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Aspects perceptifs, physiologiques et acoustiques de différentes catégories prosodiques en français Cédric Gendrot (cgendrot@univ-paris3.fr) jeudi 3 novembre 2005 Résumé court Dans cette thèse, nous considérons quatre types de catégories prosodiques en français : l’accent démarcatif final (la syllabe finale de syntagme), le focus informationnel, le focus contrastif et l’accent initial (défini ici comme une syllabe initiale de mot marquée par une excursion de f0). Nous montrons dans quelle mesure l’articulation d’un segment est fonction de ces quatre catégories prosodiques. Cette étude repose sur trois types de mesure, des mesures perceptives, physiologiques et acoustiques effectuées sur des syllabes initiales et finales de mots lexicaux. Après avoir ordonné ces quatre catégories d’après nos trois types de mesures, nous suggérons alors une caractérisation physiologique et acoustique propre à chacune des quatre catégories étudiées. Nous mettons également en évidence différentes stratégies propres aux locuteurs, répartissant les variations entre la syllabe analysée (effet local) et l’ensemble de la phrase (effet global). Parmi tous les paramètres, les variations de f0 sont les plus pertinentes. mots-clés : prosodie, perception, articulation, pression intra-orale, électroglottographie, français, stratégies individuelles. Résumé long Cette étude se place dans le cadre de recherche de la prosodie articulatoire. Nous considérons quatre types de ...

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Langue Français

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1
Aspects perceptifs, physiologiques et acoustiques de différentes catégories
prosodiques en français
Cédric Gendrot
(
cgendrot@univ-paris3.fr
)
jeudi 3 novembre 2005
Résumé court
Dans cette thèse, nous considérons quatre types de catégories prosodiques en français : l’accent
démarcatif final (la syllabe finale de syntagme), le focus informationnel, le focus contrastif et l’accent
initial (défini ici comme une syllabe initiale de mot marquée par une excursion de f0). Nous montrons
dans quelle mesure l’articulation d’un segment est fonction de ces quatre catégories prosodiques. Cette
étude repose sur trois types de mesure, des mesures perceptives, physiologiques et acoustiques
effectuées sur des syllabes initiales et finales de mots lexicaux.
Après avoir ordonné ces quatre catégories d’après nos trois types de mesures, nous suggérons alors
une caractérisation physiologique et acoustique propre à chacune des quatre catégories étudiées. Nous
mettons également en évidence différentes stratégies propres aux locuteurs, répartissant les variations
entre la syllabe analysée (effet local) et l’ensemble de la phrase (effet global). Parmi tous les
paramètres, les variations de f0 sont les plus pertinentes.
mots-clés : prosodie, perception, articulation, pression intra-orale, électroglottographie, français,
stratégies individuelles.
Résumé long
Cette étude se place dans le cadre de recherche de la prosodie articulatoire. Nous considérons quatre
types de catégories prosodiques en français : l’accent démarcatif final (correspondant à la syllabe
finale de syntagme), le focus informationnel, le focus contrastif et l’accent initial (défini ici comme
une syllabe initiale de mot marquée par une excursion de f0). Nous cherchons à comprendre dans
quelle mesure ces catégories prosodiques peuvent influencer différemment la façon dont le locuteur
articule les segments qui les composent. Nous utilisons ici le terme « articulation » au sens large,
incluant les différentes mesures physiologiques et aérodynamiques, dans la mouvance de la prosodie
articulatoire.
Les changements historiques des sons au cours du temps (très largement étudiées au XIX
ème
siècle)
témoignent de l’influence sur l’articulation de chaque phonème de leur position par rapport à l’accent
lexical et par rapport à leur position dans le mot : selon leur statut dans le mot, les voyelles et les
consonnes ont été conservées, transformées ou ont disparu. Dès les années 30, plusieurs études
palatographiques
(Durand, 1930)
ont confirmé qu’au niveau du mot et du syntagme, les segments en
position initiale, médiane et finale sont différents d’un point de vue articulatoire. Dans la structure
prosodique d’un énoncé, deux positions particulières se distinguent : la position par rapport aux
frontières de constituants et par rapport aux proéminences. Plus récemment, les travaux en production
de la parole ont suggéré un renforcement de l’articulation des segments, graduel selon le niveau
hiérarchique de la frontière dans la structure prosodique de l’énoncé ou du degré de proéminence dans
la structure informationnelle de l’énoncé. Nous proposons d’approfondir ce dernier point peu étudié en
français, sous l’angle d’une étude multidimensionnelle.
2
Nous développons deux axes de recherche :
(1) Quels paramètres, perceptifs, physiologiques ou acoustiques,
rendent le mieux compte d’une
relation d’ordre entre ces quatre catégories prosodiques ? (chapitre III)
(2) Est-il possible de caractériser physiologiquement et acoustiquement (f0, durée, intensité et
formants) chacune de ces quatre catégories prosodiques étudiées ? La distribution des voyelles
dans l’espace formantique, telle qu’observée sur un grand corpus de parole radiophonique,
peut-elle être reliée aux quatre catégories prosodiques ? (chapitres IV et V)
Méthodologie (Chapitre II) :
Notre étude est une recherche
multi-paramétrique
comprenant des données aérodynamiques
(pression intra-orale), électroglottographiques, vidéo et acoustiques prises
simultanément
.
Le corpus est composé de 45 phrases lues 8 fois par quatre locuteurs (2 hommes : Loc M1 et M2 ;
2
femmes : Loc F1 et F2). Ces énoncés contiennent la syllabe cible « pVp » (où V est /a/, /i/ ou /u/)
insérées dans des mots lexicaux mono- et plurisyllabiques. Les mêmes séquences « pVp »
correspondant à des syllabes finales de mots non finales de syntagmes, ainsi que des syllabes initiales
de mots sans excursion de f0 ont également été recueillies afin de servir de références. Un court
dialogue précédant chaque phrase a permis de contrôler leur organisation sémantique afin de favoriser
la réalisation de nos 4 catégories prosodiques (en particulier en ce qui concerne les deux types de
focus). Les phrases cibles enregistrées par les 4 locuteurs ont été extraites et
présentées hors contexte
à trois linguistes expérimentés, à qui il a été demandé de retrouver le dialogue originel d’après un
QCM (3 réponses possibles suggérant la phrase « neutre », le focus informationnel et le focus
contrastif). Une réponse commune à deux des trois auditeurs nous a permis de conserver 94,2 % des
phrases
produites.
Nous distinguons
trois ensembles distincts de catégories prosodiques
, en fonction de la position des
syllabes accentuables et du type de mot (à l’intérieur de chaque ensemble, nous indiquons un ordre
hypothétique) :
- les phénomènes concernant les
syllabes initiales de mots
plurisyllabiques (position initiale de mot
sans excursion de f0, accent initial de mot, focus informationnel sur le mot, focus contrastif sur la
syllabe initiale) ;
- les phénomènes concernant les
syllabes finales de mots
dissyllabiques (syllabe finale de mot non
finale de syntagme, syllabe en fin de syntagme, focus informationnel sur le mot, focus contrastif sur la
syllabe finale) ;
- les phénomènes concernant les
mots monosyllabiques
(mot en fin de syntagme, focus
informationnel, focus contrastif.)
Nous avons ainsi analysé les productions des quatre locuteurs dans les contextes définis ci-dessus, à
trois étapes de leur production :
-
le niveau sous-glottique :
bien que la pression sous-glottique tende à être constante pendant
la phrase, plusieurs études ont observé une augmentation de cette dernière sur les syllabes
« emphatiques »
(Ladefoged, Draper et Whitteridge, 1957 ; Benguerel, 1970)
. La mesure
3
directe de la pression sous-glottique étant très invasive, nous l’avons estimée comme étant
égale à
la pression intra-orale (P
IO
) dans la voyelle entourée de la labiale sourde /p/. (La P
IO
est jugée équivalente au-dessous et au-dessus de la glotte, lorsque les plis vocaux sont
ouverts).
-
le niveau glottique :
le signal électroglottographique (EGG). A partir du signal DEGG
(dérivée du signal EGG), nous avons calculé le
quotient ouvert
(Oq) qui renseigne sur le
temps relatif pendant lequel les plis vocaux restent ouverts, et
la pente de fermeture
mesurée à
partir du signal EGG, et également à partir de la dérivée du signal (DEGG). Le signal EGG et
sa dérivée ne renseignent pas de manière directe sur la vitesse de fermeture des plis vocaux,
mais une comparaison expérimentale, effectuée en collaboration, entre le signal EGG/DEGG
et des analyses vidéo de la vibration des plis vocaux prise par caméra ultra-rapide nous ont
permis de suggérer certaines corrélations.
-
le niveau supraglottique :
La consonne /p/ permet une investigation du mouvement labial par
vidéo externe. Des mesures d’ouverture verticale et d’étirement horizontal aux lèvres,
accompagnées de mesures estimant l’abaissement de la mandibule ont été effectuées sur la
syllabe « pVp ». Les pics des courbes dérivées de ces différentes
mesures permettent
d’obtenir une approximation de la vitesse maximale des mouvements d’ouverture et de
fermeture des lèvres et de la mandibule.
A la recherche d’une corrélation de production retraçant le classement d’efforts perçus entre les
différentes catégories prosodiques (Chapitre III) :
Les études précédentes en prosodie articulatoire suggèrent que les voyelles accentuées sont
« renforcées » à la fois d’un point de vue paradigmatique et syntagmatique, comparées à leur
homologues en position inaccentuée. Nous émettons l’hypothèse que ces différences de renforcement,
si elles ont une
motivation perceptive, doivent pour pouvoir être distinguées par les auditeurs
(« listener-oriented ».) Dans le premier volet du chapitre, nous vérifions s’il est possible de déterminer
une relation d’ordre entre les différentes catégories prosodiques d’après des paramètres perceptifs,
physiologiques, et acoustiques.
Etude perceptive :
Il a été demandé à 15 auditeurs français de comparer « la hauteur, la longueur,
l’intensité » et pour finir « l’effort global du locuteur » perçus sur des syllabes pVp extraites et
présentées par paires au moyen d’échelles bipolaires à 7 niveaux. Ces syllabes ont été présentées dans
trois ensembles distincts : syllabes initiales, syllabes finales et mots monosyllabiques, afin de déduire
pour chaque ensemble un classement d’efforts, et également de mieux connaître les rapports entre les
quatre jugements (hauteur, longueur, intensité et effort).
Dans 80% des cas en moyenne (87% + 66% + 87% respectivement
pour les syllabes initiales, finales
et mots monosyllabiques), les trois classements obtenus sur la perception de l’effort correspondent
significativement aux ordres hypothétiques mentionnés ci-dessus, les paramètres les mieux reliés à
l’estimation de l’effort par les auditeurs étant la hauteur (à l’initiale de mot et pour les mots
monosyllabiques) et l’intensité de la syllabe (en finale de mot et pour les mots monosyllabiques).
Etude physiologique et acoustique :
Nous examinons ensuite ces trois ensembles de catégories
prosodiques à partir de mesures physiologiques et acoustiques. Les variations mesurées consistent en
une augmentation de l’ensemble des paramètres (pression intra-orale, intensité, valeur moyenne de f0,
abaissement de la mandibule, ouverture aux lèvres) sur la syllabe pVp aux niveaux les plus élevés des
ordres hypothétiques (foci) par comparaison au niveau le plus bas (référence). Le paramètre rendant le
mieux compte d’une relation d’ordre les quatre catégories prosodiques est la valeur moyenne de f0 sur
la voyelle (pVp) qui correspond dans 56% des cas (71% + 36% + 62%) aux trois ordres hypothétiques
proposés. Les autres paramètres mesurés (pression intra-orale, mouvements de la mandibule et des
lèvres, durée) dépendent de la stratégie adoptée par le locuteur et distinguent significativement certains
4
niveaux des classements proposés seulement, ce que nous développons dans le second axe de
recherche (chapitre IV).
Nos résultats suggèrent que la perception de l’effort du locuteur est essentiellement corrélée à la f0 et à
sa valeur moyenne, interprétée par l’auditeur en terme de hauteur. Si aucune différence de hauteur
n’est perçue, la pression intra-orale (et/ou l’intensité), interprétée en terme d’intensité par les auditeurs
peut être à elle seule un paramètre discriminant.
Nous mettons en évidence des différences inter-locuteurs qui révèlent différentes stratégies utilisées
par les locuteurs dans leurs productions. En effet, pour un locuteur (F2), les variations de l’effort perçu
sur les syllabes pVp en fonction des contextes sont peu importantes ; nous émettons l’hypothèse que
ce test permet de savoir si la différence d’accentuation se reporte sur la syllabe « cible » (accentuable),
ou si elle peut se reporter sur une autre partie de la phrase. Ce dernier aspect est abordé dans le
chapitre suivant.
A la recherche de corrélats articulatoires & acoustiques définissant les différentes catégories
prosodiques (Chapitre IV) :
Outre les paramètres de f0 (valeur moyenne et pente du mouvement sur la voyelle pVp) qui sont les
plus pertinents dans tous les cas de figures comme mentionné dans la première partie, les paramètres
de durée vocalique sur la syllabe finale permettent essentiellement de caractériser l’accent final
démarcatif, ce qui confirme qu’il est bien un accent quantitatif (allongement final). Les accents
initiaux (sélectionnés au préalable sur des critères mélodiques) sont caractérisés par une forte activité
labiale (mais non nécessairement en augmentation par rapport à la référence), ce qui semble
correspondre dans la littérature classique à un accent de nature supraglottique (avec une plus grande
déviation des organes articulatoires, cf. Straka).
Malgré ces grandes tendances, il reste difficile de dresser des catégories bien distinctement associées à
des niveaux de la phonation pour tous les locuteurs. Le focus contrastif, en particulier,
se distingue
particulièrement par une augmentation de l’ensemble des paramètres mesurés (P
IO
, abaissement de la
mandibule, activité labiale) et tend ainsi à se réaliser à tous les niveaux de la phonation. Ce résultat
nuance l’hypothèse de Vaissière
(Vaissière, 2001)
, selon laquelle le focus serait exclusivement relié
à un effort sous-glottique (d’où une augmentation directe de l’intensité, et une augmentation indirecte,
passive, de Fo) : nous avons trouvé que le focus est également marqué par des déviations plus fortes
des lèvres, et il est donc un accent global, « expiratoire » (lié à Ps), « mélodique » (augmentation de
Fo), « quantitatif » (durée) et supraglottique. Notons que le focus informationnel autorise une grande
variabilité dans sa réalisation et ne nécessite pas obligatoirement une augmentation significative des
valeurs de P
IO
et des mesures supraglottiques par rapport au contexte de référence.
Les investigations au niveau de la phrase concernent les modifications moyennées de durée, de f0,
d’intensité et d’abaissement de la mandibule sur les parties de la phrase précédant et suivant la syllabe
cible (niveau global). Nos résultats semblent indiquer que le manque de variations mesurées et perçues
pour un locuteur (Loc F2) au niveau local (c’est à dire sur les syllabes pVp) est compensé par des
différences plus importantes au niveau « global », notamment par une amplitude réduite des
mouvements de f0 et d’intensité, ainsi qu’une durée moyenne moins importante (cf. figure 1b et 2a en
fin de résumé). Il s’agit d’un cas bien connu d’accentuation par procédés négatifs, c’est à dire la
désaccentuation du contexte.
Les processus articulatoires de marquage supraglottique de l’accentuation
estimés à partir des
mesures de formants
(Chapitre V) :
Une des questions fondamentales de la prosodie articulatoire est l'interprétation de l'articulation supra-
glottique des voyelles en termes d’augmentation de la force articulatoire
(Straka, 1963)
(hypothèse
1), d’expansion de la sonorité
(Edwards et Beckman, 1988)
(hypothèse 2) ou de renforcement des
traits distinctifs
(de Jong, 1995)
(hypothèse 3). La troisième hypothèse peut être différenciée des
5
deux autres sur la base de mesures de formants concernant les voyelles fermées (/i/,/u/)
particulièrement:
-
pour la première et la deuxième hypothèse, la voyelle antérieure fermée /i/ (par exemple)
« renforcée » sera plus ouverte (mandibule et/ou lèvres) avec des valeurs plus élevées du 1
er
formant, bien que cette ouverture du conduit vocal soit en partie contradictoire avec le trait
fermé du /i/.
-
pour la troisième hypothèse, la voyelle antérieure fermée /i/ « renforcée » sera encore plus
fermée (F1 plus bas) et plus antérieure (F2 et si plus antérieur, F3 plus élevé). Une fréquences
plus basse est attendue pour le 1
er
formant, alors que les prédictions sont plus aléatoires
concernant le 2
ème
formant, une fréquence plus élevée du 3
ème
formant semblant être une
caractéristique d’un /i/ bien formé en français.
Les mesures formantiques obtenues précédemment sur le corpus de laboratoire et leurs variations
selon les catégories sont comparées aux mesures de formants et discutées en termes des hypothèses
mentionnées ci-dessus. Pour vérifier la portée de nos conclusions sur le corpus de laboratoire, des
mesures automatiques de formants de toutes les voyelles orales du français ont été effectuées sur un
corpus de 2 heures de parole radiophonique (25000 occurrences). Les résultats montrent qu'un
allongement de la durée seule est largement en faveur de la 3
ème
hypothèse (cf. Figure 3a) alors qu'une
augmentation de la f0 (seule ou couplée à une augmentation de durée) peut favoriser la 1
ère
/2
ème
hypothèse (cf. Figure 3b). Dans tous les cas, nous mettons en évidence un élargissement graduel de
l’espace formantique (F1/F2) suivant une augmentation progressive des valeurs de f0 et/ou de durée.
Nos statistiques sur les valeurs des formants de ces 25000 voyelles
contribuent également à
l’établissement de valeurs de formants
types et de leur variabilité
en français
, peu documentées à
l’heure actuelle.
Les mesures de formants sur notre corpus de laboratoire révèlent une nouvelle fois plusieurs stratégies,
dont certaines diffèrent des tendances observées sur le corpus de parole radiophonique. Les catégories
« accent démarcatif final » et « accent initial » vont dans le sens de la 1
ère/
2
ème
hypothèse, alors que les
catégories « focus contrastif » et (avec un nombre moindre de cas significatifs) et « focus
informationnel » vont dans le sens de la 3
ème
hypothèse, notamment pour les locuteurs F2 et M1. Les
variations significatives des valeurs de formants sont plus rares en position initiale de mot. Notons
également qu’un abaissement du 1
er
formant pour les voyelles fermées n’est pas contradictoire avec un
abaissement plus important de la mandibule, de par des compensations possibles au niveau de la
langue et souvent observées.
Discussion et conclusion (Chapitre VI) :
- Ce travail confirme que l’articulation d’un segment est graduellement renforcée (l’amplitude des
variations augmente) suivant les différentes catégories prosodiques que nous avons ordonnées sur des
bases hypothétiques. Cependant, il nous est impossible de dresser une ou plusieurs hiérarchies puisque
les contextes ne se détachent pas toujours significativement les uns des autres.
-
Une des raisons est la distinction faite ici entre « focus informationnel » et « focus contrastif ».
En effet, Le « focus informationnel » est porté par la syllabe initiale de mot dans notre
corpus
1
, et l’importance de l’accentuation est graduelle et libre en fonction du locuteur. Les
variations observées sur les syllabes finales sont plus faibles, et se rapprochent de la
réalisation d’une syllabe finale de syntagme. Nous proposons ici une analyse physiologique du
focus informationnel peu documenté dans la littérature (qui considère majoritairement le focus
contrastif).
1
en français, la syllabe portant l’accent pour un focus informationnel peut varier, bien que les syllabes initiales
soient plus propices à recevoir cet accent.
6
-
Les augmentations de l’abaissement de la mandibule et des mouvements aux lèvres sont peu
fréquentes pour le contexte « accent démarcatif final » par rapport à la référence, à l’exception
du locuteur M1 qui réalise une pause après le syntagme. Ces résultats sont moins significatifs
que ceux mentionnés par Tabain
(Tabain, 2003 pour la voyelle /a/)
qui indique des gestes
de la mâchoire et de la langue plus amples et plus rapides entre ces deux contextes. Ces
différences peuvent être expliquées par la présence d’une syllabe fermée (et non ouverte) dans
notre étude. De même pour toutes les autres catégories prosodiques, malgré quelques cas
isolés, nous n’observons pas d’accroissement du pic de vitesse comme l’illustre la figure 1 en
fin de résumé, ce qui plaide en faveur d’une modification du timing inter-gestuel.
- Contrairement à l’hypothèse testée dans le chapitre III où un (ou plusieurs) paramètre permettrait de
distinguer toutes nos catégories, nous suggérons une caractérisation physiologique et acoustique
propre à chacune des quatre catégories étudiées. Cependant, les variations articulatoires observées
diffèrent selon les locuteurs et peuvent se compenser. Si certaines variations sont optionnelles,
toutefois, elles ne sont pas aléatoires. En effet, nous mettons en évidence
différentes stratégies
propres aux locuteurs
, répartissant les variations entre la syllabe analysée
(effet local)
et l’ensemble
de la phrase
(effet global)
. Lorsque l’effet local est privilégié, les variations mesurées dans notre
corpus sont bien identifiées par les auditeurs comme impliquant plus d’effort.
- Concernant les mesures EGG, malgré nos attentes, nous ne notons que très peu de variations
significatives en fonction des quatre catégories prosodiques, comme par exemple un abaissement du
quotient ouvert pour le focus contrastif.
- Les résultats obtenus varient également en fonction de la voyelle analysée : nous observons que
l’augmentation de P
IO
pour le focus informationnel ou le focus contrastif est plus faible pour la voyelle
/a/ que pour les voyelles /i/ et /u/. A l’inverse, l’augmentation d’intensité observée pour les voyelles /i/
et /u/ est fréquemment moins importante. Ce résultat semble cohérent avec les conclusions récentes de
Demolin et al.
(Demolin, Hassid, Ladefoged
et al.
, sous presse)
qui signalent des valeurs de
pression sous-glottique significativement plus importantes en français pour les voyelles /i/ et /u/ par
rapport à la voyelle /a/.
- Parmi tous les paramètres mesurés,
les variations de f0 s’avèrent être les plus pertinentes,
inter- et
intra-locuteurs. Nous faisons néanmoins une distinction entre les montées de f0 sans augmentation de
la pression intra-orale (celle observée pour l’accent démarcatif final et pour l’accent initial notamment)
et montée de f0 accompagnée d’une augmentation de la pression intra-orale (syllabes initiales de focus
informationnel et focus contrastif). Nous suggérons que cette distinction peut être observée sur la
distribution formantique pour les voyelles fermées avec une montée de F1 dans le premier cas
correspondant à la 1
ère
/2
ème
hypothèse , et une baisse de F1 dans le second cas (3
ème
hypothèse). La
voyelle /a/ varie considérablement dans tous les cas, avec une augmentation importante de F1, mais ne
permet pas de différencier ces deux hypothèses.
7
Locuteur M1
Locuteur F2
Figure 1ab : Ilustration des contours moyennés d’ouverture des lèvres pour la voyelle /a/ en « syllabe finale de mot
non finale de syntagme (référence) », « focus informationnel » et « focus contrastif » (syllabes « pap » finales de mots
dissyllabiques pour le locuteur M 1 (a : gauche) et F2 (b : droite).
accent-démarcatif-final
focus-informationnel
accent démarcatif final
focus informationnel
Figure 2ab : Illustration des contours de f0 en comparant les contextes « accent démarcatif final » (à gauche) et
« focus informationnel » (à droite) pour les locuteurs F2 (a : en haut) et M 1 (b : en bas) (pour la voyelle /a/ en syllabe
finale de mot dissyllabique).
8
Figure 3ab : Valeurs moyennes de F1 et F2 pour les voyelles orales (25000 occurrences) du français en fonction
- à gauche : de leur durée (noir [30-50ms] , rouge [60-80ms], bleu [90-110ms]).
- à droite : de leur f0 (en noir [f0 basse] , rouge [f0 moyenne], bleu [f0 haute])
Bibliographie
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