Vote Front National 1984-2002, géographies et interprétations successives : une équation politique - article ; n°3 ; vol.21, pg 453-467

Pascal Buléon

Description

Espace, populations, sociétés - Année 2003 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 453-467
National Front vote 1984-2002, Changing Geographies and Interpretations: a Political Equation.
At the French presidential election of 2002, Jean-Marie Le Pen, extreme right candidate, receives 16,86 % of the vote cast, is second- placed, eliminates Lionel Jospin, Socialist Party candidate and out-going Prime Minister, and takes on Jacques Chirac in the second round. In 28 years, since 1974, date when the National Front appears in the present form, its rise has been spectacular but the geographies and sources of Le Pen vote have changed. These often profound modifications in geography and voting behaviour are placed in context, for which interpretations are offered in the article.
Aux élections présidentielles françaises de 2002, Jean-Marie Le Pen, candidat d'extrême droite, obtient 16,86 % des exprimés, arrive en seconde position, élimine Lionel Jospin, candidat du PS et Premier Ministre sortant, et s'oppose à Jacques Chirac au second tour. En 28 ans, depuis 1974, date de l'apparition du Front National en tant que tel, la progression est spectaculaire mais les géographies et les ressorts du vote Le Pen se sont modifiés. Ce sont ces modifications des géographies du vote et de ses ressorts souvent profonds que l'article met en perspective et dont il propose des interprétations.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ESPACE-_POPULATIONS-_SOCIETES
• Publié le: 01 janvier 2003
• Nombre de lectures: 46
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Pascal Buléon
Jérôme Fourquet
Vote Front National 1984-2002, géographies et interprétations
successives : une équation politique
In: Espace, populations, sociétés, 2003-3. Populations, élections, territoires. pp. 453-467.
Abstract
National Front vote 1984-2002, Changing Geographies and Interpretations: a Political Equation.
At the French presidential election of 2002, Jean-Marie Le Pen, extreme right candidate, receives 16,86 % of the vote cast, is
second- placed, eliminates Lionel Jospin, Socialist Party candidate and out-going Prime Minister, and takes on Jacques Chirac in
the second round. In 28 years, since 1974, date when the National Front appears in the present form, its rise has been
spectacular but the geographies and sources of Le Pen vote have changed. These often profound modifications in geography
and voting behaviour are placed in context, for which interpretations are offered in the article.
Résumé
Aux élections présidentielles françaises de 2002, Jean-Marie Le Pen, candidat d'extrême droite, obtient 16,86 % des exprimés,
arrive en seconde position, élimine Lionel Jospin, candidat du PS et Premier Ministre sortant, et s'oppose à Jacques Chirac au
second tour. En 28 ans, depuis 1974, date de l'apparition du Front National en tant que tel, la progression est spectaculaire mais
les géographies et les ressorts du vote Le Pen se sont modifiés. Ce sont ces modifications des géographies du vote et de ses
ressorts souvent profonds que l'article met en perspective et dont il propose des interprétations.
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Buléon Pascal, Fourquet Jérôme. Vote Front National 1984-2002, géographies et interprétations successives : une équation
politique. In: Espace, populations, sociétés, 2003-3. Populations, élections, territoires. pp. 453-467.
doi : 10.3406/espos.2003.2098
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_2003_num_21_3_2098BULÉON CNRS, UMR 6590 Pascal
Université de Caen
CRESO - MRSH
Esplanade de la Paix
14032 Caen Cedex 5
[e-mail]
avec la collaboration de IFOP
6/8, rue Eugène Oudiné Jérôme FOURQUET
75013 Paris
www.ifop.com
jerome.fourquet@ ifop.com
Vote Front National
1984-2002, Géographies et
interprétations successives
une équation politique
En 1974, J.-M. Le Pen avait obtenu 0,8 % des rails, Point le final second d'une tour élection de l'élection qui est sortie président des
suffrages. Après une progression quasi ini
ielle de 2002 nous laisse une carte de la nterrompue depuis les élections européennes
France qui n'en finit pas d'étonner, d'éton de 1984, après l'effondrement qui suivit la
ner avec inquiétude. On y voit Jean-Marie scission Mégret de 1998/1999 qui ne fut
Le Pen au second tour qui a provoqué le qu'une brève éclipse, 2002 marque une apo
vote républicain massif pour Jacques Chirac théose, amplifiée par la signification politique
à 80 %, certes largement battu ... mais qui de la présence au second tour. Tout est en
n'a reculé en voix que dans deux départe place pour de nouveaux bons résultats électo
ments : le Bas-Rhin et la Haute-Savoie. Il raux pour le FN dès les Régionales de 2004.
progresse dans tous les autres départements De la percée de 1984 à l'élection président
et cette progression dépasse même les ielle de 2002, les géographies et les ressorts
24 000 voix dans le Var, les Bouches-du- du vote Le Pen se sont modifiés, leurs inter
Rhône, le Nord et le Pas-de-Calais. prétations aussi.
RETOUR SUR UNE PROGRESSION POLITIQUE ET UNE DIFFUSION SPATIALE
sa réémergence. L'élection locale de Dreux Depuis les débuts de la Vème République,
et sa médiatisation importante, disproporl'Extrême Droite était électoralement margin
tionnée et donc excessive, la propulse sur le alisée. Le contexte des années 1980 permet 454
l'expression politique de la xénophobie et la devant de la scène et les élections euro
péennes de 1984 lui font passer pour la pre désignation de boucs émissaires. La xéno
mière fois la barre des 10 % (1 1 % des expri phobie plus ou moins affirmée, partagée par
més). Les Législatives qui suivent, en 1986, des électorats très différents, mauvaise gale
seules du genre à la proportionnelle, en toujours dormante dans le conscient et l'i
nconscient des populations, « l'autre » dangemême temps que des Régionales, accordent
au FN 9,6 %. Ces 9,6 % pèsent déjà plus reux, se hisse à une place plus en vue et
lourd, compte tenu de la participation, que devient dicible pour une fraction significati
ve de la population. Ces boucs émissaires les 1 1 % des Européennes.
Comme toute expression politique, le vote servent d'exutoire à une inquiétude devant
FN dès ses débuts a des racines dans la un chômage endémique et des situations
situation politique du moment et la économiques menacées dans plusieurs secd'électeurs qui les poussent à ce teurs, en particulier l'industrie où les
vote. La conjoncture politique est celle restructurations se succèdent, avec une
d'une alternance à Gauche pour la première absence de résultats des politiques écono
fois depuis le début de la Vème République et miques des différents gouvernements.
d'une désaffection à l'égard de la Droite tr
La géographie du vote FN est alors déjà très aditionnelle dans le rôle d'opposition. C'est
aussi dès ce moment la levée d'un tabou sur typée :
Figure 1. Élections législatives du 16 mars 1986.
Front National
de 15 à 20%
plus de 20 %
Le pourcentage des voix est calculé
par rapport aux suffrages exprimés
Conception et réalisation : P. Buléon, S. Lefevre
On lit une nette partition Est-Ouest selon composantes, tant politiques que sociales.
une ligne Le Havre - Saint-Etienne - Pour l'essentiel, dans les années 1980, tout
Perpignan, et à une autre échelle, une parti au long du premier septennat Mitterrand, de
tion entre grandes agglomérations de cette la première alternance de 1986 et au début
partie Est et le reste du territoire. Le littoral du second septennat Mitterrand, l'apprécia
de la Méditerranée et l'Alsace ressortent un tion de Nonna Mayer est juste « La France
peu plus. qui vote FN, la plus réceptive aux thèmes
Dès le début, le vote Le Pen est composite. sécuritaires et xénophobes est celle des
Par nature vote populiste, protestataire, exu- grandes métropoles où se concentre la main-
toire, il prospère sur des terreaux et des d'œuvre immigrée, dont l'urbanisation trop
populations différents, mais l'important ici rapide a détruit le tissu social et fait progres
sont les seuils franchis et l'inflexion de ses ser la délinquance. Nombre d'études ont mis :
455
Figure 2. Élection présidentielle de 1988.
J.-M. Le Pen au premier tour
□ deOà 10%
de 10 à 15%
de 15 à 20%
plus de 20 %
Le pourcentage des voix est calculé
par rapport aux suffrages exprimés
Conception et réalisation P. Buléon, S. Lefévre
en lumière les corrélations entre le votre FN des populations immigrées que le vote FN
et le taux d'urbanisation, le taux d'insécurit était le plus fort mais dans des quartiers et
é, la proportion d'étrangers ou encore celle communes à proximité, souvent habités de
des rapatriés dans la population ». Elle y déracinés de l'intérieur de la France. La peur
oppose à la suite de Pascal Perrineau « les au travers du fantasme y prospérait ainsi que
terres éloignées des bruits et des fureurs la perte d'autres repères et entraînait des
urbaines et qui s'égrènent des Monts votes vers le Front National. Ce phénomène
d'Arrée aux Cévennes, où la démonologie a ensuite été observé de nombreuses fois en
du FN construite autour des figures de l'imparticulier par les travaux menés par
migré et du délinquant ne rencontre qu'un Béatrice Giblin. De même à ses débuts, le
écho assourdi ». Une France urbaine gan FN a effectué quelques percées dans
quelques beaux quartiers urbains (XVIème grenée par une idéologie d'Extrême Droite,
laquelle aurait moins de prise sur la France parisien par exemple) avant d'y régresser
urbanisée. Partiellement vrai, même dans les quand il progressait partout ailleurs.
ann