Le célibataire au salon de coiffure

Pierre Beauparlant

Sujets

• Blog

Informations

• Publié par: Pierreb
• Publié le: 07 juillet 2012
• Nombre de lectures: 52
• Langue: Français

Extrait

Le célibataire au salon de coiffure.

Dans les créneaux de la mode actuels, je suis considéré comme un

homme aux cheveux longs. Pas question, pour moi d’avoir une

boule de billard sur la tête. Il est vrai cependant que plusieurs

hommes qui portent la coiffure de monsieur Net cachent en vérité

un début ou carrément une calvitie intransigeante.

Par chance, l’hérédité m’a pourvu d’une charge de foin sur le coco.

Et ce matin, je constate que la moisson est longue et désordonnée.

Rendez-vous fut donc pris à mon salon de coiffure. Encore là, je suis choyé. Je n’ai pas une

coiffeuse, mais deux. De plus, c’est un salon attitré quasi exclusivement pour les dames. Je

suis l’exception. Je vous l’ai déjà dit, je suis un homme d’exception.

La propriétaire et une de ses coiffeuses sont mes clientes à l’agence de voyages depuis

plusieurs années.

J’y suis reçu chaque fois comme un pacha. (Ça, c’est bon pour l’ego)

Oui, oui, mais ça ne veut pas dire que c’est facile. Imaginez! Un salon de coiffure rempli de

femmes.

Juste avant mon entrée, j’entends des piaillements et des bruits de basse-cour. Je suis toujours

étonné de n’y trouver ni cages, ni oiseaux.

Je pénètre. Silence complet. Sauf, les cris quasi hystériques de la propriétaire en guise de

bienvenue. Elle halète en criant à toutes ces femmes que je suis son agent de voyages.

Un peu plus et elle me prend par la main pour me présenter aux clientes, bigoudis sur la tête.

Installation sur la chaise.

L’éternelle question. « Aujourd’hui ça être » imaginez, elle me coupe les cheveux depuis dix

ans. Une bonne fois, je vais lui répondre. Ça va être une omelette.

— Eh ben, comme d’habitude. Amincir les côtés, gardés longs vers l’arrière, un peu plus

court autour des oreilles.

Et là, arrive la question humoristique. On y met-tu une petite teinture?

Elle sait très bien ma réponse. Non, non et non. Elle part à rire chaque fois.

J’ai les cheveux, sel et poivre, au mieux, je pourrais endurer les cheveux poivre et sel. Vous

voyez ce que je veux dire?

Les piaulements recommencent petit à petit. Ma présence s’estompe graduellement. Les

confidences fusent. Vous connaissez ma grande discrétion. Je tends l’oreille au maximum.

D’après moi, y en à une qui va divorcer bientôt, l’autre a de la difficulté avec Tipou, un de ses

chats. Une autre dans le coin gauche, celle avec un casque sur la tête et plein de mèches

rouges qui dépassent, vient tout juste de s’inscrire sur un site de rencontres.

L’angle du miroir devant moi me permet de voir une jolie dame au début de la quarantaine,

les cheveux hirsutes, vous savez une coiffure qui semble ne pas être coiffée. Et dire qu’elle va

payer soixante-dix dollars pour ça.

Des pensées érotiques naissent dans mon esprit. Donnez-moi un matelas pour trente minutes

et je vais lui arranger la tête de la même façon pour presque rien.

Oui, oui, votre pensée lubrique s’est arrêtée sur les trente minutes. Dans ma prime jeunesse,

cela aurait été plus une heure. (Hélas, je n’ai plus vingt ans)

Au tout début, je vous ai dit que j’avais deux coiffeuses. L’autre, c’est celle qui me tient la

main. Vous savez comment j’ai le syndrome de la chaise (voir le célibataire chez le dentiste)

Bref, c’est presque terminé. Je le sais puisque ma coiffeuse vient tout juste d’approcher ses

ciseaux pour me couper les poils d’oreille. (Je déteste)

Passage à la caisse. Deux bisous sur les joues. Et je m’évade!

Direction, mon restaurant préféré.

Mademoiselle, une omelette, s’il vous plaît.

Le célibataire