La lecture à portée de main
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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 6 |
EAN13 | 9782824710525 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
SÉRAP H Î T A
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
SÉRAP H Î T A
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1052-5
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.SÉRAP H Î T A
MAD AME ÉV ELI N E DE HANSKA,
N ÉE COMT ESSE RZEW USKA.A Madame, voici l’œuvre que vous m’avez demandée : je suis
heureux, en vous la dédiant de pouvoir vous donner un témoignage de la
respectueuse affection que vous m’avez permis de vous porter. Si je suis accusé
d’impuissance après avoir tenté d’arracher aux profondeurs de la mysticité
ce livre qui, sous la transparence de notre belle langue, voulait les lumineuses
poésies de l’Orient, à vous la faute ! Ne m’avez-vous pas ordonné cee lue,
semblable à celle de Jacob, en me disant que le plus imparfait dessin de cee
figure par vous rêvée, comme elle le fut par moi dès l’enfance, serait encore
pour vous quelque chose ? Le voici donc, ce quelque chose. Pourquoi cee
œuvre ne peut-elle appartenir exclusivement à ces nobles esprits préservés,
comme vous l’êtes, des petitesses mondaines par la solitude ? ceux-là
sauraient y imprimer la mélodieuse mesure qui manque et qui en aurait fait
entre les mains d’un de nos poètes la glorieuse épopée que la France aend
encore. Ceux-là l’accepteront de moi comme une de ces balustrades sculptées
par quelque artiste plein de foi, et sur lesquelles les pèlerins s’appuient pour
méditer la fin de l’homme en contemplant le chœur d’une belle église.
Je suis avec respect, Madame, votre dévoué serviteur ,
1Séraphîta Chapitr e
DE BALZA C.
Paris, 23 août 1835.
n
2CHAP I T RE I
SÉRAP H Î T ÜS.
une carte les côtes de la Nor wég e quelle imagination
ne serait émer v eillé e de leur s fantasques dé coupur es, longueA dentelle de granit où mugissent incessamment les flots de la
mer du Nord ? qui n’a rê vé les majestueux sp e ctacles offerts p ar ces
rivag es sans grè v es p ar cee multitude de criques, d’anses, de p etites baies
dont aucune ne se r essemble et qui toutes sont des abîmes sans chemins ?
Ne dirait-on p as que la natur e s’ est plu à dessiner p ar d’ineffaçables
hiér ogly phes le sy mb ole de la vie nor wégienne , en donnant à ces côtes la
configuration des arêtes d’un immense p oisson ? car la pê che for me le
princip al commer ce et four nit pr esque toute la nour ritur e de quelques
hommes aachés comme une touffe de lichen à ces arides r o cher s. Là ,
sur quator ze degrés de longueur à p eine e xiste-t-il sept cent mille âmes.
Grâce aux p érils dénués de gloir e , aux neig es constantes que réser v ent
aux v o yag eur s ces pics de la Nor wég e , dont le nom donne fr oid déjà , leur s
sublimes b e autés sont r esté es vier g es et s’har monier ont aux phénomènes
3Séraphîta Chapitr e I
humains, vier g es encor e p our la p o ésie du moins qui s’y sont accomplis
et dont v oici l’histoir e .
Lor squ’une de ces baies, simple fissur e aux y eux des eider s, est
assez ouv erte p our que la mer ne gèle p as entièr ement dans cee prison
de pier r e où elle se débat, les g ens du p ay s nomment ce p etit g olfe un
fiord , mot que pr esque tous les g é ographes ont essayé de naturaliser dans
leur s langues r esp e ctiv es. Malgré la r essemblance qu’ ont entr e eux ces
espè ces de canaux, chacun a sa phy sionomie p articulièr e : p artout la mer
est entré e dans leur s cassur es, mais p artout les r o cher s s’y sont div er
sement fendus, et leur s tumultueux pré cipices défient les ter mes bizar r es
de la g é ométrie : ici le r o c s’ est dentelé comme une scie , là ses tables tr op
dr oites ne souffr ent ni le séjour de la neig e , ni les sublimes aigr ees des
sapins du nord ; plus loin, les commotions du glob e ont ar r ondi quelque
sinuosité co quee , b elle vallé e que meublent p ar étag es des arbr es au noir
plumag e . V ous seriez tenté de nommer ce p ay s la Suisse des mer s. Entr e
Dr ontheim et Christiania, se tr ouv e une de ces baies, nommé e le Str
omfiord. Si le Str omfiord n’ est p as le plus b e au de ces p ay sag es, il a du moins
le mérite de résumer les magnificences ter r estr es de la Nor wég e , et
d’av oir ser vi de théâtr e aux scènes d’une histoir e v raiment céleste .
La for me g énérale du Str omfiord est, a u pr emier asp e ct, celle d’un
entonnoir ébré ché p ar la mer . Le p assag e que les flots s’y étaient ouv ert
présente à l’ œil l’imag e d’une lue entr e l’O cé an et le granit, deux cré
ations ég alement puissantes : l’une p ar son inertie , l’autr e p ar sa
mobilité . Pour pr euv es, quelques é cueils de for mes fantastiques en défendent
l’ entré e aux vaisse aux. Les intrépides enfants de la Nor wég e p euv ent, en
quelques endr oits, sauter d’un r o c à un autr e sans s’étonner d’un abîme
pr ofond de cent toises, lar g e de six pie ds. T antôt un frêle et chancelant
mor ce au de gneiss, jeté en trav er s, unit deux r o cher s. T antôt les chasseur s
ou les p é cheur s ont lancé des sapins, en guise de p ont, p our joindr e les
deux quais taillés à pic au fond desquels gr onde incessamment la mer . Ce
dang er eux g oulet se dirig e v er s la dr oite p ar un mouv ement de ser p ent, y
r encontr e une montagne éle vé e de tr ois cents toises au-dessus du niv e au
de la mer , et dont les pie ds for ment un banc v ertical d’une demi-lieue de
longueur , où l’infle xible granit ne commence à se briser , à se cr e vasser ,
à s’ onduler , qu’à deux cents pie ds envir on au-dessus des e aux. Entrant
4Séraphîta Chapitr e I
av e c violence , la mer est donc r ep oussé e av e c une violence ég ale p ar la
for ce d’inertie de la montagne v er s les b ords opp osés aux quels les ré
actions du flot ont imprimé de douces courbur es. Le Fiord est fer mé dans
le fond p ar un blo c de gneiss cour onné de forêts, d’ où tomb e en cascades
une rivièr e qui à la fonte des neig es de vient un fleuv e , for me une napp e
d’une immense étendue , s’é chapp e av e c fracas en v omissant de vieux
sapins et d’antiques mélèzes, ap er çus à p eine dans la chute des e aux. Vig
our eusement plong és au fond du g olfe , ces arbr es r ep araissent bientôt à sa
surface , s’y marient, et constr uisent des îlots qui viennent é chouer sur la
riv e g auche , où les habitants du p etit villag e assis au b ord du Str omfiord,
les r etr ouv ent brisés, fracassés, quelquefois entier s, mais toujour s nus et
sans branches. La montagne qui dans le Str omfiord r e çoit à ses pie ds les
assauts de la mer et à sa cime ceux des v ents du nord, se nomme le
Falb er g. Sa crête , toujour s env elopp é e d’un mante au de neig e et de glace , est
la plus aiguë de la Nor wég e , où le v oisinag e du pôle pr o duit, à une hauteur
de dix-huit cents pie ds, un fr oid ég al à celui qui règne sur les montagnes
les plus éle vé es du glob e . La cime de c e r o cher , dr oite v er s la mer ,
s’abaisse graduellement v er s l’ est, et se joint aux chutes de la Sieg p ar des
vallé es disp osé es en gradins sur lesquels le fr oid ne laisse v enir que des
br uyèr es et des arbr es souffrants. La p artie du Fiord d’ où s’é chapp ent les
e aux, sous les pie