Destins de Verre
398 pages
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Destins de Verre , livre ebook

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Description

Destins de Verre interroge sur la fragilité de nos existences à travers l'histoire d'Anne et Mathieu que tout séparait socialement. Un amour impossible. Mais le coup de foudre, ça existe et il perdure. Quand un événement inattendu vient entraver leur vie. Ils se quittent .... Sans jamais se quitter. Haletant jusqu'au bout, leur aventure est pleine de rebondissements. Chemin faisant, le récit promène le lecteur de Paris à une petite commune rurale, de la guerre d'Algérie à Venise l'enchanteresse à travers la vie d'un jeune médecin.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332972941
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-97292-7

© Edilivre, 2015
Destins de Verre
 
 
Les liens de Mathieu Lefaure avec la religion étaient inexistants. Certes, il avait été baptisé et avait fait sa première communion, mais seulement sous la pression attentionnée de ses grands-parents paternels, petits agriculteurs beaucerons, traditionnellement pratiquants. Le père de Mathieu, plus attaché à la sécurité d’un médiocre salariat administratif, et réfractaire aux travaux des champs, appartenait à cette frange de petits fonctionnaires syndiqués, devenant athées en même temps que citadins. Sa femme, peu ou pas concernée par un quelconque engagement, suivait docilement les pas de son mari.
Venu faire ses études de médecine à Paris, Mathieu fut vite approché à la Fac par de jeunes étudiants communistes. Ils l’introduisirent dans une cellule, et il obtint sa carte du parti. Il se sentit assez vite mal à l’aise dans ce milieu trop dirigiste, qui prétendait expliquer, informer et instruire sur les hommes et les sociétés, mais dont l’intention réelle était de propulser la jeunesse dans une lutte révolutionnaire. L’endoctrinement des idées de Marx, qui servait de fondement à la culture du militant, l’indisposait. S’il participa à quelques manifestations et défilés, il sentit bien vite qu’il s’égarait dans une idéologie qui ne changerait en rien le cours de ce monde dont aucune puissance, selon ce qu’il percevait, n’avait la maîtrise. Esprit indépendant, il abhorrait l’alignement, préférait comprendre par lui-même, à travers ses rencontres, ses propres lectures, et le regard qu’il était amené à porter sur le monde. Dans sa configuration politique, le mot cellule l’étouffait ; lui, l’étudiant avide de science médicale, ne voyait dans celle-ci que l’unité fondamentale de tout être vivant.
Dans cette seconde moitié de la décennie 1950-1960, les événements qui agitaient l’esprit des Français étaient surtout la fin de l’aventure indochinoise et les prémices de la guerre d’Algérie.
Rapidement, refusant un enfermement doctrinaire, Mathieu donna la préférence de son temps libre à l’activité sportive. Lui, dont la grande taille et les épaules carrées ne passaient pas inaperçues, ressentait le besoin d’une dépense physique, de mouvoir son corps, de le mettre à l’épreuve de l’effort sain et même de la souffrance, plutôt que de s’égarer dans des idées imposées et des élucubrations stériles. La salle de gym du Paris Universitaire Club, au stade Charléty de la Porte de Gentilly, fut sa terre d’élection. Là, il se joignit à un groupe d’étudiants en médecine qui formait une équipe de basket-ball. Il retrouvait un sport qu’il avait déjà pratiqué en compétition scolaire au lycée de Chartres.
Le cinéma lui apportait aussi des moments de détente heureuse. La petite salle d’art et d’essai « Le Champollion », au Quartier Latin, grande comme un mouchoir de poche, était sa préférée. De surcroît, le prix des places était modique, même pour un étudiant peu argenté. On y projetait des films anciens, mythiques, cultes, dont l’éventail allait du « Cuirassé Potemkine » d’Eisenstein aux « Enfants du Paradis » de Marcel Carné.
Dans son admiration des grands acteurs, Louis Jouvet l’emportait ; visage en lame de couteau, regard froid, perçant, gestuelle mesurée et combien efficace, air austère et cynique, et surtout diction unique, parfaite, syncopée qui, disait-on, serait le correctif d’un bégaiement premier. Pour Mathieu, « Le docteur Knock ou le triomphe de la médecine » dessinait l’horrible et détestable caricature de l’image qu’il se faisait de son futur métier, ce charlatanisme qu’il ne supportait pas mais que Jouvet rendait si drôle. Bien plus tard, quand Mathieu dans son cabinet examinait un patient, il lui arrivait d’esquisser un sourire intérieur en se remémorant la fameuse phrase que l’acteur y prononçait avec une hilarante gravité : « Attention, attention, ne confondons pas ; ça vous gratouille ou ça vous chatouille ? ». Et parfois, quand il auscultait un sujet souffrant d’une affection respiratoire, il ne pouvait s’empêcher d’entendre cet échange verbal entre le Docteur Knock à la mine sévère et renfrognée et l’homme transi de peur qui se trouvait devant lui : « Vous fumez ? » « Non, je chique. » « Défense absolue de chiquer », proférée d’une voix tranchante, qui ne laissait pas de place à la désobéissance.
A côté de ces films mythiques qu’il revoyait volontiers, Mathieu ne manquait pas certains films qui sortaient.
Il y eut la déflagration provoquée par le film « Et Dieu créa la femme », titre au demeurant sacrilège d’une sentence biblique, qui fit d’une jeune actrice débutante, Brigitte Bardot, un « sex symbol » à l’échelle planétaire. Puis arriva la Nouvelle Vague avec Truffaut, Godard et quelques autres qui rompaient avec les schémas traditionnels du cinéma, dans la narration et la façon de filmer, en donnant libre cours au jeu quasi improvisé d’une nouvelle génération d’acteurs.
En quelques occasions, Mathieu remontait le boulevard Saint-Michel pour prendre un pot au Capoulade, point de rencontre de la jeunesse estudiantine, à l’angle de la rue Soufflot, face au jardin du Luxembourg. Sur le trottoir, un original, Ferdinand Lope, tenait séance autour d’un cercle de curieux. Candidat farfelu à la Présidence de la République, il exposait son programme. En cas d’élection, il s’engageait à prolonger le Boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer et à ramener la grossesse des femmes de neuf à sept mois !
Sport et cinéma furent les distractions nécessaires à celui dont la préoccupation première, existentielle, demeurait de réussir ses études ; il était empressé de les terminer pour s’adonner à un métier tant souhaité.
Le déclic de sa vocation remontait à un jour précis de son enfance, lorsque le médecin de famille, avec un sérieux chargé d’une chaude empathie, se pencha pour ausculter le petit malade qu’il était. Un moment inoubliable. Une émotion d’une violente intensité qui avait envahi tout son être. La découverte d’un modèle humain qui hanterait sa vie.
Les parents de Mathieu étaient de petits agents de l’Etat. Ils vivotaient, aigris. Dans un horizon terne et rétréci, brillaient une lumière et une espérance, leur fils et son choix professionnel. Leur morne vie soumise lui insuffla le désir d’exister par lui-même. S’armer pour être le moteur de son destin, le maître de la conduite de ses actes.
Mais plus encore que ce besoin d’indépendance et de reconnaissance, il y avait, confusément ressenti, un appel lointain fort, à aider, à servir, à soigner en donnant le meilleur de soi-même ; il l’entendait comme une voix venue de l’intérieur.
 
 
Pour Mathieu, les deux premières années d’études furent exemplaires de routinière simplicité. Les journées se déroulaient avec l’immuable régularité d’un métronome. Le matin, à l’hôpital, visite prolongée en salle de malades puis rapide déjeuner au réfectoire ; l’après-midi, à la faculté, séances de travaux pratiques puis cours magistraux dans un amphithéâtre régulièrement bondé, avec des étudiants assis sur les marches d’escalier ; dîner au restaurant universitaire ; et pour terminer, à domicile, jusque tard dans la nuit, préparation des examens partiels puis de fin d’année.
Il logeait boulevard Saint Germain, dans une chambre mansardée d’un bel immeuble haussmannien louée à petit prix. Les six étages à hautes marches en bois de l’escalier de service en colimaçon lui apprirent vite à ne rien oublier en quittant et rentrant chez lui. L’orientation vers l’ouest faisait, encore à une heure avancée, pénétrer la lumière du jour dans la pièce à travers un chien-assis, sorte de petite lucarne fenêtrée. Pour mobilier, il y avait l’essentiel ou le strict minimum, selon l’idée que l’on se faisait des nécessités, un lit d’une place, une mini-table de travail, une chaise, une petite armoire à linge et quelques étagères. Un lavabo avec eau froide et chaude occupait un coin. Les toilettes étaient communes, situées au fond du long couloir de l’étage. Une affichette écrite d’une plume appliquée, collée à l’intérieur de la porte rappelait à chaque utilisateur de « veiller à laisser l’endroit propre en le quittant comme vous l’avez trouvé en arrivant ».
La faculté était distante de quelques enjambées. C’était la Nouvelle Faculté de Médecine de la rue des Saints Pères, bâtie récemment sur l’emplacement où, jadis, s’élevait l’hôpital de la Charité, tenu par des moines de la congrégation des Saints Pères, venus de Rome, sur la demande expresse de la reine Catherine de Médicis. La façade de l’édifice s’ornait des effigies de personnages marquants de l’aventure médicale, depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, pour en rappeler les grandes étapes.
Les examens partiels, baptisés « colles » dans le jargon des carabins, se succédaient à un rythme trimestriel. Ils avaient comme nom ostéologie pour les os, myologie pour les muscles, histologie pour les tissus. Mathieu franchit chacune de ces étapes, nanti de la mention bien ou très bien. Il puisait dans ces bons résultats encouragement, confiance redoublée et soif d’avancer. Il était ardent, ambitieux, impatient comme beaucoup de jeunes provinciaux étudiants ou salariés arrivant à Paris.
A l’hôpital, il découvrit le contact avec les malades et la grande souffrance de certains. Il s’initiait à la pratique médicale. Pour les lits dont la charge lui était dévolue, il consignait sur un cahier dit d’observation l’histoire de la maladie, les données de son examen médical et le résultat des examens complémentaires.
L’activité du service gravitait autour de l’événement de la semaine, la visite du patron, le jeudi matin, visite à la fois redouté

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