Comment exister aux côtés d un génie ?
180 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Comment exister aux côtés d'un génie ? , livre ebook

-

180 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Comment fait-on pour vivre et se réaliser aux côtés d'un homme d'exception, quand on est une femme et dotée de talents évidents, confinant parfois au génie ? Parvient-on à exister ? A la lumière du XXIe siècle, où tant de progrès restent à réaliser pour parvenir à une juste parité entre hommes et femmes, cet ouvrage met en perspective trois destinées féminines, revisitant leurs parcours hors du commun.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 58
EAN13 9782296485853
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COMMENT EXISTER AUX CÔTÉS D’UN GÉNIE ?
Agnès Boucher
COMMENT EXISTER AUX CÔTÉS D’UN GÉNIE ?
Fanny Mendelssohn, Clara Schumann, Alma Mahler et les autres
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96153-1
EAN : 9782296961531
« Les femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l’homme deux fois plus grande que nature ».

Virginia Woolf,
Une Chambre à soi.


« Après tout, où est la nécessité qu’une fille sache lire et écrire de bonne heure ? (…) Il y en a bien peu qui ne fassent plus d’abus que d’usage de cette fatale science ».

Jean-Jacques Rousseau,
Émile ou De l’éducation.


« Si l’ambition est le propre de l’homme, elle a rarement eu valeur d’attribut féminin ».

Élisabeth Badinter,
Émilie, Émilie.
Introduction
En 1958, dans les Mémoires d’une jeune fille rangée , Simone de Beauvoir 1 raconte de quelle manière elle a ouvert les yeux et est sortie du schéma sexiste en même temps qu’admiratif et fier où son père s’évertuait à l’enfermer sans s’en rendre compte. Elle explique de quelle manière il parle d’elle, fier de cette aînée et de son intelligence supérieure. Notamment, il croit lui offrir le plus beau compliment qu’une femme à son sens est en droit d’espérer d’un homme. Et au début la jeune fille le prend effectivement comme tel.
« Simone a un cerveau d’homme. Simone est un homme (...) Quel dommage que Simone ne soit pas un garçon ; elle aurait fait polytechnique ».
Dans une autre veine a été publié en 1929, soit près de trente ans auparavant, un essai de Virginia Woolf 2 , Une chambre à soi . Cet ouvrage a depuis lors marqué plusieurs générations de femmes. La romancière y évoque les différentes raisons qui empêchent depuis toujours les femmes d’écrire. Outre les interdictions édictées par la loi des hommes, elle raconte les obligations conjugales et familiales qui dévorent la vie d’une épouse et d’une mère. Quel temps reste-t-il alors à la femme pour lire, écrire, penser, créer, imaginer ? Et si elle avait malgré tout le courage ou l’audace de braver ces interdits, elle devait faire fi du discours ambiant, machiste et sexiste.
Beauvoir finit par tempérer son admiration reconnaissante de femelle face au mâle, paternel de surcroît, et applique assez rapidement ce que Woolf préconise : avoir sa chambre personnelle, fermée à clé, pour travailler en paix ; gagner de quoi vivre sa vie sans rien avoir à demander à quiconque. Bref, être indépendante.
Woolf et Beauvoir sont des femmes du vingtième siècle et elles sont toutes deux écrivaines. Cette activité requiert une aptitude fondamentale à la solitude et il n’est pas rare qu’un auteur aille jusqu’à fuir toute vie publique ou mondaine pour mieux se consacrer totalement à son travail. Quand la Britannique écrit son essai, ses compatriotes ont acquis le droit de vote 3 depuis un an 4 , que les Françaises n’obtiendront qu’en 1944 5 . Le premier conflit mondial a détruit les vieux régimes européens. Il a également joué un rôle fondamental et irréversible quant à l’évolution des mentalités et détruit une part non négligeable des schémas sociaux-culturels. Le dix-neuvième siècle est enfin mort et le vingtième peut advenir avec près de vingt années de retard sur son commencement officiel. Pendant tout le temps qu’ont duré les combats, les femmes ont remplacé les hommes au champ et à l’usine. Au sein de la cellule familiale, elles ont assumé l’autorité et occupé les responsabilités qui incombaient jusqu’alors à l’homme. Elles ont joué leur rôle classique de support à la famille, mais de manière beaucoup plus active et autonome ; elles ont fait des choix et pris des décisions. Elles se sont habituées à vivre, à agir et à penser sans les hommes, sans leur regard ni leur avis. Surtout, elles ont compris qu’elles pouvaient, non pas se passer d’eux mais vivre au milieu d’eux, parfois même sans eux, comme eux pouvaient vivre depuis toujours au milieu d’elles avec ou sans elles.
Bien sûr, les femmes ont attendu et espéré le retour du front de leurs pères, maris et frères, avec pour certaines le pressentiment qu’elles risquaient de perdre cette liberté toute neuve, pour d’autres la certitude qu’il leur faudrait se battre pour la défendre coûte que coûte, la conserver au moins en partie, voire la reconquérir. En même temps, qu’ils soient vainqueurs ou vaincus, les combattants rentraient des tranchées la peur au ventre et l’esprit nourri de visions cauchemardesques, ayant perdu beaucoup de leurs illusions ancestrales en leur force virile.
Déjà avant la guerre, la Révolution Industrielle permit aux femmes de se réveiller d’un long sommeil de soumission. Elles constatèrent que les hommes pouvaient s’asservir les uns les autres et que nombre d’entre eux ne parvenait plus à nourrir leur famille, incapables de gagner un salaire décent, esclaves du patron plutôt que salariés respectés pour le dur labeur effectué. Cependant, si usine et travail étaient synonymes d’exploitation, ils participèrent aussi des leviers qui permirent aux femmes de gagner peu à peu en émancipation financière, avant que sociale, culturelle et politique 6 .
Beauvoir et Woolf ont également en commun de ne pas avoir été mères. Qu’importe la raison, volontaire ou non, qui leur a fait écarter cette part de leur féminité. Sans doute comme bon nombre d’hommes ont-elles considéré que mettre au monde et élever des enfants prendrait une part trop grande de leur vie en regard de leur destinée créatrice. Et concevoir une œuvre n’équivaut-il pas en une autre forme d’enfantement, ni plus ni moins supérieure à la procréation humaine ?
L’objet de ce livre est de mettre en perspective trois destinées féminines assez spécifiques, qui ont connu le mariage et la maternité même si au départ leur vie et leurs aspirations tendaient vers un tout autre but. Les deux premières ont traversé le dix-neuvième siècle ; allemandes et musiciennes, Fanny Mendelssohn Bartholdy et Clara Wieck se sont connues, reconnues et appréciées, de manière certes fugace mais bien réelle ; Alma Schindler est la troisième, qui aurait pu être leur petite fille viennoise et mettre en œuvre ce que ces deux annonciatrices n’avaient pu mener à terme. Le paradoxe veut qu’elle soit sans doute celle qui s’est le moins réalisée par elle-même.
Ce sont trois portraits de vie : ces femmes ne sont pas comme les autres, riches de talents plus ou moins féconds. Cependant, elles paraissent ne pouvoir échapper à la confrontation avec leur époque, et dans le même temps semblent ne jamais être tout à fait à leur place, quoi qu’elles fassent. Ce livre est le récit imparfait de leurs réactions  ou absence de réaction ! , de leur soumission, de leur stratégie, de leur rébellion aussi face aux apriorismes, aux idées reçues, face aux hommes enfin, pétris de leurs croyances et de leurs peurs, et face à la société arbitraire qu’ils ont conçu.
Toutes trois aspiraient à être compositrices et en ont été peu ou prou empêchées.
À l’instar des précédents, le dix-neuvième siècle ne supporte pas les « femmes savantes » 7 , appelées aussi « bas-bleus » 8 , voire « précieuses » 9 au temps de Molière. Savoir pour savoir, donc pour soi-même, n’est d’aucune utilité à une femme. Cela peut même se révéler dangereux pour l’homme. Jean-Jacques Rousseau 10 l’a théorisé dans l’ Émile 11 . La femme comme l’illettré, l’ouvrier ou le noir, ne doit pas accéder à la connaissance pour ne pas menacer dans sa suprématie l’homme blanc, chrétien, et plutôt issu des classes supérieures, conception sociale assez proche du WASP 12 américain.
Ma réflexion est née de la relation de Gustav Mahler avec sa femme, Alma Schindler ; le musicien prit l’exemple du couple Wieck-Schumann pour défendre sa vision du mariage et ne pas renouveler ce qu’il pensait être une erreur, c’est-à-dire l’union de deux compositeurs où l’un doit nécessairement se soumettr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents