Milan (1955-1965)
197 pages
Français

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Milan (1955-1965) , livre ebook

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Description

À la fin des années 50, Milan devient la capitale du "miracle économique" italien. Comment les artistes et les intellectuels ont-ils perçu, analysé et représenté les bouleversements urbanistiques et socio-économique qui caractérisent cette ville ? En confrontant les formes réelles de la ville issues des ouvrages d'histoire, d'architecture, d'urbanisme et de sociologie à leurs représentations imaginaires dans la littérature et le cinéma, l'auteur brosse un tableau de la ville où se reflète la complexité et l'ambivalence d'un processus de changement qui a marqué l'histoire de l'urbanisme italien.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 août 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782336795676
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Logiques Sociales Série : Études Culturelles Dirigée par Bruno Péquignot Le chamd Des dratiques culturelles est Devenu un enjeu essentiel De la vie sociale. eduis De nombreuses années se sont Déveloddées Des recherches imdortantes sur les agents sociaux et les institutions, comme sur les dolitiques qui Définissent ce chamd. Le monDe anglo-saxon utilise dour les Désigner l’exdressioncultural studies. Cette série dublie Des recherches et Des étuDes réalisées dar Des draticiens comme dar Des chercheurs Dans l’esdrit général De la collection. Gabriel SEGRÉ, FréDéric CHARLES,Sociologie des pratiques musicales des collégiens et lycéens à l’ère numérique, 2016. Kheira BELHAJ-ZIANE,Le rap underground, un mythe actuel de la culture populaire,2014. Louis BASCO (Dir.),Construire son identité culturelle, 2014. e Jean-Louis FAVRE,Une histoire populaire du 13arrondissement de Paris. « Mieux vivre ensemble », 2013. Marisol FACUSE,Le monde de la compagnie Jolie Môme. Pour une sociologie du théâtre militant, 2013. Ji Eun Min,La réception de la comédie musicale de langue française en Corée. Echanges culturels dans une économie mondialisée, 2013. NaDine BOUOU,Les imaginaires cinématographiques de la menace. Émergence du héros postmoderne, 2013. Laetitia SIBAU,Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence. Des précarités maitrisées ?,2013. Christian APPRILL, Aurélien JAKOUANE et MauD NICOLAS-ANIEL, L’enseignement des danses non réglementées en France. Le cas des danses du monde et des danses traditionnelles, 2013. Christiana CONSTANTOPOULOU,Barbaries contemporaines, 2012. Barbara LEBRUN (éD.),Chanson et performance. Mise en scène du corps dans la chanson française et francophone, 2012. Isabelle PAPIEAU,Du culte du héros à la peoplemania, 2012. FréDéric GIMELLO-MESPLOMB,L’invention d’un genre : le cinéma fantastique français, 2012.
Graziano Tassi
Milan (1955-1965)
La capitale du miracle économique italien entre littérature et cinéma
© L’HARMATTAN, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr EAN Epub : 978-2-336-79567-6
Introduction Générale
La ville est une magnifique émotion de l’homme. La v ille est une invention, mieux : c’est l’invention de l’homme ! L a ville n’est pas un fait virtuel, c’est un fait physique, parce qu’elle est pleine d’humanité. La 1 ville est un perpétuel devenir…
En sortant de laStazione CentraleMilan, on aperçoit à droite, de derrière le gratte-ciel Pirelli, de nouveaux gratte-ciel qui dominent avec orgueil leskylinemilanais. Ce sont les nouveaux immeubles futuristes qui ont été construits à l’occasion de l’Expo 2015 et qui s’inscrivent dans le plan de réaménagement des quartiers Garibaldi e Isola. Ces deux quartiers, dans les années 60, étaient déjà concernés par des projets urbanistiques qui visaient à doter Milan, sans succès, d’un centre directionnel à l’instar des grandes capitales internationales. Ce qui n’a pu être fait dans les années 60, l’a été maintenant, confirmant encore une fois le dynamisme qui, en bien ou en mal, caractérise la capitale lombarde. Car Milan est peut-être la seule ville italienne qui, pour des raisons historiques et pour sa prétendue laideur, n’est pas prisonnière de son glorieux passé architectural et urbanistique. Toutes les grandes villes changent au cours de leur histoire, alternant de phases d’ascension et de décadence. Elles se configurent par conséquent comme des objets stratifiés, où différentes temporalités coexistent dans leur bâti et dans leur toponymie. Elles s’inscrivent dans une histoire politique, économique et sociale plus grande et, pour de multiples raisons, à un moment ou à un autre, elles se retrouvent sur le devant de la scène. Pendant des décennies, voire des siècles, telle ou telle ville devient le centre national ou international des échanges commerciaux, culturels et artistiques. Chaque époque, chaque moment historique, chaque mouvement artistique semble ainsi créer des liens spécifiques et privilégiés, des affinités électives avec une ville en particulier. On ne peut pas citer Honoré de Balzac ou Émile Zola sans penser au Paris du ème XIX siècle, Andy Warhol et le pop art sans les associer au New York des années 60. Le fascisme italien tisse des liens physiques et symboliques très forts avec la ville de Rome et son passé. On pourrait multiplier les exemples. Dans le cas du « miracle économique » italien, on pense tout
naturellement à Milan…
L’objectif de ce livre est d’analyser comment la littérature et le cinéma ont représenté la ville de Milan au cours de la décennie 1955-1965, qui précède et suit de peu ce que la grande majorité des historiens appellent 2 maintenant « le miracle économique » des années 1958-1963 . Nous avons choisi ces deux dates car, d’un point de vue artistique, elles marquent des tournants fondamentaux dans la culture italienne de l’après-guerre. 1955 est la date de publication du romanMetelloVasco Pratolini. de Avec ce roman, on considère désormais, d’une façon conventionnelle, que la saison du néoréalisme se termine et que voient le jour de nouvelles recherches artistiques, guidées par de nouvelles manifestations 3 de sensibilité culturelle . 1965 est la date de sortie du filmI pugni in tascade Marco Bellocchio, 4 lequel, selon plusieurs critiques cinématographiques , semble anticiper les ferments de la contestation juvénile qui va exploser trois ans plus tard. Sur le pays commence à souffler un vent extrêmement critique face, justement, au « miracle économique ». Ce qui nous intéresse c’est donc un regard contemporain de l’époque représentée, sans les filtres de l’histoire ou de la mémoire. Deux dates. Un roman et un film. Ce choix reflète la dualité qui est à la base de ce travail. Nous avons choisi d’aborder le problème de la représentation d’une ville à travers deux expressions artistiques qui, au cours de notre décennie, entretiennent des interrelations très étroites. En effet, si on se limite à la production qui, d’une façon ou d’une autre, concerne la ville de Milan, on peut constater que, d’une part, certains écrivains participent directement à l’écriture des scénarios et, d’autre part, qu’un bon nombre de films ou de moyens métrages sont tirés de romans ou de nouvelles. Le choix du corpus ne s’est évidemment pas fait selon le critère de l’exhaustivité. Un sujet vaste comme la ville de Milan, même circonscrit à une seule décennie, offre une telle quantité d’œuvres littéraires et cinématographiques que prétendre à l’exhaustivité nous aurait conduit soit à la dispersion, soit à un regrettable effet catalogue. Nous avons donc sélectionné douze œuvres littéraires (huit romans, deux recueils de nouvelles, un journal et une pièce théâtrale) et huit œuvres cinématographiques (cinq longs métrages et trois moyens métrages). La présence de moyens métrages dans notre corpus s’explique par le succès que, dans les années 60, connaissaient les films à sketches,
5 surtout dans le genre de la comédie à l’italienne . Nous avons choisi ces œuvres, d’une part, en fonction de leur force et de leurs qualités artistiques, de leur capacité à rendre compte de leur temps tout en atteignant une dimension beaucoup plus universelle ; d’autre part, le choix a été guidé par la structure même de ce travail. S’agissant d’une étude « thématique », nous avons privilégié les œuvres qui illustrent et problématisent le mieux les thèmes qui articulent cette étude.
Le miracle économique et les villes italiennes Le miracle économique représente un moment fondamental pour l’histoire de l’Italie républicaine qui a suscité d’emblée un vaste intérêt et un vif débat chez les intellectuels et les artistes de l’époque. Entre la fin des années cinquante et le début des années soixante, la société italienne connaît, en l’espace de seulement quelques années, une véritable rupture par rapport à son passé. Les énormes transformations qui traversent le pays ne concernent pas seulement la façon de produire et de consommer mais aussi la façon de penser et de rêver, de vivre le présent et d’envisager le futur. C’est la société tout entière qui change, dans tous ses aspects. L’économie italienne connaît une expansion formidable, grâce à l’ouverture internationale des marchés (due principalement à la naissance du Marché commun européen), à un faible coût du travail, à la disponibilité de nouvelles sources d’énergie et aux importants investissements publics et privés. Entre 1958 et 1963, le PIB connaît une augmentation de 6,6 % par an. En dix ans, de 1954 à 1964, le revenu national passe de 17 000 milliards de Lires en 1954 à 30 000 milliards en 1964 et le revenu par tête de 350 000 à 571 000 Lires. Outre cette formidable expansion, l’économie italienne se modifie également en profondeur. Toujours entre 1954 et 1964, le secteur agricole passe de 40 % à 25 % de la population active, le secteur industriel de 32 % à 40 % 6 et les services de 28 % à 35 % . Ces transformations économiques vont de pair avec des transformations sociales considérables. Tout d’abord, les migrations intérieures, qui représentent sans doute l’un des phénomènes les plus importants de l’histoire de l’Italie républicaine des années cinquante aux années soixante-dix. Entre 1955 et 1971, de 9 à 10 millions d’Italiens sont 7 concernés par les migrations interrégionales . Leur point culminant se situe en 1961-62 et il s’agit la plupart du temps d’une émigration rurale qui n’est pas exclusivement méridionale. Des paysans des campagnes du Nord, des Apennins romagnols, de la côte ligure ou de Toscane se
dirigent vers les villes du triangle industriel : Milan, Turin et Gênes. Les migrants méridionaux représentent toutefois la majorité : entre 1958 et 1963, 1,3 millions d’Italiens du Sud quittent leur province et leur région pour le nord industriel, au point que Turin devient la troisième plus grande ville méridionale d’Italie après Naples et Palerme. Les migrations ne touchent pas seulement les capitales industrielles mais toute la plaine du Pô et les villes moyennes situées sur l’axe Milan-Turin comme Bergame, Brescia ou Ivrée. Il s’agit principalement d’une émigration rurale et l’insertion des jeunes méridionaux se révèle très difficile. Intimidés par la grande ville, surpris par son climat froid, parlant pour certains à peine l’italien, ils sont très mal accueillis par les Septentrionaux. Les grandes transformations de l’économie italienne et les importantes migrations internes entraînent avec elles de nouveaux cadres de vie étroitement liés à l’urbanisation et à ses problèmes, à la société de consommation, à l’émancipation de la femme et à l’émergence d’une nouvelle « jeune génération ». En effet, le besoin de nouveaux logements pour accueillir les nouveaux arrivants mais aussi pour faire face à la croissance démographique, allié à une certaine faiblesse des pouvoir publics qui laissent, sans grand contrôle, la construction de nouveaux immeubles à l’initiative privée, alimente la spéculation immobilière. En outre, la construction des infrastructures urbaines ne suit pas le rythme des initiatives privées et le phénomène des bidonvilles (lesborgatede la périphérie de Rome décrites par Pasolini par exemple) ne fait que s’accroître dans les années soixante. Dans ce nouveau cadre de vie qu’est la ville en transformation du boom économique se développe à un rythme vertigineux une société de consommation qui modifie en profondeur le comportement et le style de vie des Italiens, même si les anciennes valeurs liées à la tradition rurale catholique et communiste persistent et donnent naissance à un mélange 8 inextricable et contradictoire d’ancien et de moderne . Par exemple, la viande devient un aliment presque quotidien des ménages italiens. La consommation de denrées rares avant-guerre (légumes et fruits frais, sucre, café) devient courante. Le cadre de vie familial se transforme : la télévision, les réfrigérateurs, les machines à laver, le mobilier envahissent les appartements des classes moyennes. Tout ménage espère rapidement acheter une voiture ou au moins une motocyclette. En 1954 par exemple, on compte 700 000 automobiles et 5 millions dix ans plus tard. Toutes ces améliorations de la qualité de l’existence transforment les rythmes de vie et les loisirs. La télévision, avec des émissions comme 9 10 Lascia o raddoppia etCarosello, ne se limite pas à annoncer et à
accompagner la croissance économique. Elle est également un vecteur d’homogénéisation régionale, politique et sociale. Les femmes, avec tous ces changements, semblent améliorer leur condition. Il ne s’agit pas tant d’une avancée législative que d’une évolution qui se situe dans le domaine des mœurs. Une évolution timide mais qui permet à la femme de gagner en indépendance grâce au travail, à l’éducation et à l’urbanisation. A côté de cette frileuse émancipation des femmes, à partir de la fin des années cinquante, le phénomène « jeune » prend de l’ampleur et avec lui son cortège d’analyses (sur la mode des jeans, des motocyclettes, durock and roll), d’articles polémiques et critiques, de protestations dans les partis politiques, la presse et les intellectuels. Il s’agit d’une jeune génération qui aspire aux loisirs, au mieux-être, qui veut se distinguer de la génération précédente : langage différent, musique, vêtements, idoles, tout caractérise une culture interclassiste et générationnelle. Enfin, dans cette nouvelle société de consommation qui se développe pendant les années du « miracle économique » italien, naissent de nouvelles aspirations, de nouveaux comportements individualistes qui semblent volontairement oublier le passé pauvre et pourtant encore si récent de l’Italie préindustrielle. Ce qui prend forme, c’est une société entièrement vouée à l’hédonisme, à la course effrénée à la consommation, à l’espoir, souvent déçu, d’une ascension sociale rapide et peu soucieuse des moyens de sa réalisation. Cette grande transformation, cette « révolution anthropologique » selon la célèbre formule de Pasolini, se concentre, se développe et prend forme principalement dans l’espace en mutation de la ville, non seulement des grandes villes industrielles du Nord mais, à une plus petite échelle, aussi dans les villes de province et du Sud de l’Italie. Valerio Castronovo rappelle que l’expression « miracle économique » a été employée pour la première fois par un journal anglais, leDaily Mail, le 25 mai 1959, pour décrire le processus de développement qui était en 11 cours en Italie . L’emploi du terme « miracle » était justifié par le fait que, dans une Italie repliée et arriérée, victime d’un après-guerre interminable, le développement économique faisait irruption telle une « belle époque 12 inattendue », comme l’écrivait Italo Calvino . Face à cette « belle époque inattendue », Calvino n’a pas l’attitude apocalyptique de Pasolini. Selon lui, les valeurs traditionnelles n’ont pas changé. C’est la façon de les vivre qui a changé. La vie, libérée des angoisses de la guerre et de la faim, est vue maintenant comme :
[…] un spectacle prévisible et rassurant dans ses g randes lignes, dont on
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