Mémoires d un révolutionnaire : 1905-1945
354 pages
Français

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Mémoires d'un révolutionnaire : 1905-1945 , livre ebook

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Description

« Les Mémoires de Serge, plus que le récit minutieux et détaillé de sa vie – qu’il ne fait d’ailleurs pas –, sont l’exposé critique des événements historiques et sociaux auxquels les hommes de ce temps ont dû s’affronter, et dont il convient de tirer des leçons pour que, plus avertie et donc plus assurée, la marche vers un objectif ou un idéal sans doute jamais assuré se poursuive. Il s’agit de rendre compte et, ce faisant, de se rendre compte. »
— Jean Rière

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895967217
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2017 pour la présente édition
© Lux Éditeur, 2010, avec l’accord de la Fondation Victor Serge
© Lux Éditeur et Jean Rière, 2010, pour les notes et la bibliographie www.luxediteur.com
Dépôt légal: 4 e  trimestre 2017
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 978-2-89596-266-3
ISBN (pdf) 978-2-89596-921-1
ISBN (epub) 978-2-89596-721-7
PRÉFACE
VICTOR SERGE: UNE VOIX POUR LE TEMPS PRÉSENT
L’important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais c’est ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous.
Jean-Paul S ARTRE , Saint Genet, comédien et martyr
Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort.
N IETZSCHE , Crépuscule des idoles
La recherche de la vérité est un combat pour la vie; la vérité qui n’est jamais faite, étant toujours en train de se faire, est une conquête sans cesse recommencée par une approximation plus utile, plus stimulante, plus vivante d’une vérité idéale peut-être inaccessible.
Victor S ERGE , Carnets
Non, le destin de Serge ne s’est pas achevé en ce soir funeste et solitaire du 17 novembre 1947, évoqué par son vieil ami et camarade Julián Gorkin, qui, après l’avoir quitté vers 22 heures au centre de Mexico, devait le retrouver peu après minuit, mort, déposé dans un poste de police par un chauffeur de taxi: «Dans une pièce nue et misérable aux murs gris, il était étendu sur une vieille table d’opération, montrant des semelles percées, un complet élimé, une chemise d’ouvrier… Une bande de toile fermait sa bouche, cette bouche que toutes les tyrannies du siècle n’avaient pu fermer. On eût dit un vagabond recueilli par charité. N’avait-il pas été, en effet, un éternel vagabond de la vie et de l’idéal? Son visage portait encore l’empreinte d’une ironie amère, une expression de protestation, la dernière protestation de Victor Serge, d’un homme qui, toute sa vie, s’était élevé contre les injustices.»
Son destin (avec ou sans majuscule), loin de s’être «achevé» en ces années lointaines, ne faisait peut-être que commencer… Et ce n’est pas le moindre des paradoxes et des mérites des Mémoires d’un révolutionnaire que de susciter chez ses lecteurs cette impression spontanée, vite métamorphosée en certitude évidente, d’être devant un grand vivant dont la présence intense et dense s’impose d’emblée. Ou, comme le disait Malraux de «l’Oncle Gide», d’être devant un «contemporain capital».
Ses Mémoires d’un révolutionnaire ne posent et n’exposent pas seulement – après bien d’autres certes, ce genre littéraire ayant plusieurs siècles d’existence – les problèmes existentiels et philosophiques communs à tout homme: que faire d’une vie? de sa vie? quel sens lui donner? Ils obligent aussi à réfléchir sur tout projet autobiographique: pourquoi un récit de vie, de sa vie? Que faire d’un tel récit: un simple témoignage? un «message»? une «œuvre d’art»? Là encore, l’entreprise sergienne, on le verra, impose sa différence, son originalité. Tandis que bien des auteurs et des acteurs du XX e  siècle ont irréversiblement disparu dans les sables de l’histoire et de la mémoire, Serge, lui, est de plus en plus présent et sa réelle valeur en tant qu’homme, que militant révolutionnaire et, surtout et avant tout (pour nous du moins), en tant qu’écrivain majeur s’impose tout aussi irrévocablement.
UNE VIE ENTIÈREMENT ASSUMÉE
C’est entendu: chaque vie est singulière dans toutes les acceptions du terme. Mais il en est qui le sont plus que d’autres. C’est indéniablement le cas de cette vie qui, de surcroît, objectivement, en contient plusieurs! Que faut-il en retenir?
Qu’elle se construit dès l’enfance, de cette enfance-là . Qu’elle se caractérise par des choix de valeurs et d’attitudes décidés donc très tôt: ne jamais se laisser aller, «se tenir»: debout, droit. Serge, dès l’âge de douze ans, n’a pas voulu d’une vie subie et écrasée. Il a voulu une vie accomplie, maîtrisée de part en part: pas seulement pour lui, mais aussi pour ses contemporains.
On ne sait ce qu’il faut admirer ou estimer le plus chez lui, de la précocité dans la prise de conscience, l’observation, l’analyse suivies d’engagements entièrement revendiqués, c’est-à-dire avec l’acceptation du prix à payer – ou de la continuité sans failles ni reniements dans les luttes tôt entreprises. Il y a dans cette vie une cohérence et une rigueur jusqu’au bout recherchées, qui la rendent absolument unique.
Il est vrai: choisir – dans les années 1908-1919 – «Le Rétif» (étymologiquement: celui qui résiste) comme premier et principal pseudonyme, c’est clairement annoncer la couleur! Pas question de lavis ni de pastels: seuls le rouge et le noir sont de mise. Et notre fougueux et jeune militant de manier alors une plume acérée, ironique, véhémente, prompte parfois à l’excès dans la polémique et sans merci. C’est la loi du genre! Il n’y déroge point. Il raille et ferraille avec un accent déjà personnel. Jamais Le Rétif puis Victor Serge ne «s’économiseront»: pas du genre à accepter des pauses, des «arrangements», des compromis-compromissions. Pas l’homme du consensus mou. Au confort assuré par tous les conformismes, il préférera toujours l’hérésie permanente, cet art périlleux de n’être pas dupe et encore moins dupeur.
Le Rétif dissèque les mécanismes d’oppression et de domination, les condamne et les combat sans trêve, mais il entend faire de même pour tous les mécanismes de soumission ou de servitude, volontaire ou proposée. Il n’assene donc pas ses volées de bois vert (qui tombent fort dru) sur les seuls exploiteurs et tenants d’un ordre inique, ceux qui soumettent, mais, tout autant, sur les exploités qui, soit sont passifs ou conformistes, soit se soumettent ou, bien plus, se laissent avoir par des «leurres» les incitant à s’accommoder de leur état, par des «mirages» différant toujours le passage à l’acte révolutionnaire.
On est fondé à voir dans cette attitude n’épargnant personne (individus, institutions, groupes, partis) les prémices de ce qu’il qualifiera plus tard, dans sa période «bolchevik», de règle du double devoir (explicite dans Soviets 1929 et Littérature et révolution , mais implicite dans des écrits antérieurs), à savoir l’impérieuse nécessité d’exercer, aussi au sein du parti, du groupe, du mouvement, un indispensable esprit critique. Pour éviter les scléroses, les enlisements stériles dans les clichés et les formules vides de contenu, la stagnation, voire la régression et la corruption des meilleurs, il faut impérativement faire ce travail critique sur soi et, parfois, contre soi. Pour Serge, chaque homme est responsable: de soi et d’autrui. Aucun fatalisme chez lui.
Certes, comme toute vie, la sienne a sa part d’erreurs, d’échecs, du moins a-t-il placé haut la barre de ses exigences et de sa radicalité. Pour ma part, je n’y vois rien de médiocre, de mesquin.
LES MÉMOIRES COMME ŒUVRE DE VIE, DE VÉRITÉ, DE COMBAT ET D’ART
D’un homme qui a toujours considéré qu’il y avait une «responsabilité des écrivains et des intellectuels» et qui l’a toujours exigée d’eux, qui s’est toujours efforcé de mettre en cohérence sa vie et ses actes, on ne peut s’attendre à un livre de divertissement ou de travestissement, de dénis de la réalité et de la vérité, en d’autres termes à un livre truqué: soit celui d’un prestidigitateur, soit celui d’un faussaire. On ne peut s’attendre à un livre de complaisance à soi ou sacrifiant, par démagogie ou intérêt, aux modes et aux puissances du moment. Encore moins à un livre de clichés convenus, d’images et d’idées conventionnelles, «à mettre entre toutes les mains», car il ne remet surtout pas l’ordre du monde en question.
Écrire ses souvenirs ou ses mémoires est tout à la fois un acte politique et littéraire. Serge aurait souscrit à cette conviction exprimée par Henry James dans ses Carnets : l’écrivain est celui qui ne laisse rien perdre . Il aurait ajouté que pour le militant aussi, il y a toujours quelque chose à sauver , y compris et surtout au plus profond des défaites, des désastres et des séismes historiques. Écrire et décrire les luttes menées, ce n’est pas tant désirer les revivre que, bien plutôt, vouloir les prolonger, les poursuivre d’une autre manière. Serge n’est pas l’homme du renoncement. Résistance est son mot souverain, son mot d’ordre permanent. De plus, comme toujours chez lui, le récit, l’analyse, s’accompagnent d’une mise à distance, d’un perpétuel «dedans-dehors» destinés à assurer une vision large et lucide, critique. L’intrication complexe des événements ne lui échappe point. En cela, on peut dire qu’il agit «en historien». Sans prétendre toutefois en avoir le statut officiel et dûment estampillé, conscient que temps et documentation lui manquent encore pour effectuer certaines vérifications indispensables, d’où quelques erreurs. Mais, s’il lui arrive effectivement d’en commettre, de «se tromper», nulle intention délibérée de «tromper». Engagé certes, mais pas enrégimenté ni manichéen.
Les Mémoires de Serge, plus que le récit minutieux et détaillé de sa vie – qu’il ne fait d’ailleurs pas –, sont l’exposé critique des événements historiques et sociaux auxquels les hommes de ce temps ont dû s’affronter, et dont il convient de tirer des leçons pour que, plus avertie et donc plus assurée, la marche des hommes se poursuive vers un objectif ou un idéal sans doute jamais assuré. Il s’agit de rendre compte et, ce faisant, aussi de se rendre compte . Une intelligence aiguë s’y déploie et s’y montre, par la compréhension dont elle fait preuve, toujours à la hauteur des événements évoqués, les dominant même avec aisance (celle d’une réflexion sans cesse approfondie et remise en question).
De même que pour Kierkegaard, l’important n’est pas d’être «chrétien» – pour d’autres, ce sera «athée», «communiste», «laïc», etc. – et de s’installer définitivement dans un état ou une condition, mais avant tout de s’efforcer de devenir tel ou tel, san

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