Les migrants transnationaux : une  nouvelle figure sociale en Roumanie
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Les migrants transnationaux : une nouvelle figure sociale en Roumanie

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Les migrants transnationaux : une nouvelle figure sociale en Roumanie S nie Po* wa tot
 Article paru dans la Revue dEtudes Comparatives Est-Ouest, vol.33, n°1, mars 2002, pp.149-178.  Résumé : Cet article traite des migrations transnationales temporaires pratiquées par les classes moyennes roumaines. Le texte décrit comment, dans le contexte de la « transition » post-socialiste qui semble ne pas aboutir, les migrations momentanées de travail vers des pays riches apparaissent, à côté dautres tendances migratoires, notamment pendulaires ou liées au « commerce de ma valise », comme une stratégie particulière dadaptation à la crise. Sappuyant sur différentes études statistiques, lauteur constate que ce recours est de plus en plus usité par les jeunes citadins diplômés. En se basant sur une enquête menée auprès de ce public dans une ville moyenne proche de Bucarest, lanalyse se focalise ensuite sur la constitution des réseaux nécessaires à la mise en uvre de ces mouvements informels à travers lEurope. Elle montre alors quau-delà dun projet initial ponctuel et exceptionnel, la migration tend à devenir, pour des individus possédant un capital social transnational de plus en plus vaste, une occupation à plein temps. La dernière partie de larticle examine la position sociale de ces migrants en Roumanie. Partageant leur existence entre une installation confortable sur place et une succession de « stages » de labeur à létranger, ils adoptent dans leur ville dorigine, un comportement et des pratiques spécifiques à leur condition ascendante, dessinant ainsi les contours dune nouvelle catégorie sociale.  
                                                 *Doctorante, allocataire de recherche au Soliis-Urmis, Université de Nice-Sophia Antipolis.
Swanie Potot Article paru dans la RECEO Mars 2002
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Article : La migration temporaire et souvent clandestine- de travail vers les pays dEurope de lOuest est un recours de plus en plus usité en Roumanie. La vulgarisation de cette pratique auprès des jeunes citadins diplômés mérite une attention particulière. Ce public nest ni particulièrement indigent ni marginalisé dans son pays ; pourtant, ces jeunes gens acceptent de partir à létranger effectuer toutes sortes demplois dévalorisés. Durant ces séjours, ils économisent pour consommer ensuite le fruit de ce labeur en quelques mois dans leur ville dorigine. Afin de saisir lapparition de ce phénomène danslaprès 1989, il est utile, dans un premier temps, de se pencher sur le contexte socio-économique du pays. Cest en effet dans lesstratégies de surviepar lensemble de la population, que lon informelles développées discerne les prémices des usages migrants. En Roumanie, les migrations transnationales ont revêtu, au cours de la dernière décennie, des formes multiples, portées par des publics disparates. Il faut donc également sintéresser de près à lévolution de ces mouvements pour situer les pratiques émanant aujourdhui des classes moyennes urbaines. Une série dobservations au sein dune ville de départ permet de comprendre comment le phénomène migratoire prend forme dans son contexte local. La notion de capital social éclaire notamment les processus de sélection des candidats au départ autant que la « réussite » ou « léchec » de la migration. Simultanément, létude du mode de vie des migrants fait apparaître une tendance de cette activité à se perpétuer. Née de projets ponctuels, elle se transforme rapidement en véritable carrière. Dans ce contexte, lanalyse montrera quêtre migrant revient, pour finir, à sagréger à une nouvelle catégorie sociale en Roumanie. La réflexion présentée sappuie sur une recherche de trois années conduite auprès de la population migrante roumaine. Les différentes enquêtes qualitatives ont porté sur deux réseaux migratoires, ceux-ci étant compris, au sens de D.Massey, comme «lensemble des liens interpersonnels qui relient les migrants, les futurs migrants, et les non migrants dans les espaces dorigine et de destination, à travers les liens de parenté, damitié, et une origine communautaire partagée»1. Le premier réseau étudié se déploie entre la province de Teleorman, dans le sud de la Roumanie, et le département dAlmeria en Espagne. Cette circulation a fait lobjet de deux enquêtes de terrain en Espagne, à El Ejido. La première,                                                  1Massey (D.), Theories of International Migration: Review and Appraisal inPopulation and Development  Review, 19(3), 1993 cité par Ma Mung et Al., Bilan des travaux. Migrations études migratoire.La circulation, n°84, 1998, p.15.
Swanie Potot
Article paru dans la RECEO Mars 2002
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dune durée de deux semaines au mois daoût 2000, a servi de phase exploratoire pour une seconde partie, au printemps 2001. En plus de quelques estimations chiffrées par les autorités espagnoles2, lessentiel des données recueillies sont des entretiens semi-directifs de migrants Roumains et Marocains et des notes prises au cours dentrevues avec responsables municipaux ou dassociations. Cette migration a également fait lobjet dune troisième enquête dans la région dorigine, sur laquelle je reviendrai. Lautre volet de cette étude, qui constitue la matière principale du présent article, porte sur un parcours migratoire constitué à partir dune ville moyenne de Roumanie, Târgoviste, dont la destination principale fut, dans un premier temps (de 1994 à 1999) la Côte dAzur française où, daprès mes estimations, environ 150 migrants originaires de cette ville se sont succédés. A partir de 1999, cette destination a été petit à petit délaissée, et ils se sont repliés sur Londres où il y aurait, à lautomne 2001, plusieurs centaines de migrants de Târgoviste. Ce réseau a fait lobjet dune étude approfondie sur la base dentretiens, de récits de vie mais aussi dobservations participantes sur les différents lieux qui constituent cet espace migratoire. A Nice, jai mené une enquête intermittente denviron une année, en 1998, auprès des acteurs du réseau mais aussi de leurs employeurs et de leurs logeurs. Cela a donné lieu à une trentaine dentretiens enregistrés et à de nombreuses observations portant sur la vie quotidienne et les pratiques de ces acteurs. A Londres, un séjour de quatre semaines parmi les migrants en octobre-novembre 2001 a permis dy effectuer des entretiens, et davoir de multiples conversations qui ont systématiquement fait lobjet de notes. En Roumanie, deux enquêtes dans la ville dorigine, lune de 15 jours en 1999, lautre de trois mois au printemps 2000, ont non seulement approfondi la connaissance de ce réseau migrant, mais mont également permis dobtenir de nombreux renseignements sur les pratiques informelles plus généralement liées aux migrations en Roumanie. Au sein du réseau étudié, jai réalisé environ vingt interviews auprès de migrants présents en Roumanie à ce moment-là et quelques-uns auprès de membres de famille de personnes alors à létranger. Ces entretiens, bien quinstructifs, ne rendaient que partiellement compte des activités et des pratiques de cette population. Cest pourquoi ils furent complétés par des observations directes. Je connaissais, pour les avoir rencontrés en France, une quinzaine de migrants sur place lors de mon arrivée et jétais logée dans une famille dont deux des trois enfants se trouvaient à létranger. Cela ma permis de fréquenter quotidiennement le groupe des migrants et de leurs proches auquel je fais référence dans la deuxième partie du texte. Les soirées passées à leurs côtés aux                                                  2Par définition, il est très difficile dobtenir des statistiques fiables sur les migrations clandestines.
Swanie Potot
Article paru dans la RECEO Mars 2002
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