Pratiques paysannes et théories savantes préagronomiques au XVIIIe siècle : Le cas des débats sur la transmission des maladies des grains de blé / Rural practice and learned pre-agronomical theories in the 18th century : The case of the debate on the transmission of grain diseases - article ; n°4 ; vol.54, pg 451-494

Gilles Denis

Description

Revue d'histoire des sciences - Année 2001 - Volume 54 - Numéro 4 - Pages 451-494
SUMMARY. — This paper focuses on the relationship between peasant practices and learned theories in the context of the debates on the transmission of corn disease between 1730 and 1760. At first, learned texts on plant diseases sought for the causes in weather conditions, in accordance with Theophrastus and Pliny the Elder. Then, country scholars proposed explanations and remedies based on peasant practices for the symptom of corn turning entirely or partially into black dust. These practices designated the quality of the seed, in particular whether or not it was spotted by diseased grain. In the 1750s, some members of the learned world turned toward the writings of these country scholars and, on their basis, carried out experiments in the fields. A case in point, Tillet proposed an explanatory theory incorporating concepts borrowed from chemistry and medicine, which was to set the pattern of research for fifty years. This movement arose in a specific context : the progress of education in rural areas, the emphasis on agriculture as central to the creation of wealth, the use of scientific methods to understand and master nature as well as interest in professional knowledge and practice.
RÉSUMÉ. — Ce texte s'intéresse aux relations entre pratiques paysannes et théories savantes dans le cadre des débats, entre 1730 et 1760, sur la transmission des maladies des grains de blé. Au départ, les textes savants sur les maladies des plantes suivent généralement ceux de Théophraste et Pline l'Ancien et accusent les intempéries. Des lettrés ruraux proposent alors, pour le symptôme de grain de blé entièrement ou partiellement, réduit en poussière noire, explications et remèdes nouveaux qui s'appuient sur les pratiques paysannes. Celles-ci impliquent la qualité de la semence notamment le fait qu'elle soit tachée par un grain malade. Dans les années 1750, des savants s'intéressent aux textes de ces lettrés et entreprennent des expériences dans les champs qui s'en inspirent. L'un d'entre eux, Tillet, propose ainsi une théorie explicative qui intègre des concepts issus de la chimie et de la médecine, qui sera le point de départ de recherches pendant une cinquantaine d'années. Cette mobilisation savante est le résultat d'un contexte particulier : alphabétisation des campagnes, mise en avant de l'agriculture comme principal lieu de création des richesses, des méthodes de la science pour comprendre et maîtriser la nature, de l'écoute des savoirs et pratiques professionnels.
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Sciences et techniques

Informations

• Publié par: REVUE_D-HISTOIRE_DES_SCIENCES
• Publié le: 01 janvier 2001
• Nombre de lectures: 12
• Langue: English
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

M GILLES DENIS
Pratiques paysannes et théories savantes préagronomiques au
XVIIIe siècle : Le cas des débats sur la transmission des
maladies des grains de blé / Rural practice and learned pre-
agronomical theories in the 18th century : The case of the
debate on the transmission of grain diseases
In: Revue d'histoire des sciences. 2001, Tome 54 n°4. pp. 451-494.
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DENIS GILLES. Pratiques paysannes et théories savantes préagronomiques au XVIIIe siècle : Le cas des débats sur la
transmission des maladies des grains de blé / Rural practice and learned pre-agronomical theories in the 18th century : The
case of the debate on the transmission of grain diseases. In: Revue d'histoire des sciences. 2001, Tome 54 n°4. pp. 451-494.
doi : 10.3406/rhs.2001.2134
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0151-4105_2001_num_54_4_2134Abstract
SUMMARY. — This paper focuses on the relationship between peasant practices and learned theories
in the context of the debates on the transmission of corn disease between 1730 and 1760. At first,
learned texts on plant diseases sought for the causes in weather conditions, in accordance with
Theophrastus and Pliny the Elder. Then, country scholars proposed explanations and remedies based
on peasant practices for the symptom of corn turning entirely or partially into black dust. These practices
designated the quality of the seed, in particular whether or not it was spotted by diseased grain. In the
1750s, some members of the learned world turned toward the writings of these country scholars and, on
their basis, carried out experiments in the fields. A case in point, Tillet proposed an explanatory theory
incorporating concepts borrowed from chemistry and medicine, which was to set the pattern of research
for fifty years. This movement arose in a specific context : the progress of education in rural areas, the
emphasis on agriculture as central to the creation of wealth, the use of scientific methods to understand
and master nature as well as interest in professional knowledge and practice.
Résumé
RÉSUMÉ. — Ce texte s'intéresse aux relations entre pratiques paysannes et théories savantes dans le
cadre des débats, entre 1730 et 1760, sur la transmission des maladies des grains de blé. Au départ,
les textes savants sur les maladies des plantes suivent généralement ceux de Théophraste et Pline
l'Ancien et accusent les intempéries. Des lettrés ruraux proposent alors, pour le symptôme de grain de
blé entièrement ou partiellement, réduit en poussière noire, explications et remèdes nouveaux qui
s'appuient sur les pratiques paysannes. Celles-ci impliquent la qualité de la semence notamment le fait
qu'elle soit tachée par un grain malade. Dans les années 1750, des savants s'intéressent aux textes de
ces lettrés et entreprennent des expériences dans les champs qui s'en inspirent. L'un d'entre eux, Tillet,
propose ainsi une théorie explicative qui intègre des concepts issus de la chimie et de la médecine, qui
sera le point de départ de recherches pendant une cinquantaine d'années. Cette mobilisation savante
est le résultat d'un contexte particulier : alphabétisation des campagnes, mise en avant de l'agriculture
comme principal lieu de création des richesses, des méthodes de la science pour comprendre et
maîtriser la nature, de l'écoute des savoirs et pratiques professionnels.Pratiques paysannes
et théories savantes préagronomiques
au xviiie siècle :
Le cas des débats sur la transmission
des maladies des grains de blé
Gilles Denis (*)
RÉSUMÉ. — Ce texte s'intéresse aux relations entre pratiques paysannes et
théories savantes dans le cadre des débats, entre 1730 et 1760, sur la transmission
des maladies des grains de blé. Au départ, les textes savants sur les maladies des
plantes suivent généralement ceux de Théophraste et Pline l'Ancien et accusent les
intempéries. Des lettrés ruraux proposent alors, pour le symptôme de grain de blé
entièrement ou partiellement, réduit en poussière noire, explications et remèdes
nouveaux qui s'appuient sur les pratiques paysannes. Celles-ci impliquent la qual
ité de la semence notamment le fait qu'elle soit tachée par un grain malade. Dans
les années 1750, des savants s'intéressent aux textes de ces lettrés et entreprennent
des expériences dans les champs qui s'en inspirent. L'un d'entre eux, Tillet, pro
pose ainsi une théorie explicative qui intègre des concepts issus de la chimie et de
la médecine, qui sera le point de départ de recherches pendant une cinquantaine
d'années. Cette mobilisation savante est le résultat d'un contexte particulier :
alphabétisation des campagnes, mise en avant de l'agriculture comme principal
lieu de création des richesses, des méthodes de la science pour comprendre et maît
riser la nature, de l'écoute des savoirs et pratiques professionnels.
xvine MOTS-CLÉS. siècle. — Maladies des plantes ; pratiques paysannes ; agronomie ;
SUMMARY. — This paper focuses on the relationship between peasant practi
ces and learned theories in the context of the debates on the transmission of corn
disease between 1730 and 1760. At first, learned texts on plant diseases sought for
the causes in weather conditions, in accordance with Theophrastus and Pliny the
Elder. Then, country scholars proposed explanations and remedies based on peasant
practices for the symptom of corn turning entirely or partially into black dust. These designated the quality of the seed, in particular whether or not it was spot
ted by diseased grain. In the 1750s, some members of the learned world turned
toward the writings of these country scholars and, on their basis, carried out experi
ments in the fields. A case in point, Tillet proposed an explanatory theory
it Gilles Denis, Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et
sur les institutions scientifiques (rehseis), umr 7596 CNRS - Université Paris VII Denis
Diderot, Boîte 7064, 2, place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05.
Rev. Hist. Sá., 2001, 54/4, 451-494 452 Gilles Denis
ting concepts borrowed from chemistry and medicine, which was to set the pattern of
research for fifty years. This movement arose in a specific context : the progress of
education in rural areas, the emphasis on agriculture as central to the creation of
wealth, the use of scientific methods to understand and master nature as well as inte
rest in professional knowledge and practice.
KEYWORDS. — Plant diseases ; peasant practices ; agricultural sciences ;
18th century.
Nous voulons éclairer ici le rapport entre pratiques paysannes
et construction théorique savante dans le cadre des discussions sur
la transmission des maladies qui rendent noirs les grains de blé
sur pied (remplacement partiel ou total en poussière noire), entre
les années 1730 et les années 1760. C'est à cette époque que se
mettent en place ce que nous nommons avec prudence les « pré
misses de l'agronomie » (ce qu'il faudrait peut-être plutôt désigner
par le terme de « science » ou/et « art » de Г « agriculture » du
xviii6 siècle (1)) ; c'est-à-dire le moment où plusieurs personnalités
cherchent explicitement à perfectionner l'agriculture en utilisant la
science « moderne » (ses « connaissances » et ses méthodes) et à
s'organiser collectivement pour cela (2). Cette période s'achève
notamment par le succès de nouveaux modèles explicatifs des
maladies qui noircissent les grains de blé. Ils s'inspirent des prati
ques et savoirs paysans et remplacent les explications savantes
issues de l'Antiquité. Nous identifions deux étapes dans les proces
sus d'intégration de ces savoirs et pratiques paysans dans les dis
cours savants ayant trait à ces maladies. Ils apparaissent d'abord
dans des débats qui s'épanouissent dans des journaux non savants
essentiellement sous la plume de lettrés ruraux, « amateurs d'agri
culture ». De là, ils sont ensuite repris dans des explications pro
posées par des personnalités savantes. Cette mobilisation rurale et
cet engagement savant nous semblent le résultat d'un contexte
particulier que nous tenterons de préciser.
(1) Nous sommes conscients que parler des « prémisses de l'agronomie » (ou de « pré
histoire de l'agronomie » ou de « préagronomie ») correspond à une reconstruction a poster
iori et qu'il est préférable d'éviter d'utiliser le terme « agronomie » pour le XVIIIe siècle.
Dans ces années-là bien évidemment les auteurs en que