LE Manifeste des parvenus
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Description

« Seuls les entrepreneurs peuvent devenir riches. Devenez entrepreneur. C’est le meilleur investissement que vous pouvez faire, car il implique d’investir dans vous-même, tandis que travailler pour un salaire équivaut, cela s’entend, à enrichir autrui. Les termes de l’alternative sont clairs : donner ou prendre (partager étant exclu de la discussion). Ainsi pourrait se conclure le manifeste du parvenu : ce qui n’est pas pris est perdu. »
Avec cet essai, qui tient à la fois de la satire et de l’analyse, la sociologue Julia Posca passe au crible le discours décomplexé de l’élite québécoise au pouvoir, qui rêve d’un Québec peuplé principalement de rentiers et de patrons. Une utopie pécuniaire sondée dans toute son absurdité, mais surtout dans ses nombreuses contradictions.
Le manifeste des parvenus est une œuvre-choc et décapante. C’est la voix de nos maîtres, telle que vous ne l’avez jamais entendue ! Et il importe d’y porter une attention critique, car, dans l’Amérique où le triomphe de l’argent repousse les frontières de la vulgarité, l’heure des parvenus a sonné.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 avril 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782895967378
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2018
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 2 e  trimestre 2018
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN: (papier) 978-2-89596-265-6
ISBN (epub): 978-2-89596-737-8
ISBN (pdf): 978-2-89596-926-6
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition.

Il est un âge où l’on craint davantage les réformes que les abus.
Moi je crains davantage les abus que les réformes et j’estime qu’il est urgent que l’élite comprenne les besoins du peuple même si elle doit lui sacrifier quelques-uns de ses privilèges.
Si l’élite ne représente pas le peuple, le peuple se formera une nouvelle élite, mais l’ancienne ne pourra pas se former un nouveau peuple.
Il est normal que le peuple regarde plus haut que sa condition; il est anormal que l’élite réduise sa mission à la défense de ses privilèges. Et je ne connais rien de plus hideux que la crainte qu’inspirent aux bourgeois les revendications populaires. Il n’y a pas deux sociétés, la bonne qui est riche et la mauvaise qui est pauvre. Il n’y a qu’une société.
Jacques F ERRON

I NTRODUCTION
A U DÉBUT DU MOIS d’octobre 2007, un couple de philanthropes québécois était désigné «personnalité de la semaine» par le quotidien La Presse . L’homme d’affaires millionnaire et sa femme, émus par le sort des enfants atteints du cancer, venaient juste d’organiser un tournoi de golf au profit de Leucan et de la Nicklaus Children’s Health Care Foundation. «Un enfant malade, ça n’a pas de frontière. Tous ces enfants, il faut qu’on les aide», avait affirmé l’instigatrice de l’événement, montrant que la générosité des riches ne connaît quant à elle aucune limite. Afin de participer à ce tournoi-bénéfice, coprésidé par les anciens golfeurs étoiles Jack Nicklaus et Gary Player, de nombreuses personnalités publiques s’étaient déplacées au club de golf de Laval-sur-le-Lac. Parmi elles, on comptait Jean Chrétien, Sam Hamad, Michèle Courchesne, Pierre Boivin, André Desmarais, Paul Desmarais fils, Jean Charest, Yolande James et David Whissell.
La magie a opéré et 2 561 000 dollars ont été recueillis cette journée-là. «Les Bibeau sont des champions de la vie», s’est exclamé le coordonnateur de l’événement David Skitt à propos de Tracy et de Marc Bibeau, à l’origine de l’événement couronné de succès [1] . Nicklaus, un ami voisin du couple dans le quartier chic de North Palm Beach, en Floride, s’est montré fier de sa contribution: «Quand Marc m’a demandé de participer à un événement à son club le lendemain de la Coupe des Présidents, j’ai répondu “ah…”. Mais dès qu’il m’a dit que c’était pour une œuvre de charité, j’ai accepté [2] .»
L’ancien dirigeant de la firme Schokbéton, autrefois joueur incontournable de la construction au Québec, est passé maître dans l’art d’utiliser son réseau afin de lever des fonds. En tant qu’argentier bénévole du Parti libéral du Québec (PLQ), il a orchestré de nombreux événements visant à garnir les coffres de la formation politique. À sa résidence personnelle de Beaconsfield, ou à celle de son père sur l’île Roussin à Laval, il a même, selon ce qu’on sait jusqu’ici, organisé des rassemblements dont l’unique prétexte était de soigner les relations du parti avec ses généreux donateurs. Lors d’une réception tenue le 10 septembre 2003, après avoir été accueillis par un majordome vêtu d’un smoking, les convives se voyaient remettre des mains d’une serveuse en kimono une flûte de champagne «rehaussé de framboises fraîches et de sucre brut [3] ». Tout au long de la soirée, un chef préparait des sushis, tandis qu’un autre découpait des steaks de thon à la demande. M. Bibeau savait qu’il ne fallait pas lésiner sur ce genre de détails pour entretenir la loyauté des bailleurs de fonds envers le parti. «Vous êtes les piliers de notre organisation. […] The ones that are here tonight are true real friends of the party . […] Vous pouvez constater qu’un très grand nombre de ministres sont ici ce soir, cela témoigne de l’importance qu’ils vous accordent», avait-il affirmé lors du cocktail du 22 septembre 2004, qui en était alors à sa septième édition. Parmi les membres du gouvernement présents ce soir-là se trouvaient Line Beauchamp, Michel Audet, Julie Boulet, Jacques Chagnon, Pierre Corbeil, Michelle Courchesne, Nathalie Normandeau, et Monique Jérôme-Forget. Philippe Couillard aussi prenait part à ces petites fêtes qui, on ne saurait le contredire, «[n’étaient] rien d’autre que des rencontres entre les gens [4] ».
De mauvaises langues, à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) ou dans les rangs de l’opposition à Québec, chercheront à montrer que ces soirées faisaient partie d’un stratagème de financement illégal dont Marc Bibeau était le cerveau. Il ne nous appartient pas de le démontrer. Cela dit, il n’échappe à personne que Bibeau a agi en tant qu’intermédiaire: à la manière d’un Leo Kolber sur la scène fédérale, il est de ceux qui, «circulant en douceur dans les univers interconnectés de l’argent et de la politique, [font] en sorte que les choses se passent [5] ». L’élite politique et l’élite économique se fréquentent à la frontière de la légalité, dans un no man’s land juridique et moral où les accords privés et les connivences personnelles tiennent lieu de normes de conduite. Certains trouvent même vertueuses ces opérations de «réseautage», et si elles provoquent de la corruption, avancent-ils, il ne faudrait y voir qu’une maladresse résultant d’une promiscuité autrement profitable pour tous.
Il est ainsi de notoriété publique que politiciens et gens d’affaires ont pris l’habitude de se retrouver sur les terrains de golf, dans les clubs privés et autres lieux exclusifs à l’écart des parlements pour mieux administrer la société à distance du vrai monde. Au fil de leur liaison, les membres de cette élite cherchent les solutions qui leur conviennent aux maux qui s’abattent sur notre nation. Rarement, cependant, a-t-on eu la chance d’admirer dans toute sa splendeur leur vision du monde, une vision que seuls les gagnants ont l’audace d’assumer. Il y a bien eu le manifeste des Lucides, qui constituait un premier effort pour exposer les plans et devis d’un Québec qui mettrait enfin le cap sur l’excellence et la prospérité. Mais c’était encore le manifeste timoré d’une élite incertaine d’être en position de dire tout haut ce qu’elle pensait vraiment. En réponse aux Lucides, le manifeste des Solidaires a, sans surprise, réaffirmé les ingrédients qui, de l’avis de la bande à Lucien Bouchard, garantiraient à la province de se maintenir, pour encore des siècles, en queue de peloton de tous les palmarès internationaux. Il manquait toujours un manifeste qui puisse mettre un point final à cette conversation démocratique, un manifeste qui sache porter sans fard, sans complexe et sans faux-fuyant, le discours et le projet de société de l’élite actuelle du pouvoir québécois.
Or puisque cette élite, sans doute prise ailleurs par ses lourdes responsabilités, tarde à pondre cet évangile, nous avons décidé de le faire pour elle – si elle a du cœur, elle nous en remerciera sans doute. Ici se trouve donc la bonne parole de ceux et celles qui sont parvenus au sommet de la société québécoise. Nous avons pris leurs mots et leurs idées, en les épurant de la fausse pudeur qui les recouvre parfois, pour mieux en livrer le message dans toute la vigueur de sa cohérence. Ce manifeste des Parvenus, œuvre-choc qui, espérons-le, sortira le Québec de son sommeil dogmatique, tient en six commandements: 1) L’argent, tu honoreras; 2) À plus petit que toi, tu ne t’intéresseras pas; 3) Une économie de dirigeants, tu bâtiras; 4) Par l’impôt, tu ne te laisseras pas dérober; 5) Le Bien, tu convoiteras; 6) La réalité de la vie, c’est l’entreprise privée.
Cette reconstruction fidèle du programme de l’élite qui gouverne le Québec nous permettra de tirer quelques leçons, comprises dans la deuxième partie du présent ouvrage. On verra alors que, malgré la paranoïa dont elle est atteinte et en dépit du sentiment de désamour dont elle souffre, cette élite a déjà mis à exécution des pans entiers de son plan, avec des résultats somme toute enviables – du moins pour elle. Si le souhait de cette élite, tel qu’on le comprend, est de restaurer un régime qui a prouvé par le passé qu’il excellait dans l’art d’engendrer précarité, désordres sociaux et repli communautariste, eh bien, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est actuellement en passe d’accomplir son rêve.
Aujourd’hui, les parvenus triomphent partout, ici comme à la Maison-Blanche ou à l’Élysée, et c’est peut-être là le malheur de cette élite, car la passion de l’argent et du capital, lorsqu’elle ne connaît plus de freins, se dénonce d’elle-même. Bien sûr, on pourrait se demander s’il était vraiment possible pour nos dirigeants de ne pas réprimer les salaires, de ne pas mettre la hache dans les services publics, de ne pas baisser les charges sociales du capital et les impôts des plus fortunés – ce qu’on appelle communément «couper dans le gras». Pour qui veut briller parmi les meilleurs, poser la question, c’est déjà y répondre. On le sait, les gens ordinaires veulent de bonnes écoles pour leurs enfants, des hôpitaux accessibles, ils aimeraient même vieillir à l’abri de l’insécurité. Mais ces demandes coûteuses n’ont jamais fait de quiconque s’y est intéressé une personnalité de la semaine du quotidien de Power Corporation. Du reste, on ne devient pas successful sans briser au passage quelques pots. Ceux qui ont réussi ne nient pas qu’il y ait, même dans les pays les plus prospères, des enfants vivant dans des ménages à faible revenu, des mères adolescentes forcées de quitter l’école avec à peine un cinquième secondaire en poche, des personne

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