Utopies socialisantes en  terre arabe d Orient - article ; n°75 ; vol.19, pg 535-552
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Utopies socialisantes en terre arabe d'Orient - article ; n°75 ; vol.19, pg 535-552

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Description

Tiers-Monde - Année 1978 - Volume 19 - Numéro 75 - Pages 535-552
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olivier Carré
Utopies socialisantes en terre arabe d'Orient
In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°75. pp. 535-552.
Citer ce document / Cite this document :
Carré Olivier. Utopies socialisantes en terre arabe d'Orient. In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°75. pp. 535-552.
doi : 10.3406/tiers.1978.2816
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1978_num_19_75_2816UTOPIES SOCIALISANTES
EN TERRE ARABE D'ORIENT
par Olivier Carré*
La marche vers la Terre promise est l'un des grands mythes par les
quels POccident chrétien s'est accompli. Saint-Simon par exemple prê
chait un nouveau christianisme dont la grâce est l'Industrie. Son disciple,
Enfantin, envisageait de manière minutieuse, avec ses amis ingénieurs,
le creusement du canal de Suez comme lien essentiel de ce Nouveau
Monde, grâce à la médiation d'un Etat idéal en Palestine, centre mystique
mondial, par le regroupement du judaïsme. Ce centre aurait la mission
et les moyens de faire entrer le monde musulman dans l'âge industriel. Le
mouvement sioniste a pris la relève des utopies européennes industrial
istes ou socialisantes, et l'Etat d'Israël a correspondu à ces attentes.
C'est là une affaire européenne, occidentale, étrangère aux utopies arabes,
particulièrement hostile plutôt puisque, si ce ne fut ni plus ni moins
un fait colonial européen que toute autre entreprise européenne de la
fin du xixe siècle et du courant du xxe siècle, ce fait fut irréversible, sans
décolonisation possible. Les utopies socialisantes en terre arabe entendent
tout autre chose; leurs racines sont l'arabisme et l'Islam en réponse à
l'intrusion européenne favorisée par la proximité géographique. Etre
comme l'Occident (et même beaucoup mieux) grâce aux ressources de
l'arabisme ou de l'Islam, et retrouver ainsi les gloires passées, tel est le
contenu de ces utopies. Il s'agit, depuis le xixe siècle, à la fois d'imiter
(en beaucoup mieux) et de rejeter, car l'Europe est à demeure (capitu
lations, concessions, missionnaires, écoles, contrôle de la dette égyptienne
ou ottomane, puis mandats, protectorats, ou colonisations directes).
Ainsi, au moment des indépendances, les utopies arabes ont pris forme et
vigueur dans la ligne soit d'une inspiration islamisante (par un réformisme
* Centre d'Etudes et de Recherches internationales. Fondation nationale des Sciences
politiques.
Ват Titra-Monde, t. XIX, n» 76, Jufflet-Septembre 78 536 OLIVIER CARRÉ
musulman qui a recouvert l'ensemble du monde arabe aux débuts du
xxe siècle, et par des ré-enracinements islamiques locaux face aux dépos
sessions coloniales locales) — inspiration prédominante au Maroc, en
Algérie, en Libye, en Egypte et en Palestine; soit d'une inspiration ara-
biste dans le sillage des quelques mois de rêve arabe à Damas (Royaume
arabe indépendant de 1919-1920) — inspiration prédominante en Syrie
et en Irak; soit encore d'une inspiration réformiste constitutionnaliste
dans le sillage du mouvement jeune-turc — inspiration suivie par la
Tunisie, avec l'inconvénient d'être taxée de non-arabisme et de non-
islamisme. Aujourd'hui, les écoles d'utopie socialisante tiennent toutes
un discours socialiste-arabe islamiquement cautionné, qu'il s'agisse
du baasisme, du nassérisme ou des Frères musulmans. L'unité de vue des
trois écoles est, en effet, frappante si l'on dépasse les divergences qui,
presque toutes, ne concernent que les doses et les aspects d'imitation de
l'Occident, donc pas l'inspiration majeure qu'est le mythe arabo-islamique
de la société idéale des origines. Concernant l'occidentalisation, d'ailleurs,
toutes trois ont en commun une même négation : non marxiste, non
communiste.
1. Autour de l'utopie baasiste
Et, en effet, c'est le fondateur du Baas, Michel Aflaq, qui a lancé
l'expression : « socialisme arabe » dans son manifeste anticommuniste
de 19441. L'expression a eu une carrière impressionnante, pour marquer
aussi (à l'époque nassérienne) les distances avec le« socialisme islamique »
préconisé par certains Frères musulmans quelques années plus tard8 dans
la même volonté anticommuniste. Il n'empêche qu'il faut rappeler ici
avec quelle ferveur Michel Aflaq entend ressusciter l'arabisme par le fond
même de son essence et par cette espèce d'histoire sacrée plus profonde
que la durée temporelle et que les hauts et les bas de l'Idée arabe, de
l'Esprit arabe. Or, pour lui, l'Idée, l'Esprit, la Nation arabes, c'est
l'Islam, l'Islam dans sa pureté, dans cette essence qui s'est manifestée par
excellence et comme archétype lors de son incarnation dans le « Prophète
arabe », Mahomet, dans la langue arabe, dans la petite communauté
1. Dans Michel Aflaq et S. Bitar, Lia position du nationalisme arabe concernant le communisme,
Damas, Bureau du Baas, 1944, p. 32-33. кв : Tous les ouvrages d'auteurs arabes cités dans cet
article sont en arabe, sauf indication contraire.
2 . L'expression « socialisme islamique » remonte, à notre connaissance, aux deux plaquettes
de M. Al-Ghazali, U Islam et les systèmes socialistes, Le Caire, 1949; L'Islam et les défis commun
iste et capitaliste, Le Caire, 1950. Plus tard, le guide des Frères en Syrie, M. Al-Siba'i, préfère
l'expression : "Le socialisme de V Islam, titre de son ouvrage paru à Damas en 1959 et largement
diffusé à travers le monde arabe. UTOPIES SOCIALISANTES EN TERRE ARABE D'ORIENT 537
arabe des premiers croyants. L'Islam est arabe dans son essence comme
l'Arabe est musulman dans son essence, quand bien même il serait de
confession non musulmane. Bien entendu, il s'agit de s'abreuver à
l'expérience musulmane dans son jaillissement primitif, et de s'opposer
par conséquent aux pratiques dégradées, aux hommes de religion
encroûtés dans un traditionalisme borné ou dans une adaptation,
hâtive et sans esprit, des modes et modèles occidentaux. Retrouver, par
une sorte de contact transhistorique, l'expérience prophétique de Mahomet
et, comme lui, dire à une société arabe malade d'ignorance le mot
de nation arabe que, sans le savoir, elle aspire à apprendre et à incarner,
telle est l'ambition de Aflaq et du Baas. La révolution spirituelle, mentale,
sociale, politique que cela implique, tel est le projet du Baas et il s'agit
pour lui non pas de réformer à la sauvette la religion et la culture isl
amiques, mais de révolutionner l'homme arabe assez profondément pour
qu'il retrouve ses vraies racines, la foi de Yumma primitive, un Islam arabe
progressiste. Les écrits du maître sur le sujet ne manquent pas.
Pour Aflaq en effet, qui est et reste l'idéologue de base du Baas arabe
socialiste à Damas comme à Bagdad, « arabisme et Islam ne sont pas
antagonistes et ne peuvent pas l'être, puisqu'ils sont tous les deux de
même nature »8. Et dans ce qui fut considéré comme le catéchisme du
parti4 : « Nous considérons l'arabisme comme le corps dont l'âme est
l'Islam »; ce dernier est entendu non pas dans ses formes extérieures et,
dit-il, « internationales, cultuelles et superficielles », mais comme une
expérience éthique et un symbole permanent des Arabes. Aussi est-il
possible de réaccomplir les actes mêmes du Prophète, par un contact
spirituel avec sa personnalité prophétique, grâce à la médiation qu'est la
nation arabe. L'expérience religieuse et prophétique est propre aux
Arabes et ils ne peuvent s'en défaire sans se renier, à la différence des
Européens : tous les prophètes furent arabes (entendons : issus des civi
lisations proche-orientales). Cet aspect mystique du renouvellement de
l'Islam (et, inséparablement, des Arabes) par le contact avec l'expérience
prophétique initiale se retrouve hors du Baas5.
Il est vrai que les groupes musulmans syriens inspirés par les Frères
s'opposent à l'impiété baasiste à plus d'un titre. Us refusent vivement
la divinisation de la nation arabe et entendent ne connaître qu'une umma
(communauté, nation) musulmane, des patries locales et des Etats isla-
3. M. Aflaq, Le nationalisme arabe, Damas, 1940, recueilli dans : Voter le Baas (Fi sabil...),
Damas, 1970, p. 43.
4. M. Aflaq, Commémoration du prophè

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