Voyage au centre de l éther: les aventures d Augustin Boulard
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Voyage au centre de l'éther: les aventures d'Augustin Boulard

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Description

La fin du XIXème, une période troublée. La guerre de 1870 s'éternise malgré la découverte du transport transluminique par la République. Une avancée majeure dans cette technologie permettra-t'elle de consacrer la victoire française une fois pour toute? Pour s'en assurer Augustin Boulard, tirailleur de la République Impériale devra protéger le Docteur Cellier de Damigny, l'inventeur de génie, des complots prussiens, même si cela devait encore une fois l'emmener à l'autre bout du monde.

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Publié le 26 octobre 2011
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Langue Français

Extrait

    
PREMIERE PARTIE
Voyage au centre de l éther Les aventures d Augustin Boulard  Tancrède Bouglé 26/10/2011
 
Un récit steampunk au cœur de la Troisième République
  Le soleil jaune pale se reflétait dans la lunette du fusil Chassepot. Au dessus des tranchées adverses il l'aveuglait un peu et surtout risquait de le faire repérer par les snipers d'en face. Des heures passées à attendre une bonne cible sans en devenir une, les autres tireurs d'élite étant un trophée, quelque chose à célébrer. Les nuages projetaient de grandes ombres mouvantes sur la plaine ravagée comme des géants faisant une promenade de printemps au dessus des fourmis qui sans raison apparente s’ envoyai ent des cailloux depuis quelques temps déjà. Dans le lointain un bruit sourd, puis un autre et encore un autre. Il regarda sa montre : cinq heure pile comme d'habitude. Les avertissements habituels commençaient à retentir derrière lui.
« Marmite ! Faites passer! »
Il n'avait pas à s'en faire il était en avant des lignes bien caché dans un trou d'obus d'un assaut datant d'il y a quelques jours et que des obus plus récents n'avaient pas encore réussi à recouvrir. Il pouvait remballer son fusil pour l'instant et attendre en serrant la petite croix en argent qu'il portait autour du cou, pendant les bombardements ceux d'en face rentraient aussi, on est jamais trop prudent.
Le vacarme des explosions faisait trembler la terre, quelqu'un de moins habitué aurait déc rit l'enfer sur terre mais on ne passe pas six ans sur la plupart des fronts d'Europe sans au moins y gagner ça, à défaut d'y perdre un membre ou la vie comme sa jambe mécanique le lui rappelait en vibrant contre l'os au rythme de la pluie d'acier le faisant grimacer de douleur. Il faudra qu'il aille la réajuster dès qu'il sera revenu pense-t'il rapidement avant de se concentrer sur le petit morceau de métal dans sa main. Il était loin des lignes françaises pendant une mission en Prusse pour descendre un quelconque général quand un obus perdu avait éclaté à coté de lui. Il aurait pu se faire soigner avant la gangrène si seulement il avait pu aller au dispensaire à temps.
La cadence de tir se réduisait. Un jour normal l'artillerie Républicaine aurait du comme ncer à pilonner les lignes ennemies. Un jour normal oui, mais pas aujourd'hui. Cinq minutes que les tirs avaient cessé, cinq heure vingt-trois. Encore deux minutes. Les escouades qui venaient d'essuyer les tirs d'obus comptaient les pertes d'un bout à l'autre des tranchées. Une minute. A l'oreille les pertes n'avaient pas été trop lourdes. Clic. La grande aiguille des minutes bascula d'un coup sec sur cinq heure vingt-cinq. Il sentait l'étonnement qui montait en face, pourquoi rien ne se passait ? Un grondement commença à emplir l'air, comme un roulement de tonnerre sous-marin venant du ciel. L’ aiguille des secondes s’ agita sur sa montre, incapable de se décider sur la marche du temps. Les nuages se rassemblaient en un tourbillon gigantesque au dessus du champ de bataille.
Un éclair rouge et la réalité bascula.
 
Dans un craquement monstrueux le ciel se déchira, un fuseau de lignes irréelles prenait place dans un arc-en-ciel de couleurs démentes comme un tube planté dans l’ étoffe du monde.  
 
Une onde de choc balaya les tranchées faisant voler la poussière dans les cris de terreur de l’ ennemi et la liesse française. De la brèche commença à se faire entendre une version distordue de la Marseillaise qui se précisait à chaque instant. Trois béhémoths sortirent de l’ éther, les trois dirigeables-bombardiers de la Première Flotte Impériale, leurs haut-parleurs crachant l’ hymne national et répandant la joie et la rage de vaincre dans le cœur des soldats, entonné simultanément par mille gorges fatiguées.
Quelques fant assins ennemis sortirent de leurs abris pour tenter de comprendre ce qu’ il se passait. Une cible facile pour un bon fusil comme lui mais il ne voulait rien manquer du spectacle. Les aéronefs massifs prenaient position, une ligne étendue complétée par plusieurs dirigeables-chasseurs de type Aiglon.
Et l’ enfer se déchaina.  
Les puissants obusiers de tête et les bordées de canons de 120 faisant pleuvoir le feu de l’ Empire directement sur les tranchées tandis que les chasseurs formaient un barrage de balle de de Reffye pour empêcher les fuyards d’ en réchapper. Un mur de feu s’ élevait là où, quelques minutes auparavant, se tenait une position défensive qui tenait l’ armée en échec depuis des mois.  
La corne du bombardier de tête, le 18 Brumaire, fleuron de la marine aéroportée de la République Impériale, retentit sonnant la fin de l’ attaque. On sonna la charge et une centaine de troupiers équipés de masques à gaz sortirent des tranchés sous un drapeau tricolore frappé de la couronne aux trois aigles. Prudemment ils traversèrent les quelques centaines de mètres qui les séparaient des positions prussiennes pendant que la fumée se dissipait. Il ne restait plus rien des quelques casemates creusées pour se protéger des bombardements d’ arrière -ligne, plus qu’ une série de cratère où brulaient encore doucement quelques renforcements en bois. Les cadavres étaient invisibles, soit ensevelis sous les gravats soit pulvérisés par les explosions. Les aiglons se rapprochèrent du sol pour garder la position tandis que les bombardiers de classe Charlemagne s’ amarraient autour de la terre fumante où claquait à présent le drapeau français sous le ciel où les derniers reflets rouges se dissolvaient dans l’ air encore brûlant de la déflagration d’ énergie éthérée.  
Il sortit de sa cache, secouant la terre avec laquelle il se camouflait avant de passer devant un officier. Même avec un grade de capitaine et le statut spécial que lui accordait son affiliation aux Vème corps des Tirailleurs Impériaux ne l'empêchait pas de respecter les rangs. Il salua les fantassins affairés avec leurs pelles.
Un aéroporteur sortit du 18 Brumaire pour aller se poser doucement au milieu des anciennes tranchées prussiennes où un escadron s'affairait déjà à rétablir une position défensive viable. Les casques à pointe ne tenteraient rien tant que les trois Charlemagne resteraient là mais le front était vaste et leur utilité grande sur d'autres points chauds. Une aire d'atterrissage protégée par quatre Aiglons avait déjà été dégagée entre la première et la deuxième ligne. Le vrombissement des quatre hélices s'atténua alors que la poussière se soulevait. Le chef d'escadron y courut en plaquant son casque sur son crane pour se protéger des rafales. Le tirailleur l'y rejoignit et salua nonchalamment, tous deux capitaines il n'y avait pas trop besoin de cérémonial. Dix soldats l'accompagnèrent pour former une haie d'honneur. Deux larges Gardes de la République sortirent de la cabine précédant une silhouette fine. Vingt-deux bottes boueuses claquèrent sur le passage de la Colonelle Louise Michel.
« Capitaine Robert Tournier de l’ Infanterie Républicaine au rapport mon Colonel.  
-Capitaine Augustin Boulard du Vème corps des Tirailleurs Impériaux au rapport mon Colonel.
-Repos. Capitaine Tournier, faites-moi un rapport sur la situation, Capitaine Boulard je n'ai pas besoin de vous pour l'instant, je vous verrai ce soir au mess sur le 18 Brumaire. »
Une femme officier, une demi-surprise. Il avait entendu parler de Louise Michel mais il ne s'attendait pas à la voir ici. La seule femme aussi gradée, une vétéran de la Commune de Paris et un symbole. Certaines mauvaises langues disaient à qui voulait l'entendre qu'elle n'avait que ce rôle, faire joli sur les photos des publications officielles mais elle avait prouvé sa valeur en introduisant les premières flottes d'aéronautes modernes organisées autour des Charlemagne accompagnés d'Aiglon qui s'étaient illustrés en remportant d'éclatantes victoires en Afrique Allemande du Sud -Ouest notamment en mettant fin au siège de L ü deritz où étaient stationnées une bonne partie des aéronefs allemands. La légende dit que la vision des dirigeables en flamme fit tomber la ville en une heure et que le commandant de la garnison fut capturé par l'aéroporteur de combat personnel de la colonelle alors qu'il tentait de fuir par bateau au milieu de l'attaque, il respectait ce courage.
Alors qu’ il marchait dans le camp, observant les files de sac de sable et le mouvement régulier des pelles Augustin aperçut trois uniformes caractéristiques des tirailleurs, le long manteau brun. Au dos
le symbole de cuirasse romaine les identifiait comme le VIème corps, créé pour appuyer les avancées technologiques sur le terrain. Enfin une occasion de détente.
« Ola camarades Tirailleurs, je peux me joindre à vous ?
-Evidemment, prends place camarade »
Ils jouaient aux cartes sur une caisse en bois qui avait survécu à l’ attaque. Ils agrandirent le cercle afin qu’ ils puissent s’ asseoir.  
« Tu nous rejoindras à la prochaine partie.
-Pas de problème, vous êtes ici pour baliser le luxomoteur? C’ est bizarre, j’ ai pas vu les cristaux, avec une armada pareil on aurait dû les voir de loin ! »
Celui à sa gauche, un grand brun à l’ arcade sourcilière prononcée fit une grimace.  
« Secret défense mon gars, le fleuron de la science républicaine pour en finir avec les boches !
-Allez les gars, entre Tirailleurs… J’ ai passé une semaine entre les deux lignes à dézinguer de l’ officier, c’ est pas moi qui vais aller raconter ça à deux d’ en face quand même.  
-Nan, on ne peut pas vraiment t’ en dire plus, sinon c’ est peloton ! Tu demanderas à la colonelle ce soir si tu veux mais nous on te dira rien à part que les Fritz feront une drôle de tête quand leurs régiments se feront exploser l’ un après l’ autre ! »
Le luxomoteur était l’ invention qui avait permis de c hanger le cours de la guerre. Issue des travaux d’ Hertz, les scientifiques français avaient fait une découverte majeure : la bonne configuration de cristaux vibrant à la bonne fréquence ouvrait un passage vers l’ éther vers un autre réseau de cristaux de mê me configuration à des distances incroyablement lointaines. L’ année dernière l’ Institut Impérial des Sciences avait réussi à transporter un dirigeable de la base aéronavale du Mont Blanc à Alger. Par contre la quantité phénoménale d’ énergie nécessaire rend ait de telles expériences rares et très coûteuses, elles étaient uniquement utilisées pour des voyages d’ urgence ou à certaines opérations militaires. Cette technologie était un des secrets les mieux gardés de la République tout en étant montrée au plus grand nombre, tout le monde savait que des cristaux étaient concernés mais très peu de gens en savaient plus. En tant que Tirailleur, Augustin avait reçu une formation basique sur les cristaux avant d’ être affecté au corps des tireurs d’ élites mais le foncti onnement exact et la théorie scientifique précise ne devait être connue que d’ une vingtaine de personnes en France et moins de cinq dans le reste du monde, chacune sous bonne surveillance des Services
Impériaux. Le VIème corps avait entre autre pour rôle de positionner les balises avant les opérations d’ infiltration.  
Deux heures passèrent avant qu’ un messager vienne chercher les tirailleurs pour assister au mess sur le dirigeable. La cabine spacieuse de l’ aéroporteur pouvait accueillir une vingtaine de pers onne, avec les tirailleurs et le capitaine il y avait encore largement de la place. Ils n’ eurent pas le temps d’ en profiter, quelques minutes après que les rotors aient commencé à vrombir ils étaient arrivés au dock principal du 18 Brumaire où un soldat dé taché à l’ intendance les amena à leurs quartiers avant le dîner. Ils avaient grand besoin de se rendre présentables après plusieurs semaines dans la boue et le sang des tranchées du nord des Vosges, ils ressemblaient plus à des sauvages qu’ à des officiers de l’ Armée Française.  
La cabine était pourvue d’ un hublot laissant passer la lumière rouge du soleil couchant qui en se reflétant sur le miroir éclairait la pièce. Assis sur sa couchette, le pantalon remonté sur les cuisses il faisait bouger sa jambe méca nique pour en vérifier l’ état. Un léger grincement en dessous du genou mais sinon tous les engrenages fonctionnait parfaitement dans un mouvement fluide, les connexions neurales parfaitement agencées et répondant parfaitement comme les pistons du pied. Il replaça la protection en bois ouvragé aux armoiries du Vème corps en soupirant et alla se raser à la cuvette en porcelaine peinte dans le coin de la pièce, encastrée dans les lambris de bois verni. Trop longtemps que tu es parti lui disait son visage fatigué et sa barbe inégale. Trop longtemps que tu aurais dû revenir dans ta province voir ta famille. Il balaya ces pensées d’ un revers de main. Tirailleur Impériale, il était nécessaire à l’ effort de guerre et ne pouvait pas faillir à la République et à ses c olonies. Faisant partie des troupes impériales, il était appelé sur tous les fronts de l’ Empire, de l’ Indochine à la Guyane en passant évidemment par le soutien aux troupes Républicaines qui défendaient la métropole contre les hordes prussiennes et la mena ce toujours présente d’ Albion. Trois ans qu’ il n’ était pas revenu en Algérie Française et cinq qu’ il n’ avait pas vu ses proches. Tout au plus une lettre de loin en loin mais la plupart du temps son rôle d’ infiltrateur empêchait toute communication quand ce n’ était pas la censure qui barrait ses missives de larges traits noirs. Mais la défense de la République passait avant tout, face aux ennemis de l’ extérieur comme ceux de l’ intérieur, la tentation bonapartiste ou l’ ombre monarchiste. On ne comptait plus l es groupuscules prônant une forme ou une autre de révolution. Replacer le roi, en finir avec l’ autorité, le pouvoir au prolétariat. Foutaises, seul la République était viable comme l’ avait prouvé la quasi -défaite de 1870. Si les communards ne s’ étaient pas  organisés en corps d’ armée pour empêcher l’ avance des troupes de Bismarck à Valmy, une fois de plus, qui sait ce qu’ il se serait passé.  
La France avait donné des terres à sa famille qui lui avait donné leur fils. Il lui avait donné sa jambe elle lui avait offert la possibilité de voyager et de prouver sa valeur.
On vint frapper à sa porte. Un jeune soldat attendait intimidé. Les Tirailleurs avaient souvent cet effet là. En dehors de la chaine de commandement même si techniquement officiers, les autres militaires ne savaient jamais comment se comporter.
« Repos soldat. Pourquoi êtes-vous là ?
-La Colonelle vous attend dans le réfectoire mon Capitaine, j’ ai ordre de vous y conduire. »
Réajustant son képi du mieux possible, il sortit de sa cabine. Les longs couloirs du 18 Brumaire étaient purement fonctionnels, des arches d’ acier où passaient des conduites de cuivre cerclées pour plus de résistance aux formidables pressions qui propulsaient ce vaisseau. Des lampes électriques se reflétaient sur le métal poli dans le frémissement des manomètres installés à intervalles réguliers. Une chaleur étouffante régnait dans la majeure partie du vaisseau et on pouvait par endroit entendre le chant de grillons réfugiés dans la moiteur et l'obscurité des machineries imposant es aux engrenages massifs que faisaient tourner les gigantesques hélices qui brassaient les nuages.
Le dîner se déroula dans une ambiance formelle où on discuta des avancées de la guerre, les succès dans les colonies, les nouvelles machines allemandes leur procurant un avantage certain au sol ou encore les réseaux d’ espions démantelés dans la capitale qui cherchaient à agiter une population qui n’ avait vraiment pas besoin de ça. Mais le plus gros sujet de conversation fut la bataille du jour, enfin bataille , l’ éclatante victoire du jour où aucune perte n’ avait été à déplorer. Le voyage étherique était normalement peu applicable sur le champ de bataille, les balises d’ arrivée étant trop voyantes et bien trop fragiles pour une flotte pouvant avoir un impact, une balle perdu pouvait en dérégler la fragile structure et changer l’ ajustement des rouages. L’ énergie, alors sans échappatoire, pulvérisait les voyageurs au moment du départ.
Mais ce temps était révolu. Les chercheurs de la République avaient réussi le to ur de force technologique de se passer des balises d’ arrivée, de se projeter directement à travers la matière permettant ainsi de se passer aussi de balises de départ fixes. Il suffisait de connaître exactement la densité étherique du lieu d’ arrivée.  
Dans le calme du boudoir les conversations s’ enflammèrent. Le capitaine d’ infanterie, un jeune officier qui devait encore être en langes à la fin du Second Empire et juste sorti de Saint Cyr y voyait le progrès pour le peuple, les multiples applications et globalement le progrès en marche. Enfin libérer l’ humanité de la misère et de l’ isolement en les reliant tous ensemble, ne plus attendre les
lentes missives souvent perdu mais d’ un moment à l’ autre traverser le pays, qui sait, faire la paix avec les allemands. Ses traits juvéniles s’ animaient et ses yeux s’ illuminaient en en parlant. Les tirailleurs du Génie étaient plus circonspects, ayant vu tellement de technologies être dévoyées par la guerre et ne jamais atteindre la populace. De fait, la Colonelle y voyait avant tout une avancée militaire considérable, capable de finir la Longue Guerre une fois pour toute et de fouler aux pieds la couronne du roi Frederic III. De tels transports pourraient permettre d’ aider rapidement les différents Etats allemands en butte à la Prusse. Augustin acquiesçât en allumant un cigare. Le capitaine Tournier était un idéaliste aux belles idées mais il était jeune diplômé, il n’ avait pas eu le temps de voir le vrai monde. A peine quelques mois de plus au front lui remettront les idées en place ajouta-t’ il d’ un ton aimable en finissant un verre d’ armagnac de la réserve personnelle de la Colonelle.
De là la conversation partit sur les récits de batailles de la colonelle notamment les campagnes coloniales où elle avait combattu aux côté s des bataillons formés d’ indigènes. D’ après elle, qu’ importe ce qu’ on disait à la capitale, ces troupes étaient féroces combattantes bien qu’ inutiles en combats aériens. De plus en cas de pertes, l’ opinion publique était bien moins sensible, un avantage indéniable.
Vers minuit les paroles se firent plus rares autour des fauteuils confortables et le capitaine des troupes républicaines redescendit en surface. Les Tirailleurs n’ ayant pas de vraie place dans le camp furent invités à rester à bord avant de rent rer à Paris, l’ opération étant terminée.  
Le lendemain matin le dirigeable était déjà en chemin vers Paris dans l’ air calme du matin, porté par un vent favorable. Le cuivre des coques de la flotte aérienne brillaient dans les rayons éclatants du soleil leva nt au dessus de l’ horizon des champs fertiles de la nation. Vers midi ils survolaient les faubourgs extérieurs de Paris avant d’ arriver à la base aérienne aux portes sud -ouest. Les colonnes d’ ouvriers sortaient des ateliers pour aller déjeuner rapidement a vant de retourner à leurs ouvrages.
Le 18 Brumaire fut amarré aux longs mâts au milieu des autres dirigeables du troisième Corps de Défense de Paris. Un compte-rendu de l’ opération aurait lieu le lendemain au Ministère de la Guerre, le capitaine Boulard y était convié en tant que témoin, un rôle souvent assigné aux tirailleurs, notoirement en dehors de la hiérarchie habituelle. En attendant il était libre de son temps qu’ il employa à se promener dans la capitale après des mois de présence sur le front. La c haleur du débat d’ après -midi réchauffait les pavés après de longs mois d’ hiver, animant la ville d’ un nouveau souffle comme un animal énorme sortant d’ hibernation. La populace bruissait et se réveillait comme en témoignait les regards pleins de défiance que lançaient les parisiens aux policiers en faction presque à chaque coin de rue et les une des journaux. La Marseillaise parlait des émeutes qui se multipliaient,
de l’ inquiétude croissante suite à une série de tremblement de terre et allait jusqu’ à faire un article critique sur la Guerre. Le Réveil osait même titrer sur les liens entre les compagnies d’ armement et l’ entourage du Président. Le Constitutionnel de son côté ne parlait que des secousses et vantait les dernières victoires en Lorraine et en Afriq ue avec une magnifique image d’ un groupe de soldats républicains plantant un drapeau sur le haut d’ une butte, une image propre à encourager la fierté nationale et à marquer les esprits.
Ca et là des harangueurs se tenaient sur des caisses de bois, clamant de grandes idées politiques, le retour à l’ Empire sous l’ égide bienveillante du Prince Impérial Louis -Napoléon Bonaparte ou plus farfelues comme le retour à la terre, la technologie tuant les hommes. A un croisement une femme en tenue d’ ouvrière, le Capit al à la main demandait avec véhémence une révolution prolétarienne. Son ton convaincu commençait à attirer quelques passants quand deux hommes en habits sombres la tirèrent dans une ruelle tandis que des policiers dispersaient la foule. L’ ambiance n’ était pas aussi tendue à sa dernière permission ici un an auparavant.
Augustin prit l’ omnibus pour aller vers les faubourgs pour prendre un verre. La cabine peinte tremblait au rythme de son passage sur les pavés dans une odeur persistante de sueur malgré les gr andes ouvertures sur les côtés. Une masse d’ employés de bureau de faible rang et d’ ouvrier traversait le XIIIème arrondissement avec lui pour aller s’ étourdir un peu en biberonnant les alambics, le regard déjà dans le vague après des heures de labeur étourdissant. Une assemblée de soupir qui attendait une délivrance passagère dans les vapeurs éthyliques. L’ omnibus s’ arrêta à côté d’ une rue un peu sale remplie de troquets aux vitres noircies. A côté de plusieurs d’ entre eux des mendiants souriaient, espérant avoir l’ air suffisamment sympathique pour qu’ on leur offre à boire. D’ autres sortaient des bars, titubaient un peu en empestant le mauvais alcool et allaient s’ écrouler dans une ruelle ou repartait travailler derrière les imposantes machines et les puissants engrenages qui supportaient l’ effort de guerre et la puissance de la nation.  
Il entra dans le bistrot qui paraissait le moins miteux, le « Lapin drôle ». Assez basse la devanture avait été autrefois recouverte de peinture verte qui s’ écaillait révélant  le bois. Dans l’ intérieur enfumé des travailleurs étaient autour de petites tables dans les recoins sombres des poutres massives. Il prit place au bout du bar près de la porte. Une odeur de révolte planait sur la ville, mieux valait être prêt à partir vit e quand on portait un signe d’ autorité tel que l’ insigne des tirailleurs. La plupart des hommes ici ne servaient plus depuis longtemps, il restait une chance qu’ ils ne reconnaissent pas la cible couronnée mais la simple présence de la couronne aux trois ai gles indiquait de façon sûre un service dans les corps impériaux. Tant pis, il ne cherchait d’ ennuis à personne et ne désirait qu’ un verre du vitriol local pour faire passer la poussière et la boue des
dernières missions. Et si les choses ne se passaient pas comme prévu, son entraînement et le couteau réglementaire régleraient le problème. La mention des Tirailleurs devrait même suffire à désamorcer temporairement toute situation, tout le monde craignait le IIème corps chargé de la chasse aux ennemis intérieurs de la République, infiltrant les groupuscules anarchistes et les faubourgs où couvent les révolutions. Leur manteau orné de l’ œil à la couronne n’ était presque jamais visibles. Ils avançaient dans l’ ombre et étaient craints pour leurs méthodes brutale s quand des fauteurs de troubles étaient découverts. Parfois les agitateurs disparaissaient, parfois il fallait faire un exemple. Le crime n’ était jamais signé mais quand un provocateur était retrouvé égorgé dans la boue des pavés à quelques rues de chez l ui personne ne doutait de l’ identité des juges et bourreaux. Depuis plus de vingt ans la capitale n’ avait pas connu de troubles majeurs grâce à eux.  
 
Dans un coin de la pièce un couple se disputait. Le mari, un ouvrier zingueur à ses habits, était affalé sur une banquette en bois, un verre de vitriol devant lui, riant avec ses camarades aux efforts de sa femme, une blonde bien en chair, pour le ramener à la maison. Après plusieurs minutes elle finit par s’ asseoir elle aussi et commanda une prune qu’ elle sir ota doucement, la tête baissée.
Augustin tenait son verre encore plein, son regard dans le vague. Il sortit une montre à gousset en argent d’ une poche de son manteau. Le bruit discret de ses engrenages l’ avait accompagné des années durant dans toutes ses missions. Le jour où il avait quitté la propriété familiale de Douar St Pierre pour rejoindre la caserne son père l’ avait pris à part à l’ arrière de la maison. La plaine s’ étendait sur les champs d’ olivier et les vignes dans l’ air brûlant de la campagne d’ O ran à peine rafraichi par les brises de la Méditerranée, fine ligne argentée à l’ horizon. Le soleil de midi s’ élevait haut au dessus de la terre rouge. Les ouvriers rentraient dans leurs baraquements pour se protéger de la chaleur et prier.
Là il lui donna cette montre qu’ il tenait lui -même de son père. Elle lui avait été donnée par le Général Tholozé lui-même avec les terres en récompense d’ actes de bravoure pendant la conquête. Cela faisait tant d’ années… Depuis il l’ avait toujours gardé sur lui, la trott euse le réconfortant au lycée militaire et après sur les différents fronts où il avait voyagé.
Perdu dans ses pensées il finit par regarder l’ heure : cinq heures vingt, il était temps de trouver un endroit convenable où passer la nuit. Il avança la main pour finir son verre quand il remarqua des cercles qui se formaient à la surface du liquide vitreux. Peu à peu une vibration envahit tout l’ établissement dans les grognements des clients incommodés.  
Voyant l’ air surpris du tirailleur le tenancier, un gros ho mme aux cheveux rares et au ventre prononcé s’ approcha et commenta avec un accent des faubourgs  
« Ca arrive tout l’ temps maintenant, c’ est bien ennuyeux. Pas plus tard que l’ autre jour j’ ai cassé trois verres comme ça !
Vous avez une idée de ce qui se passe ? -
-Aucune mon cap’ taine, mais vindieu ça m’ embête bien  ! Les gars qui viennent ici disent que c’ est la faute des boches, y z’ en ont trouvé un ya une semaine, l’ a pas fait long feu le pauvre. »
Augustin était surpris, le grade exact des tirailleurs n’ ét ait pas connu de beaucoup en dehors de l’ armée et encore, personne ne comprenait vraiment ce qu’ ils y faisaient.  
« Vous avez fait l’ armée citoyen ?
-J’ ai fait quelques campagnes africaines mon cap’ taine, ça j’ peux dire que j’ en ai vu du pays  ! C’ est au Sén égal que ces sauvages m’ ont blessé au bras, y m’ ont amputé après et d’ puis j’ suis revenu ici pour avoir mon bar, comme on disait qu’ on f’ rait avec les copains quand on rentrerait au pays. C’ était l’ époque où yavait pas encore leur machine là, on pouvait pa s rentrer aussi facilement que maint’ nant voir la famille »
Le tenancier tourna un peu pour montrer son bras mécanique, un modèle assez basique en bois et acier gravé du sceau de la République Impériale qui grinçait un peu.
« Ils m’ ont filé ça après, on peut dire que j’ en ai bavé pendant l’ opération mais j’ ai pas à me plaindre maint’ nant, ça non  ! Quand c’ est arrivé à mon père en Russie tout ce qu’ il a eu c’ était une béquille comme les civils !
-Quand la Patrie le demande… fit Augustin en montrant sa jambe tandis qu’ il esquissait un maigre sourire.
-Oh vous aussi ? Si c’ est pas indiscret, comment c’ est que ça vous est arrivé ?
-Allons Citoyen, tu sais bien que je ne peux rien dire.
-Oh pardon mon cap’ taine, en tout c’ t’ un bien beau modèle que vous avez là ! »
Ils échangèrent quelques banalités et quelques minutes après l’ officier quitta le bistrot après s’ être fait recommander une bonne adresse où mes draps étaient changés régulièrement et où la
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