As-tu appelé Dominique ?

Pierre Louki

Description

Au cours des années 1950-60, Pierre Louki se produisit dans de nombreux cabarets ; parmi les plus célèbres, citons : la Tomate (direction artistique : Cora Vaucaire), le Port du Salut, la Colombe, l'Échelle de Jacob, le Cheval d'Or... Il écrivit quelque cinq cents chansons, interprétées par Juliette Gréco, Annie Cordy, Patachou, Jean-Claude Pascal, Philippe Clay, les Frères Jacques… et lui-même, qui lui valurent le prix de la Sacem et celui de l'académie Charles-Cros. Une grande amitié le lia à Brassens qui le fit passer en première partie de ses récitals à Bobino en 1972 et 1976.

Sujets

• Témoignage
• Récit
• Autobiographie
• Musique
• Chanson
• Beaux arts

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 septembre 2012
• Nombre de lectures: 16
• EAN13: 9782296502529
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

As-tu appelé Dominique ?






































© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
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ISBN : 978-2-296-99220-7
EAN : 9782296992207
Pierre LOUKI






As-tu appelé Dominique ?

Récit rétro









Préface de Michèle Stalla









Dans la collection « Cabaret »
Marc Vincent chantauteur tomes 1 et 2, Bruno Daguebone, 2011-2012.
Un cabaret rue Mouffetard, Christian Stalla, 2007.
C’est l’destin Célestin, Gilbert Hennevic, 2009.
Les compagnons pianistes, Anne Audigier, 2010.
La chanson de proximité, Michel Trihoreau, 2010.
La chanson pour tout bagage, Ginette Marty, 2011.
Mamette, Gil Baladou, 2011.
Chez Georges, Bruno Joubrel, 2012.
As-tu appelé Dominique ?, Pierre Louki, 2012.


Dans la collection « Cabaret en vers »
Quand on écrit dix fées ramant, Marc Vincent, 2012.
Comme la truite sous la pierre, Patrick Deny, 2011.
Porte-toi bien la vie, Louis Amade, 2009.
Esquisse d’incertain, Aurélien Carton, 2010.



Préface



C’est à la fin des années 1950 que Pierre Varenne, aux
abords de la quarantaine, abandonna définitivement son
métier d’horloger pour devenir Pierre Louki. Outre
plusieurs centaines de chansons, dont la fameuse Môme
aux boutons, nous lui devons des livres et des pièces de
théâtre. Grâce à Georges Varenne, son fils, Christian
Stalla, directeur de la collection Cabaret, a eu
connaissance de ce « récit rétro », As-tu appelé
Dominique ?, qu’il a décidé de publier et m’a demandé de
préfacer.

J’ai eu le bonheur de côtoyer Louki en 1958 à
el’Auditorium des Jeunes Artistes, dans le XIV , à un cours
d’art dramatique et d’interprétation de chansons donné par
le comédien Lucien Raimbourg. Je suivais ce cours
collectif sur les conseils de mon cousin René Allio,
décorateur de théâtre à l’époque, qui allait devenir
réalisateur de cinéma (La Vieille Dame indigne). On
pouvait y rencontrer l’interprète canadienne Pauline
Julien, en quête de chansons inédites, le talentueux auteur
Bernard Dimey, à la recherche d’interprètes, et des
comédiens du Français venus en toute simplicité se
ressourcer auprès de Lucien Raimbourg. Pierre Louki y
passait quelquefois, en voisin, sa boutique d’horlogerie se
situant à deux rues de là.

J’étais une très jeune fille fascinée par les mots, les poètes
et la scène, et je regardais Louki avec respect et
admiration. Après m’avoir vue travailler, il me fit
l’honneur de me donner – et j’en suis encore fière
aujourd’hui – deux chansons de son tout premier cru, Si…
et À la préfecture.
7 Dans ce petit livre, Pierre Louki pose sur la société et les
sentiments humains un regard où il entremêle des
montagnes de tendresse et de fantaisie, son art magistral
de la chute et son humour ravageur et lucide, et, suprême
élégance, tout cela sans avoir l’air d’y toucher. Pierre
Louki est à l’écrit ce que Jean-Jacques Sempé est au
dessin.

Pierre nous a quittés le 21 décembre 2006. J’ai alors
découvert que cet éternel enfant au regard si intense sous
sa crinière blanche avait 86 ans.

Michèle STALLA
8 Avant-propos



Mon père, Pierre Louki, était fils d’instituteurs. Un peu par
hasard, il apprit le métier d’horloger et obtint son diplôme
de l’École nationale d’horlogerie de Besançon. Mais le
tictac des montres et pendules n’était pas son plaisir favori.
Avant tout c’était l’écriture. Par exemple, il faisait des
rédactions pour ses copains en échange de places de
cinéma. Ses profs n’étaient pas oubliés pour autant, ils
devenaient les personnages de petites pièces de théâtre.

Puis, adieu l’horlogerie ! Bonjour la chanson, les pièces de
théâtre et les livres pour grands et petits.

Il y a quelques mois, lors d’une conversation avec
Christian Stalla, je lui parlai d’un manuscrit que mon père
avait mis de côté faute de pouvoir le faire éditer. Christian
me dit : « J’aimerais le lire. » Une semaine après, il me
téléphone : « Je suis responsable de collection chez un
éditeur. J’ai beaucoup aimé ce “récit rétro”, je tiens à le
publier. »

Ce fut pour moi un grand réconfort de recevoir cet appel,
car l’œuvre de Louki continue ainsi sa route.

Puisse le lecteur ressentir autant de plaisir que j’en ai eu
en redécouvrant ce manuscrit parmi d’autres inédits…

Georges VARENNE



9








J’ai longtemps, longtemps cherché la première phrase.
Le premier mot. Je cherche encore. Je suis face à ma
feuille blanche. À mes feuilles blanches. Enfin, aux
feuilles blanches qui seront miennes quand je les aurai
noircies. Si ça me vient. 4 janvier. Nous sommes en 71.
Mais j’ai conservé devant moi le calendrier des PTT 70.
Oui monsieur, PTT et non pas P et T. Je regrette. Le
calendrier est devant mes yeux. Voyez vous-même.
Imprimé à Rennes. Quatre chats dans un panier, sur fond
rouge. C’est ma femme qui l’a choisi. Elle sait mieux que
moi ce qu’il faut donner au facteur. Et elle le fait avec le
sourire. Je souris rarement. En tout cas jamais en donnant
la pièce au facteur. Derrière il y a le plan du métro. Et de
la région parisienne, 92, 93, 94. Et puis une carte de
France. Routière. L’évasion ! L’invasion serait plus juste.
Bref, ce calendrier ne me sert rigoureusement à rien
puisque j’inscris tout sur un bloc-agenda dont je tourne
une page chaque matin. Facteurs, éboueurs, aveugles de
toutes sortes, paralysés des membres supérieurs, paralysés
des membres inférieurs, secours de ceci de cela. Au
secours ! Je serais malheureux si ma femme ne donnait
pas. Elle est aimable, elle. Agréable. Son sourire est
bienfaisant. Mais moi je n’aime pas donner. Le geste est
impudique. Je n’aime surtout pas qu’on me demande. Je
suis un drôle de citoyen.

11 Que je vous dise de suite que je n’aime pas non plus
parler de moi. Je cache bien mon jeu ? Non, parole, je suis
sincère. J’aime me parler de moi. À moi. Et je ne me
prends pas toujours pour un con. Mais parler de moi aux
autres, non. Il faut vraiment que je n’aie aucune idée.
Aveugles de toutes sortes, paralysés des membres
supérieurs ou inférieurs ! C’est indiscutablement de la
provocation. Ça ne me ressemble pas. Il y a trop
longtemps que je me ressemble ! Il serait temps que
j’essaie de changer. Que j’essaie. Tiens, au fait, ma feuille
n’est plus blanche. Ça vaut ce que ça vaut mais c’est tout
de même un soulagement. C’est le premier mot qui coûte.
À vrai dire, il n’y a pas encore de premier mot. Tout ce qui
est écrit ne compte pas. Appelons cela de la mise en route.
« Échauffement », disent les sportifs. Mais le roman à
proprement parler n’est pas commencé. Je me suis donné
trois mois pour l’écrire. Trois mois à deux pages par jour.
Ça ne fera qu’un petit roman ? C’est exprès, je suis
modeste. D’autres l’ont déjà fait ? Ils ont écrit un roman
en expliquant qu’ils écrivaient un roman ? Vous ne
m’avez pas compris. Si je tentais, moi, quelque chose, ce
serait plutôt d’expliquer comment on n’écrit pas un roman.
Mais je ne dois d’explication à personne.

Je les aime bien ces quatre chats dans leur panier. Sur
le calendrier des PTT 70. Fond rouge. Le fond du panier
est convexe. D’habitude on dit plutôt cela de ve