Victor Hugo poète romantique ou le droit à la parole - article ; n°60 ; vol.18, pg 37-56
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Description

Romantisme - Année 1988 - Volume 18 - Numéro 60 - Pages 37-56
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Guy Rosa
Victor Hugo poète romantique ou le droit à la parole
In: Romantisme, 1988, n°60. pp. 37-56.
Citer ce document / Cite this document :
Rosa Guy. Victor Hugo poète romantique ou le droit à la parole. In: Romantisme, 1988, n°60. pp. 37-56.
doi : 10.3406/roman.1988.5489
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1988_num_18_60_5489ROSA Guy
Victor Hugo poète romantique
ou le droit à la parole 1
Dans le romantisme, V. Hugo — Balzac aussi, mais c'est une autre
affaire — occupe une singulière position. Ne serait-ce que parce qu'il la
remplit et la déserte à la fois. Qu'on réduise le romantisme à un renouvel
lement formel ou qu'on le définisse par ses ambitions religieuses et philo
sophiques, comme culte de l'individualité et libération de ses énergies ou
comme manière de penser et de vivre la condition d'artiste, il semble tou
jours mieux représenté par d'autres que Hugo : Lamartine, Vigny, Stendhal,
Nerval ou Gautier. Réciproquement on caractérise plus volontiers le génie
hugolien en le comparant à ses grands prédécesseurs — Ronsard et Sha
kespeare, Corneille et Rousseau — ou bien à ses lointains héritiers — Bre
ton, Dostoïevski ou G.G. Marquez — qu'à ses contemporains ; et s'il faut
nommer ces derniers, on citera plutôt ceux qui, à un titre ou à un autre,
se sont écartés du romantisme ou l'ont contesté : Flaubert, Baudelaire,
Rimbaud.
Si chaque aspect du romantisme paraît s'illustrer mieux dans l'œuvre
de l'un de ses pairs que dans la sienne, celle-ci seule pourtant semble pou
voir en résumer l'image d'ensemble et l'essence générale. Bref, Hugo par
ticipe incontestablement au romantisme mais ne lui appartient pas ; il le
sature et s'y dérobe, le guide moins qu'il ne le surplombe et l'incarne, mais
de haut et de loin. Cette gêne taxinomique, par elle-même sans conséquence,
n'est pas sans intérêt. Repérée, mais non expliquée ni même exactement
qualifiée par les outils éprouvés de l'histoire littéraire, l'origine de l'œuvre
de Hugo dans son rapport à la littérature de son temps et, au-delà, à la
littérature elle-même s'éclaire peut-être à la lumière d'une nouvelle préoc
cupation.
L'objet
Elle ne vise à proprement parler ni le sens ni l'esthétique, mais bien
leur commune nécessité, ce par quoi l'œuvre littéraire ne se satisfait ni
d'une traduction philosophique, ni d'une caractérisation formelle : le point
où se rencontrent sa signification et sa beauté. Il s'agit du rapport qu'elle
institue elle-même et à elle seule entre le sujet qui y parle — et qui n'est
pas l'auteur — et le sujet qui l'écoute : le lecteur, mais tel que le texte
l'exige ou le transforme. Les personnes réelles ne sont pas ici en jeu, du 38 Guy Rosa
moins de prime abord, mais des positions et des relations : celles que dans
sa communication le texte assigne à son émetteur — et auxquelles l'auteur
s'est conformé plus ou moins exactement — et à son récepteur — auxquelles
le lecteur se plie, au partiellement, tout le temps de la lecture. Bref,
il s'agit des modes d'énonciation et de réception du texte, non pas exacte
ment du « ton », car on entend d'ordinaire par là les postures qu'adopte un
sujet toujours semblable à lui-même sous différentes attitudes, mais de la
nature que se donne le sujet parlant dans le régime de son discours, du statut
qu'il se confère — et de celui qu'il attribue du même coup au lecteur.
Performatif, constatif, injonctif, — démocratique, pédagogique, —
altier, compatissant, accusateur, — témoignage, admonestation, révélation :
le vocabulaire qui les décrit est nécessairemnt emprunté à la linguistique,
à la sphère des relations personnelles ou à la politique, mais toujours par
métaphore. Car nous sommes en littérature, précisément le seul exercice
du langage où les rapports qu'il figure ne sont pas préformés hors de lui
mais produits par lui, où il les institue alors qu'ailleurs il les exécute 2.
Qu'une telle perspective soit inspirée et confirmée par l'étude de l'œuvre
de Hugo, et qu'elle la nourrisse en retour, n'a rien de surprenant. De tous
les écrivains de notre littérature, il est sans doute celui qui a prêté la plus
grande attention au mode d'énonciation de son discours, qui en a conduit
le plus loin le renouvellement, qui y a le mieux assujetti ses convictions poli
tiques et sa conduite, qui a su mener à sa plus grande perfection l'ajustement
réciproque de sa vision du monde et du régime de sa parole.
Cette approche permet d'emblée de rendre compte, pour une large
mesure, de la qualité de la gloire de Hugo. S'il a une place à part dans notre
littérature, si son personnage est vite devenu mythique et l'est resté, s'il n'est
pas un poète romantique entre d'autres ni un écrivain comme les autres,
peut-être est-ce surtout parce que ses œuvres, confortées de sa conduite, ont
produit une relation exceptionnelle entre lui et ses contemporains, puis ses
simples lecteurs. Convoqué, pris à partie, subjugué par une force supérieure
à la sienne mais qu'il est invité à employer à son tour, réduit à rien en
même temps que mis en possession de tout, le lecteur de Hugo est toujours
libre de se refuser à devenir ce que le texte veut qu'il soit, jamais de le
contester, encore moins de s'y dérober. Ce qu'on aime en Hugo est aussi
ce qu'on y déteste et n'est affaire ni de goût ni d'idées ; c'est sa façon inimi
table de tenir son discours, de le lancer, l'imposer ou l'offrir impérieusement,
sa manière d'être et de faire être son lecteur, la place et le rôle qu'il s'attr
ibue et ceux qu'il assigne, en un mot : pour qui il se prend et pour qui il
prend celui qui le lit3. Sa gloire n'a fait qu'enregistrer le statut littéral —
sinon tout à fait littéraire — que ses livres lui conféraient, et dont au demeur
ant il avait lui-même fort bien analysé les composantes dans William Sha
kespeare.
La carrière
Cette fascinante réussite, Hugo n'y parvient pas d'emblée et William
Shakespeare, s'il n'apporte pourtant guère de nouveautés en matière esthé
tique, est d'une autre ambition que la Préface de Cromwell ou Littérature
et philosophie mêlées. De fait, envisagée sous l'angle du rapport institué
par l'œuvre avec son lecteur, la carrière de Hugo se met clairement en pers- Hugo poète romantique 39 Victor
pective et l'irritante question de savoir ce qui distingue le Hugo de l'exil
du Hugo d'avant l'exil reçoit une solution — peut-être applicable, toutes
choses égales d'ailleurs, à la distinction entre les deux moments du romant
isme, celui des années 30 et celui du Second Empire. On le sait, tous les
caractères des textes de l'exil, principes politiques mis à part, se trouvent
déjà dans l'œuvre antérieure et pourtant il y manque quelque chose ; ce
n'est pas elle qui scandalise et qui divise, comme si Hugo n'était pas encore
tout à fait lui-même ; et les œuvres de Jersey, de Guernesey et d'après
rendent un son incomparable. Sans l'écho des Contemplations, que seraient
Les Feuilles d'automne ? Tout se passe comme si Hugo avait entrepris un
édifice dont l'exil était venu achever la construction, assurer la solidité, bou
cher les béances, donner la clef et fermer la voûte ; comme s'il avait long
temps cherché ce que l'exil enfin lui avait offert. On propose ici de penser
que c'est le droit à la parole.
Toute l'histoire des textes antérieurs à 1852 peut se lire comme celle
des tentatives pour fonder moins le contenu que l'existence même de l'œuvre.
Les Odes invoquent la religion et la monarchie de droit divin, la Préface
de Cromwell le droit du génie que Cromwell remet en question. Dans Notre-
Dame de Paris, le traitement des sources historiques, les images autobiogra
phiques de Gringoire et de Frollo, celle — autoréférentielle — de la cathé
drale et la réflexion explicite sur l'art développée dans « Ceci tuera cela »,
trouvent et montrent une solution à la question de la pérennité des œuvres
— de leur droit à subsister et, par l

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