revue des études slaves, Tome 48, fascicule 1-4, 1969. pp. 117-127.
Citer ce document / Cite this document :
Smilyanich Marusha. Tentative d'explication de la personnalité d'Ivan le Terrible. In: Revue des études slaves, Tome 48,
fascicule 1-4, 1969. pp. 117-127.
doi : 10.3406/slave.1969.1985
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1969_num_48_1_1985TENTATIVE D'EXPLICATION
DE LA PERSONNALITÉ
D'IVAN LE TERRIBLE
PAR
MARUSHA A. SMILYANICH
Ivan IV Vasil'evic, dit le Terrible, régna de 1533 à 1584. Privé de son père à
quatre ans et de sa mère à huit, il a une personnalité très complexe que
nous voudrions tenter d'expliquer.
Très tôt apparaît en lui un dualisme qui nous oblige à nous poser la ques
tion : Ivan est-il un être normal, ou son cas relève-t-il du pathologique ?
Sa clairvoyance politique, son courage, sa ténacité, les réformes administ
ratives, sociales, législatives et religieuses qu'il accomplit, ses efforts pour
développer l'instruction et la culture en Russie, la popularité dont il jouissait
parmi le peuple font de lui un être normal.
Néanmoins, on se rend très vite compte que certains « déficits » de son carac
tère : instabilité, cyclothymie, colère, orgueil, mégalomanie, méfiance,
couardise, sadisme font de lui un anoimal.
Comment expliquer ce dualisme ?
Une première solution vient à l'esprit, solution positive qui, pour résoudre
la difficulté, a recours au personnage biblique du conducteur de peuples,
réplique de Moïse, ou à celui du héros machiavélien.
Il paraît, dans le style de l'époque, un instrument actif de l'histoire, un
« porte-histoire » au sens hégélien, synthèse de l'énergie et de la lucidité,
un barbare supérieur qui s'affirme par tous les moyens.
Ivan connaît à fond l'Écriture Sainte et fonde sur elle sa politique. Il est le
souverain désigné par Dieu et, tout au long de ses discours et de sa corre
spondance, il ne cesse d'insister sur cette investiture divine. « Nous n'avons
ravi aucun royaume à personne, mais nous l'avons tenu par la volonté de Dieu
et par héritage de nos aïeux et de nos parents . . . nous sommes monté sur
le trône par ordre de Dieu... » (1).
W Poslanija Ivana Grozno go, Pervoe poslanie Kurbskomu, izd. Ak. Nauk SSSR, p. 10 MARUSHA A. SMILYANICH 118
Quand il reproche aux boïars transfuges d'avoir violé leur serment de
fidélité, il considère comme une circonstance aggravante qu'ils l'aient trahi,
lui, « le tsar qui leur avait été donné par Dieu et qui était né sur le trône» M.
Il revient sans cesse dans sa correspondance sur ce « pouvoir octroyé par
Dieu ». S'il invoque ainsi l'origine divine de son pouvoir, c'est qu'il sent la
nécessité de le consolider à tout prix. Il n'a pas oublié qu'en 1553, quand il
était à l'article de la mort, ses boïars avaient refusé de prêter serment de
fidélité à son fils âgé de quelques mois et avaient rêvé de porter au trône
son cousin Vladimir Andreevič.
Persuadé d'être l'Élu de Dieu, l'Oint du Seigneur, comme les rois d'Israël,
il s'en remet à la volonté de Dieu ou, plutôt, il s'en fait l'agent. Il croit ferme
ment que le droit de gouverner n'a été confié qu'à lui seul et il entend l'exercer
sans le concours de qui que ce soit.
En 1547, après l'incendie de Moscou qui avait provoqué une révolte du
peuple contre les Glinskij, il s'adresse directement à la foule : « Hommes de
Dieu qui nous avez été donnés par Dieu. . . je serai votre seul défenseur » (2>.
Lors du Concile des Cent Chapitres (Stoglav), le jeune souverain s'adresse
aux dignitaires ecclésiastiques sur le ton d'un autocrate : « Que dès mainte
nant — telle est notre volonté — tout dissentiment s'évanouisse ». Sa volonté
doit tout primer. Son premier soin est d'enlever toute importance au conseil
des boïars (Izbrannaja Rada) et d'exiger de ses sujets une obéissance incondi
tionnée. « Au souverain appartient le droit illimité de punir et de récompenser
ses sujets, puisqu'ils lui sont confiés par Dieu, et les souverains ne doivent
pour cela aucun compte à qui que ce soit, sauf à Dieu » (3).
Si Dieu a délégué son autorité au tsar, c'est donc que celui-ci est son repré
sentant sur terre. S'attaquer au tsar, c'est s'attaquer à Dieu. « En vous mettant
en colère contre l'homme, vous vous êtes élevés contre Dieu », écrit-il à
Kurbskij. C'est dans la Bible qu'il trouve des exemples pour appuyer sa théorie
de la monarchie absolue. « Quand Dieu sauva les Juifs de l'esclavage, plaça-t-il
à leur tête un prêtre ou de nombreux dirigeants ? Non, il plaça au-dessus
d'eux un seul chef : Moïse » ^.
En prônant l'absolutisme, Ivan se montrait, comme la plupart de ses
contemporains, partisan de l'autorité de droit divin et il ne fit que mettre
en pratique des théories déjà existantes. Si le pouvoir du tsar émane de Dieu,
ses sujets lui doivent obéissance complète. Il pourra disposer d'eux, les récom
penser ou les punir à son gré et même être cruel. Il cite saint Paul : « Soyez
miséricordieux envers les uns, avec discernement, sauvez les autres par la
terreur, pour les arracher au feu éternel » ^.
t« Ibid., p. 30.
(2) Karamzin, Istorija Gosudarstva Rossijskogo, Zamečanija к tomu VIII, сЪар. ш, p. 28,
n° 182.
(3) D'jakonov, L'autorité des souverains de Moscou, p. 136-139.
(4> Poslanija Ivana Groznogo, p. 23.
(б) p. 43. D'EXPLICATION DE LA PERSONNALITÉ D'IVAN LE TERRIBLE 119 TENTATIVE
Cette conviction d'être l'Élu de Dieu incite Ivan à un respect religieux
de la dignité de son titre impérial. Il en tire un orgueil forcené. A ses yeux,
Jean III de Suède fait figure de parvenu et il lui fait un grand honneur en lui
écrivant : «II ne convient pas d'avoir des relations avec un souverain étranger
aussi insignifiant que toi » ^.
Par ailleurs, cette dignité l'affranchit de la règle commune et le place
au-dessus de la morale courante. Il avait puisé dans ses lectures un sens rel
igieux de cette dignité royale et de sa responsabilité. S'il n'a jamais été défail
lant dans sa foi, c'est que la religion était pour lui un auxiliaire de son auto-
cratisme. En s'instituant monarque absolu à tendances théocratiques, Ivan
remplissait son rôle historique qui consistait a éliminer la féodalité. Il a comp
ris ce devoir, moins comme un chef d'État que comme un votčinnik, c'est-à-
dire que sa conception de la propriété personnelle coïncidait heureusement
avec le rôle qui lui était dévolu. Il y a dans le déroulement de l'histoire une
force apparemment aveugle — en réalité, expression de la valeur d'un peuple
— qui suscite les hommes nécessaires à l'accomplissement des destinées de
la nation, soit qu'elle la porte à son apogée, soit qu'elle la précipite à sa perte.
Le féodalisme se mourait parce qu'il ne correspondait plus aux besoins du
moment. Le cercle de la petite patrie féodale éclatait de toutes parts dans un
monde dont les frontières reculaient, grâce aux découvertes des grands navi
gateurs. La Russie, elle aussi, sentait le besoin de se frayer un passage jusqu'à
la Baltique, pour entrer en contact avec l'Occident, et de concentrer ses forces
sous une autorité unique. L'idée d'un régime autocratique n'était pas une
invention d'Ivan le Terrible. Elle avait pris naissance après le mariage de son
grand-père Ivan III avec Zoé-Sophie Paléologue, héritière des empereurs
de Byzance; elle avait progressé avec le père d'Ivan IV, Vasilij Ivanovic et
avait été soutenue par le métropolite Makarij qui, plus tard, incitera le jeune
monarque à revendiquer le titre de tsar et à faire de Moscou la «troisième
Rome ». Cependant, lorsque Ivan agit en instrument de l'Histoire, il le fait
inconsciemment. En réalité, il porte le débat sur le plan personnel. Dans sa
jeun

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