Tradition antique et philosophies de la décadence dans la littérature française autour de 1880 - article ; n°42 ; vol.13, pg 55-76
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Tradition antique et philosophies de la décadence dans la littérature française autour de 1880 - article ; n°42 ; vol.13, pg 55-76

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Description

Romantisme - Année 1983 - Volume 13 - Numéro 42 - Pages 55-76
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Michel
Tradition antique et philosophies de la décadence dans la
littérature française autour de 1880
In: Romantisme, 1983, n°42. pp. 55-76.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Alain. Tradition antique et philosophies de la décadence dans la littérature française autour de 1880. In: Romantisme,
1983, n°42. pp. 55-76.
doi : 10.3406/roman.1983.4677
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_42_4677Alain MICHEL
Tradition antique et philosophies de la décadence dans la littérature
française autour de 1 880
Entre 1870 et 1890 se dessine une période essentielle pour l'histoire
de la littérature et de la pensée en France. Elle s'inscrit entre le triom
phe du positivisme et la naissance du Bergsonisme. Elle est dominée
en particulier par une puissante réflexion sur le temps, considéré com
me progrès, comme évolution, comme durée. Du même coup deux
questions prennent une importance considérable : celle de la décadence,
celle de la tradition. Nous voudrions les examiner ici dans leurs points
communs. Elles impliquent une réflexion sur la culture antique dans ses
rapports avec la décadence. Les écrivains et les savants de la période
qui nous intéresse se trouvent en effet placés devant une contradiction :
ils croient à la modernité, acceptent souvent la notion de progrès ;
mais ils restent fidèles à leur admiration pour les modèles antiques.
Comment être à la fois positiviste et admirateur du passé ? Diverses
réponses sont possibles. On peut renoncer au positivisme ou noter que
le passé gréco-latin, lui aussi, a connu ses décadences.
Nous essaierons de décrire quelques-unes des attitudes qui se déga
gent ainsi. Nous verrons qu'elles mettent en lumière deux types complé
mentaires de problèmes. Elles se rapportent à la fois à la pensée et au
langage. Elles impliquent des théories de la parole et de la beauté.
Elles aboutissent à une évolution du style qui rend leur valeur aux
formes religieuses, hymnes et célébrations. Nous verrons ainsi se réunir
et se conjuguer deux formes de recherche auxquelles nous nous sommes
consacré récemment (1). Nous procéderons en plusieurs temps. Nous
nous attacherons d'abord à une œuvre qui, en 1884, se situe au point
culminant de la période que nous étudions. Il s'agit du roman de
Huysmans : A rebours. On sait qu'il présente le panorama esthétique
le plus suggestif et le plus fécond de la période contemporaine. En parti
culier, Des Esseintes possède une bibliothèque où les anciens et les
modernes se rencontrent d'une manière originale. Une étude analytique
des influences est ainsi possible en un point précis. Mais il convient
aussi d'esquisser des vues plus synthétiques en revenant sur les grands
(1) Alain Michel, In hymnis et canticis. Culture et beauté dans l'hymnique chré
tienne latine, Louvain-Paris, 1976 ; La Parole et la beauté, Rhétorique et esthétique
dans la tradition occidentale, Paris, 1982. Alain Michel 56
courants philosophiques qui ont présidé à l'interprétation des œuvres
gréco-romaines (2).
Suivons Des Esseintes dans sa bibliothèque. Quand il s'agit des
modernes, il célèbre Baudelaire, Mallarmé, Barbey d'Aurevilly (3).
Il apparaît comme un des meilleurs représentants de l'esprit décadent.
En effet, les aspects classiques de la littérature lui déplaisent : il ne
s'intéresse pas à ce qui est général et commun. Il veut, comme le
poète, plonger dans l'infini pour trouver du nouveau et il comprend
que cette recherche presque maladive implique un raffinement, un
degré de culture qui n'appartiennent guère qu'aux époques tardives
et dites décadentes (4). C'est en fonction d'une telle manière de voir
qu'il apprécie les textes latins (5). Nous allons constater qu'ils l'intéres
sent seulement dans la mesure où ils appartiennent à une des grandes
périodes de décadence. Par exemple, Virgile l'ennuie. Mais il a du goût
pour Claudien, qui reflète à ses yeux la décadence de l'empire et les
périls du IVe siècle (6). H est attentif aux premiers poètes latins du
(2) Là encore, il convient de préciser les dates. Elles justifient le regroupement que
nous allons proposer. 1884 est une année importante et significative : c'est alors
paraît A rebours. La même année Villiers de l'Isle-Adam publie les Contes cruels et
prononce une conférence où il présente Axel, déjà très avancé. Leconte de Lisle
publie les Poèmes tragiques, Louis Ménard YHistoire des Grecs (les Rêveries d'un
païen mystique datent de 1876). Renan a publié en 1883 les Souvenirs d'enfance et
de jeunesse et fini la même année YHistoire des origines du Christianisme. Les Déli
quescences d'Adoré Floupette, poète décadent paraissent la même année, ainsi que
les Complaintes de Laforgue ; Ylmitation de Notre-Dame la Lune est de 1886. Sous
l'oeil des Barbares paraît en 1887. Ajoutons seulement que Wagner meurt en 1883,
Victor Hugo en 1885. La même année voit la publication de Bel Ami. L'œuvre de
Zola est en plein épanouissement, mais on commence à se détacher du naturalisme.
Daudet en est témoin : Tartarin date aussi de 1885. On comprend, d'après ces indi
cations, que nous insisterons peu sur le naturalisme. Bien entendu, Huysmans en est
issu. Mais A Rebours (où il fait l'éloge de Zola) nous montre clairement comment il
se détache du réalisme tout en l'utilisant encore : la sensation ne peut plus que
nourrir son désespoir. Nous ne citerons pas non plus Anatole France qui en est en
core à sa période initiale. Parmi les grandes œuvres, seul Le Crime de Sylvestre Bon-
rnwd datede 1881.
(3) Chap.XII et XIV. Voir l'éd. de Rose Fortassier, Imprimerie Nationale, 1981.
(4) Baudelaire « avait révélé la psychologie morbide de l'esprit qui a atteint l'octo
bre de ses sensations, raconté les symptômes des âmes requises par la douleur, privi
légiées par le spleen, montré la carie grandissante des impressions, alors que les en
thousiasmes, les croyances de la jeunesse sont taris [...] A une époque où la littéra
ture attribuait presque exclusivement la douleur de vivre aux malchances d'un
amour méconnu ou aux jalousies de l'adultère, il avait négligé ces maladies infantiles
et sondé ces plaies plus incurables, plus vivaces, plus profondes, qui sont creusées
par la satiété, la désillusion, le mépris, dans les âmes en ruine que le présent torture,
que le passé répugne, que l'avenir effraye et désespère » (éd. cit., p.220 et suiv.). On
voit très bien ici comment la lecture de Baudelaire favorise le dépassement du natu
ralisme (qui ne l'avait pas ignoré).
(5) Chap.III. Nous renvoyons sur ce sujet à Brigitte Cabirol, La Tradition littéraire
latine dans l'œuvre de J.-K. Huysmans, Mémoire de maîtrise, Institut de latin de
l'Université de Paris-Sorbonne, 1979.
(6) Éd. cit., p. 97-99 (Virgile et les classiques) ; ni Cicéron ni César ne trouvent grâ
ce ;p.lO4 (Claudien) ;p.lO7 (Fortunat). Huysmans a fait aussi l'éloge de Tertullien,
qui a vécu sous Caracalla ou Elagabal : « II préparait tranquillement ses sermons
pendant que l'Empire romain tremblait sur ses bases ». Entre les écrivains tardifs et
les classiques, Huysmans fait la place grande à des auteurs qu'il admire entre tous :
Apulée et surtout Pétrone. Nous y reviendrons quand nous parlerons du style. antique et philosophies de la décadence 5 7 Tradition
Moyen Age, tel Venance Fortunat. Ne nous y trompons pas : il ne s'agit
pas pour lui d'une aurore. Il célèbre plutôt, au Vie siècle, l'ultime rési
stance de la tradition antique, liée d'ailleurs aux modèles fournis par
Byzance, dont le déclin s'amorce lui aussi (7). Notons enfin qu'à propos
de l'élégance un peu précieuse qui se manifeste chez les derniers poètes
païens, il évoque un autre moment de l'histoire qui, pour lui, est égal
ement lié à la décadence : il s'agit du XVIIIe siècle et du rococo (8).
Nous voyons donc que l'idée de décadence permet des rapprochements,
des comparaisons trans-historiques. Elle implique une philosophie.
Dans tous les cas, notre auteur considère que de telles périodes ne

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