Un cas de concurrence entre accusatif et instrumental : convient-il de postuler une nouvelle catégorie de verbes ? - article ; n°1 ; vol.68, pg 91-101
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Un cas de concurrence entre accusatif et instrumental : convient-il de postuler une nouvelle catégorie de verbes ? - article ; n°1 ; vol.68, pg 91-101

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Revue des études slaves - Année 1996 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 91-101
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert Roudet
Un cas de concurrence entre accusatif et instrumental :
convient-il de postuler une nouvelle catégorie de verbes ?
In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 1, 1996. pp. 91-101.
Citer ce document / Cite this document :
Roudet Robert. Un cas de concurrence entre accusatif et instrumental : convient-il de postuler une nouvelle catégorie de verbes
?. In: Revue des études slaves, Tome 68, fascicule 1, 1996. pp. 91-101.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1996_num_68_1_6309UN CAS DE CONCURRENCE ENTRE
ACCUSATIF ET INSTRUMENTAL
Convient-il de postuler une nouvelle catégorie de verbes ?
PAR
ROBERT ROUDET
Nous nous proposons d'étudier dans les lignes qui suivent un fait de double
rection de certains verbes, fait que l'on constate dans des syntagmes tels que :
бросить, швырять камни/камнями; вертеть колесо/очками et bien
d'autres encore. Cette concurrence de l'instrumental et de l'accusatif n'est pas
une rareté et a été remarquée par les linguistes depuis longtemps. Une étude
systématique de ces tournures, plus ou moins synonymes en apparence, qui
mettrait à jour les contraintes pesant sur l'emploi de l'une ou de l'autre n'a
néanmoins jamais été entreprise à notre connaissance jusqu'à ce jour. Afin
d'avoir des exemples suffisamment nombreux, nous avons eu largement recours
aux dictionnaires d'Ožegov, d'Ušakov, au dictionnaire de l'Académie (diction
naire en 17 volumes) et au dictionnaire des synonymes (dictionnaire de l'Acadé
mie en 2 volumes). Nous reprenons les exemples collectés dans ces ouvrages,
avec, éventuellement, indications d'auteur et ď œuvre, mais sans préciser chaque
fois leur origine exacte, pour éviter d'alourdir inutilement l'exposé. Nous ne
négligerons d'autre part pas non plus les quelques exemples, malheureusement
assez peu nombreux, que nous avons pu trouver au cours de nos lectures —
auteur et œuvre sont alors toujours indiqués. Nous n'avons eu recours à des
énoncés créés par nous-mêmes que de la façon la plus limitée : il s'agit alors,
par mesure de prudence, de phrases très courtes et sans problème.
Potebnja1 a déjà noté que cette concurrence ne pouvait en aucun cas être
considérée comme une survivance d'un état plus ancien qui serait actuellement
en voie de disparition, car cette double rection sert à traduire d'importantes
nuances sémantiques :
[...] между глаголом с творительным падежом и глаголом с винительным
падежом возникает та разница, что в первом случае внимание сосредоточено на
самом действии, которое может быть бесцельно, а во втором — на дополнении,
в котором выражена ближайшая, вполне определенная цель движения.
1. A. Potebnja, 1888, Из записок по русской грамматике, XarTcov 1888, р. 457.
Rev. Étud. slaves, Paris, LXVIII/1, 1996, p. 91-101. 92 ROBERT ROUDET
Jakobson2, réfutant l'assertion de Peškovskij, selon laquelle on aurait ici
deux tournures synonymes, exprime une opinion assez proche de celle de
Potebnja : l'instrumental s'opposerait à l'accusatif par le rôle périphérique dans
lequel il confine son réfèrent — l'accusatif marquant, lui, l'orientation (Gerich-
tetheit) de l'action vers l'objet. On observerait donc ici « le contraste entre le
moyen et le but, entre l'instrument et l'objet suffisant par lui-même », contraste
qui rendrait compte de la différence de traitement du complément dans les deux
phrases suivantes : Чтобы пробить стену, они швыряли в нее камнями et
Он бесцельно швырял камни в воду.
R. Mrázek3, bien qu'il consacre une importante monographie à l'instr
umental, ne cherche pas vraiment à donner une explication générale du phéno
mène (si ce n'est par quelques considérations historiques), mais donne dans le
chapitre où est traité l'instrumental objet de nombreux exemples de cette con
currence et attire occasionnellement l'attention sur certaines limitations : on peut
ainsi avoir : крутить шапкой над головой d'une part, mais uniquement кр
утить шапку в руках de l'autre — (^Крутить шапкой в руках est agram-
matical).
Nous avons là un premier exemple d'une contrainte dans la répartition des
deux cas en question ; cet exemple, pour l'instant, est unique, mais il suffit de se
pencher sur ce problème pour se rendre compte que ces conditions particulières
d'emploi sont assez diverses et que les significations générales de l'accusatif et
de l'instrumental — respectivement position centrale d'objet dans la structure
actantielle et position périphérique de l'instrument — ne peuvent suffire à elles
seules pour expliquer les différents phénomènes liés à cette question, même si
elles rendent compte d'une partie d'entre eux. Nous essaierons donc de préciser
quelques particularités de cette concurrence.
Avant d'aller plus loin dans notre étude, il convient toutefois de préciser le
domaine auquel nous nous attacherons : nous ne nous occuperons que des cas où
instrumental et accusatif sont en quelque sorte directement en concurrence, sans
que le remplacement d'un cas par l'autre implique une modification générale de
la structure de l'énoncé en question. Nous laisserons de côté les énoncés où
changement de cas implique changement de diathèse dans le sens où ce terme a
été défini par Veyrenc4. Nous délaisserons donc, par exemple, les énoncés
nommés par cet auteur « translocatifs5 » ; il s'agit d'énoncés tels que засыпать
яму песком / засыпать песок в яму. Nous nous en tiendrons aux cas où la
valeur objectale de l'instrumental (malgré ce que la notion même d'objet peut
avoir de flou) apparaît de la façon la plus nette. Nous délaisserons de même
certains cas où la concurrence instrumental/accusatif est plus où moins illusoire,
du fait que la notion véhiculée par le verbe peut, lorsque celui-ci est
accompagné d'un instrumental, être traduite par un autre verbe suivi d'un accu
satif objet ; ainsi, par exemple, interpréterons-nous, dans l'énoncé Отец
2. R. Jakobson, « Beitrag zur allgemeinen Kasuslehre », Travaux du Cercle li
nguistique de Prague, 1936, 6, p. 240-294.
3. R. Mrázek, Синтаксис русского творительного, Praha, SPN, 1964.
4. J. Veyrenc, « Diathèse et construction pronominale », in : id., Études sur le verbe
russe, Paris, Institut d'études slaves, 1980, p. 223-235.
5. Id., « Sur la double diathèse d'objet des énoncés translocatifs », ibid., p. 236-268. ACCUSATIF ET INSTRUMENTAL 93
плавал, [...] кружил кулаком по воде так, что ходили волны
(A. Pervencev), le verbe кружить comme делать круги et non comme
заставить двигаться кругообразно (Ožegov) ; le problème qui nous
intéresse disparaît donc ici, de même que dans la majorité des cas concernant les
verbes qui, à côté d'une signification générale avec un objet accusatif ont une
signification particulière de « faire un geste » avec un complément à
l'instrumental. En effet, en scindant de la sorte un verbe en deux et en faisant
apparaître ainsi un objet à l'accusatif, nous rendons l'instrumental interprétable
immédiatement comme l'expression du moyen. Nous reviendrons plus loin sur
ce que ce procédé a, en fait, d'artificiel.
Les groupes de verbes où la concurrence qui nous préoccupe apparaît de la
façon la plus nette sont les suivants :
1) tout d'abord un groupe de verbes synonymes (à des degrés divers) de
«jeter », c'est à dire : бросать, швырять, пускать (пустить камень/кам
нем в окно, mais uniquement : пустить пулю в лоб), брызгать (dans cer
taines acceptions, par exemple : [...] гусар, под которым лошадь, заиграв,
брызнула грязью в пехотинца [...], L. Tołstoj, Vojna i mir). Il convient sans
doute d'ajouter à cette liste le verbe двигать, qui est sémantiquement proche
des éléments ci-dessus et pour lequel les dictionnaires donnent également une
double rection (двигать мебель/стульями : à noter que la rection inverse, qui
donnerait стулья et мебелью, n'est apparemment pas attestée — elle n'est, à
notre avis, pas concevable pour le second de ces éléments). À propos de ce
groupe, on peut noter une coïncidence tout à fait curieuse : les verbes allemands
werfen et schmeiflen, traductions exactes de бросать et швырять, connaissent
ce même phénomène de double rection : Steine / mit Steinen werfen, schmeifien
— la seconde

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