Modernité et documentaires
300 pages
Français

Modernité et documentaires , livre ebook

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300 pages
Français

Description

Peut-on parler de modernité à propos du cinéma documentaire ? Quel est son contexte d'émergence, quels en sont les réalisateurs de télévision et cinéastes précurseurs ? Quels sont ses effets sur la représentation du réel ? Si la modernité semble se cristalliser dans Chroniques d'un été (Rouch et Morin, 1960), elle prend ensuite des formes sans cesse renouvelées : l'observation (analysée au travers de l'oeuvre de R. Depardon) et l'observation participante (étudiées dans les films de J. van des Keuken).

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 375
EAN13 9782296249714
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Champs visuels Collection dirigée par PierreJean Benghozi, Raphaëlle Moine, Bruno Péquignot et Guillaume Soulez  Une collection d'ouvrages qui traitent de façon interdisciplinaire des images, peinture, photographie, B.D., télévision, cinéma (acteurs, auteurs, marché, metteurs en scène, thèmes, techniques, publics etc.). Cette collection est ouverte à toutes les démarches théoriques et méthodologiques appliquées aux questions spécifiques des usages esthétiques et sociaux des techniques de l'image fixe ou animée, sans craindre la confrontation des idées, mais aussi sans dogmatisme.
Dernières parutions Cécile SORIN,Pratiques de la parodie et du pastiche au cinéma, 2010. Daniel WEYL,Souffle et matière, 2010, Delphine ROBICDIAZ,L’Art de représenter un engagement personnel, 2010. Frédérique CalcagnoTristant,L’image dans la science, 2010. Marguerite CHABROL, Alain KLEINBERGER,Casque d’Or : lectures croisées,2010. Jean FOUBERT,L’Art audiovisuel de David Lynch, 2009. Geneviève CORNU,L’art n’est pas un langage. La rupture créative, 2009. Yves URO,Pauline Carton, itinéraire d’une actrice éclectique, 2009. Bernard LECONTE,La télé en jeu(x), 2009. Gilles REMILLET,Ethnocinématographie du travail ouvrier, 2009. JeanPaul AUBERT,L’Ecole de Barcelone. Un cinéma d’avantgarde en Espagne sous le franquisme, 2009. Thibaut GARCIA,Qu’estce que le « virtuel » au cinéma ?,2009. Yannick MOUREN,Filmer la création cinématographique. Le film art poétique, 2009. Raphaëlle MOINE, Brigitte ROLLET et Geneviève SELLIER (sous la dir.),Policiers et criminels : un genre populaire européen sur grand et petit écrans, 2009. Françoise LUTON,Peter Blake etSergeant Pepper, 2009. Dominique CHATEAU,: le cinémaPhilosophie d’un art moderne , 2009.
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© L’Harmattan, 2010 57, rue de l’EcolePolytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296112513 EAN : 9782296112513
INTRODUCTION Modernité et documentaire se rejoignent au sein d’un paradoxe. « Si la questiondu moderne n’est pas, elle-même, bien moderne », (Aumont 2007 : 9) la question du documentaire alimente quant à elle bien des fictions. On pourrait ainsi avancer que c’est sur cette base que la modernité rejoint le documentaire. Lorsque les documentaristes jouent à remettre en question leurs pratiques de représentation, lorsque les théoriciens du cinéma commencent à s’interroger sur les capacités du cinéma à représenter le réel, lorsqu’en un mot les pratiques et les discours questionnent les fondements du cinéma documentaire, c’est alors que l’on peut considérer que la modernité touche au documentaire. Le cinéma documentaire peut-il encore prétendre atteindre le réel ? Le cinéma, même documentaire n’est-il pas contraint à ne produire que des fictions ? C’est cette question que se posent les documentaristes du cinéma-vérité et les théoriciens de la même époque, qui nous semble moderne.Pourtant la modernité n’est pas une maladie contagieuse, et ce n’est pas parce qu’elle trouve à se cristalliser dans le cinéma-vérité que pour autant une date est posée à partir de laquelle les images documentaires perdront leur fonction traditionnelle de représentation pour s’ouvrir à d’autres fonctions. Les ruptures introduites par la modernité dans le champ du cinéma documentaire sont en elles-mêmes porteuses d’innovations et de nouveauté. Mais ces nouveautés ne seraient que des figures de style si elles ne s’accompagnaient pas d’une nouvelle manière de concevoir à la fois le réel et les rapports que le cinéma peut entretenir avec celui-ci. Changements dans les pratiques et les discours modifient ainsi les attentes du spectateur quant à sa manière de se positionner dans ses pratiques de réception. C’est sur ce constat que se fonde notre approche qui propose une réflexion sur les relations entre la modernité et le champ du cinéma documentaire. Cette réflexion s’appuiera sur un corpus d’une dizaine de films correspondant à des configurations significatrices dans la relation entre les deux notions. Il ne s’agit pas ici d’étudier
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l’évolution de la relation de manière linéaire et continue, mais d’établir des liens entre des domaines, des périodes et des cinéastes très différents. Il s’agira donc de circuler entre une approche historique qui tentera de cerner les relations entre les films et leur contexte, qui tiendra compte de la spécificité des techniques, des usages et des discours à une époque donnée, et une approche anhistorique qui se proposera de dégager un état d’esprit. Cette volonté de circuler entre l’historique et l’anhistorique nous conduit dans un premier temps à définir la notion de modernité dont le terme est « si usé, qu’il n’a plus très bonne presse, et plus beaucoup de contenu. » (Aumont 2007 : 9) Ainsi nous examinerons au chapitre I les différents sens de la notion selon les domaines afin de dégager les éléments communs et de proposer une définition en extension. Quels que soient les domaines, la modernité apparaît comme « une rupture innovante. » Nous proposons ensuite de définir la modernité en compréhension en la dégageant des mythes de la rupture et de la nouveauté qui entraînent des confusions avec l’avant-garde et qui constituent le sens le plus ancien de « moderne. » En prenant en compte le contexte d’émergence et les apports de la phénoménologie et de la linguistique, la modernité dans le cinéma documentaire apparaît alors comme un indicateur de subjectivité et de réflexivité, non lié à un référent fixe, un mot empli de subjectivité ; à la différence du post-moderne qui prend le moderne pour référent. Si le documentaire traditionnel se propose de représenter le monde pour lui donner sens, le documentaire moderne regarde le monde, et se regarde dans l’accomplissement de sa propre réalisation. En observant l’ancrage historique des matériaux, des discours et des usages,il apparaît que le filmChronique d’un été(Rouch et Morin, 1960) cristallise l’avènement de la modernité documentaire, et cela pour plusieurs raisons : parce qu’il réalise la jonction entre différentes conditions, mais également parce qu’il manifeste, en les réfléchissant, les discours sur les implications de la technique du direct : la vérité ou la non vérité des personnes filmées, la vérité de la représentation, le nouvel usage social qui est fait de la parole des anonymes.
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En reposant ces questions, le film conjugue une technique novatrice à un discours sur les tenants et aboutissants de celle-ci. Les discours sur la technique du direct marquent une étape dans les relations entre documentaire et modernité, autant que la technique elle-même. C’est précisément dans l’implication réciproque entre technique et discours que réside la modernité du film, car au travers de la réflexion sur cette œuvre singulière, c’est aussi la question « Qu’est-ce que le cinéma ? » qui se trouve mise en scène sous forme de débat. L’étude deChronique d’un éténous permet de définir la modernité en compréhension comme la manifestation de ruptures, de chocs, et de novations par affichage de la matière filmique, de la situation de filmage, du type de discours réflexif et du positionnement d’un spectateur placé face à un questionnement sur la « vérité » de ce qu’il regarde. Au terme de ce premier chapitre, il apparaît ainsi que la modernité se définit dans les différents domaines que sont l’esthétique, la peinture ou la littérature par son autonomisation par rapport à ce qu’elle représente. Pourtant et malgré cette autonomisation, la modernité telle qu’elle se manifeste dans le cinéma documentaire porte un regard sur les sujets de son époque, sur le quotidien, l’anonyme, le social, l’actuel. Elle filme également sa propre situation de tournage et les discours impliqués par celui-ci. Elle filme un regard sur son époque. Il s’agit de montrer le réel tout en le critiquant avec ses failles, ses ambiguïtés, ses contradictions. La modernité dans le documentaire comme dans d’autres champs apparaît comme recouvrant les sens de ruptures, d’innovations, d’autonomisation, d’actualisation. Filmer le Paris de 1960, avec une équipe pluridisciplinaire composée du sociologue E. Morin, de l’ethnologue cinéaste Jean Rouch, de l’ingénieur Coutant, du preneur de son Michel Brault de l’O.N.F, avec un matériel mis au point au jour le jour en fonction des besoins, dans un esprit de bricolage et de découverte produit de nouveaux rapports sociaux en donnant la parole aux anonymes sur des sujets qui les concernent personnellement : « Etes-vous heureux ? » Une fois ce jalon posé, permettant de mettre à jour l’émergence de la modernité dans le cinéma documentaire, nous analyserons au chapitre IIle contexte de cette émergence en
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France en analysant les aspects historiques, sociaux, intellectuels et médiatiques. La modernité émerge dans le champ du cinéma documentaire en pleine période de renouvellement dans différents secteurs. Diverses conditions se révéleront favorables à cette émergence. Ainsi le développement de l’ethnographie joue dès 1931, (année de l’Exposition Coloniale Internationale, et de la mission Dakar-Djibouti), un rôle important dans l’orientation du cinéma vers la connaissance de civilisations ignorées et vers leur compréhension. Avec cette science se développe un nouveau regard sur l’Autre qui passe par un échange entre observateur et observé, même si ce regard sera lui-même sujet à diverses polémiques. C’est durant les années 1954-1962 qui sont celles de la Guerre d’Algérie que le cinéma s’interroge sur ses capacités à s’approcher de la vérité : 1958-1965 sont les années qui marquent l’avènement du cinéma direct. Curieuse « coïncidence » qui fait que la période d’occultation des faits de guerre en Algérie corresponde à celle de l’émergence d’un cinéma en recherche de vérité, et recoupe en partie les années de la « Révolution invisible des Trente Glorieuses en France de 1946 à 1975. » (Fourastié 1979) La modification des structures sociales bouleverse l’état d’esprit et les systèmes de valeur. C’est l’idée même de bonheur posée dansChronique d’un été qui est à reconsidérer : le film se propose alors de filmer les doutes et les interrogations des badauds de Paris en 1960. D’autre part le contexte médiatique des années 1950 avec notamment l’essor du court métrage français et le développement de l’écriture de documentaires à la télévision font partie du « paysage médiatique » et contribuent également à « réinventer le documentaire. »Nouveau cinéma documentaire de « l’Ecole française du court métrage » et nouveau documentaire télévisuel de « l’Ecole française du documentaire » semblent ainsi se rejoindre dans un intérêt commun porté à l’homme et dans une appartenance à la même mouvance idéologique qui vont renouveler les sujets abordés. Les contraintes posées par la lourdeur du matériel technique, l’impossibilité d’enregistrer en son synchrone sont pour le cinéma comme pour la télévision génératrices d’inventivité. Liberté de ton, renouvellement des sujets semblent ainsi répondre à une envie de filmer qui fera des téléastes des années 50, des auteurs qui seront préoccupés par l’intention de communiquer leur sensibilité, leur point de vue sur
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